Ce qui se passe à Sélibaby, capitale du Guidimagha, se passe de tout commentaire en termes de scandale, à l’heure où les Mauritaniens pensent vivre une ère nouvelle sous le slogan « Taahoudati » brandi par le président Mohamed Cheikh Ghazouani. La société publique EL ISKAN de construction et de gestion immobilière a dépossédé des populations pauvres de leur terrain, pour les attribuer à de riches commerçants. C’est le constat fait par un groupe réputé d’ONGs nationales.
Le spectacle offert par le quartier « Deyboussat », sis route Sélibaby-Ghabou, est une image de désolation. Murs éventrés, bâtiments en gravas…Et plus loin, des familles éplorées qui gardent encore à l’esprit l’image d’années de labeurs détruits en quelques minutes, par les bulldozers de la société El ISKAN.
Il ne s’agit ni de squats, ni de terrains usurpés, mais de lopins de terre dûment attribués par l’administration sous forme de terrains lotis attribués à des populations munies de permis d’occupation en bonne et due forme.
Le seul malheur de ces familles semble être leur présence sur un axe goudronné, très convoité par les commerçants de la place. L’Administration chercherait en toute apparence à les consoler, après la perte de leurs boutiques, emportées par le nouveau lotissement en centre-ville.
Alertés par les cris de désespoir de ces dizaines de familles spoliées, plusieurs organisations de la société civile se sont rendues sur le terrain le 1er octobre 2020 pour s’enquérir de la situation. Il s’agit des ONG composant la Plateforme des OSC du Guidimagha, ADIG, GRADD, Action DEV, AMDA, ANDP, UCFG, AMEES, AMPA, ACSAD, TAWVIGH, APFG, AMDH et AEG.
Ces ONG ont rencontré les représentants des populations qui leur ont raconté leurs malheurs, en l’occurrence, Saad Mahfoudh, Idrissa Houcein Diallo, Alassane Bâ, Hawa Mamadou Diallo et Sid’Ahmed Aly.
Dans leur compte-rendu, les responsables des OSC en question ont relevé une « absence d’acte légal, arrêté ou décret, autorisant la société EL ISKAN, à déposséder les populations de leurs terrains ». Ce qui, selon elles, est en porte-à-faux avec la Déclaration de Politique Générale que le Premier Ministre, Mohamed Ould Bilal, avait pourtant lu devant les députés au mois de septembre dernier.
Selon le témoignage de l’un des habitants, « malgré notre pauvreté, nous ne sommes pas opposés à n’importe quel réalisation ou plan d’aménagement dans l’intérêt public, mais ce que nous ne pouvons supporter est qu’on nous déguerpisse et qu’on détruise nos bâtiments, pour offrir nos terrains à d’autres citoyens comme nous, comme si nous étions des citoyens de seconde zone ».
En effet, selon le constat fait par les ONG, « toutes les maisons, murs d’enceinte et hangars où logeaient des familles depuis des années ont été détruits sur une grande superficie. Tous les habitants ont pourtant leur permis d’occuper ». Le pire, d’après les habitants, « est que ces terrains ainsi libérés ont été attribués à de riches commerçants qui convoitent la place depuis des lustres ».
Ces ventes massives des terrains des déguerpis via la société EL ISKAN, puis les constructions hâtives opérées par les nouveaux propriétaires comme pour consacrer le fait accompli, tout au long du tronçon goudronné Sélibaby-Ghabou, n’a fait que révolter davantage les habitants.
Un commerçant a ainsi raflé à lui tout seul, 12 terrains, pour compenser sa moitié de terrain démoli pour cause de lotissement en centre-ville. Ne pouvant supporter une telle injustice, un vieil homme serait mort de crise cardiaque.
La tentative de déguerpis de s’opposer à cette vaste spoliation a été matée par la police. Plusieurs anciens propriétaires ont été arrêtés.
La société EL ISKAN, à leurs dires, n’a même pas respecté la décision de justice interdisant toute activité sur les lieux jusqu’au verdict de la Cour Suprême où le dossier des victimes est pendant.
Face à ce drame, les ONG citées plus haut ont condamné fermement les agissements de la société EL ISKAN et le silence coupable des autorités administratives au niveau régional. Elles ont enfin lancé un appel pour que justice soit faite et que la société EL ISKAN arrête de spolier les populations de leurs habitats qu’elles occupent légalement.
Source : L’Authentique (Mauritanie)