« Le terrorisme et les violences entre communautés persistent et la menace s’étend en Afrique de l’Ouest », souligne M. Chergui, commissaire de l’UA à la paix et la sécurité, dans une tribune parue mercredi 14 octobre dans le quotidien suisse Le Temps.
Cette déclaration intervient alors que le récent échange par le gouvernement malien de quelque deux cents détenus contre quatre otages – un dirigeant malien d’opposition, Soumaïla Cissé, la Française Sophie Pétronin et deux Italiens – a relancé les spéculations sur une reprise des contacts esquissés avec les djihadistes.
« La violence quasi quotidienne, associée à des allégations récurrentes de manquements aux droits de l’homme, a dressé les communautés les unes contre les autres d’une part, et contre les forces de sécurité et de défense d’autre part », écrit Smaïl Chergui.
Depuis le début de la crise au Mali en 2012, la présence militaire croissante d’acteurs multiples, la France, l’ONU et la force antidjihadiste du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), n’a produit que « des avancées non décisives », selon lui.
« Adapter les stratégies »
Les partenaires du Mali qui se sont déployés au Sahel « initialement pour une courte durée », rappelle le responsable africain dans une allusion transparente à l’armée française et sa force « Barkhane », « s’y trouvent toujours ».
« Le moment est venu de revisiter et d’adapter les stratégies de stabilisation de la région du Sahel pour les unifier », poursuit-il. « Toute idée innovante est la bienvenue pour faire taire les armes en Afrique, en premier lieu celles portées par les terroristes et les extrémistes violents », fait valoir M. Chergui.
L’accord conclu en février entre les Etats-Unis et les talibans afghans « peut inspirer nos Etats membres pour explorer le dialogue avec les extrémistes et les encourager à déposer les armes, en particulier ceux qui ont été enrôlés de force », écrit-il.
« Nous devons également réaffirmer notre détermination à stopper la propagation du terrorisme et l’extrémisme violent, à assécher leurs sources de financement et à mettre un terme à leurs agissements criminels », reconnaît-il néanmoins.
Des émissaires vers les chefs djihadistes
Au Mali, les perspectives d’une accalmie sur le terrain après la libération des otages il y a une semaine se sont rapidement évanouies. Douze civils et onze militaires maliens ont été tués mardi 13 octobre par de présumés djihadistes dans le centre du Mali. Et dans le nord-est du pays, un casque bleu de l’ONU a été tué et un autre grièvement blessé jeudi par une explosion.
Paris a marqué ses distances avec les conditions acceptées par Bamako pour obtenir la libération des otages. « La France n’a en rien été impliquée dans des négociations d’aucune sorte avec ce groupe terroriste que nous continuerons à combattre avec la dernière détermination », a assuré mercredi le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre. Il visait ainsi le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), dirigé par le chef touareg malien Iyad Ag Ghali, affilié à Al-Qaida, qui détenait les otages.
Les gouvernements malien et français avaient balayé les recommandations d’une conférence d’entente nationale organisée en 2017 à Bamako, en faveur de l’ouverture de négociations avec Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa, un autre dirigeant du GSIM, dont le groupe opère dans le centre du pays.
En mai 2019, Bamako avait de nouveau sèchement rejeté les suggestions d’un rapport du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) proposant de combiner pression militaire, dialogue et désarmement pour amener les chefs djihadistes à la table des négociations. Le mois suivant, le président de l’époque Ibrahim Boubaca Keïta avait néanmoins nommé un « haut représentant » pour le centre du Mali, Dioncounda Traoré.
En début d’année, M. Traoré a indiqué avoir envoyé des émissaires vers Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa, peu avant que M. Keïta ne brise lui-même un dogme officiel en se disant prêt à ouvrir un dialogue avec les djihadistes. Très peu d’informations ont filtré sur la réalité ou la teneur de tels contacts jusqu’à ce que le régime d’Ibrahim Boubaca Keïta soit emporté par un putsch le 18 août.
Le Monde avec AFP