L’esclave Oum El Khairy, après 13 années de combat judiciaire, elle abdique devant ses maîtres contre des miettes

L’esclave Oum El Khairy, après 13 années de combat judiciaire, elle abdique devant ses maîtres contre des miettesIl a fallu moins d’une semaine pour que le Parquet d’Atar entame la clôture d’un dossier d’esclavage qui traîne devant ses prétoires depuis 2007. Oum El Khairy Mint Yarba et ses enfants (3 filles et 2 garçons) ont finalement abdiqué devant les pressions en retirant la plainte déposée contre leurs maîtres, Ehel Boulemsak de Yaghrev, moyennant 5 Millions anciennes ouguiyas.

C’est ce qu’a indiqué SOS Esclaves qui accompagne les victimes depuis plus de 13 ans ainsi que ses avocats, lors d’une conférence de presse animée le 23 juillet 2020 à Nouakchott. Pour eux, le dossier ne peut pas être clos.

« Nous aurions aimé vous annoncer aujourd’hui une belle victoire contre l’esclavage et les esclavagistes. Malheureusement, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, car la volonté politique ne semble pas prête à fermer définitivement la page sombre de cette pratique ignoble malgré les arsenaux juridiques mis en place et les engagements internationaux ».

C’est par ces mots pleins d’amertume qu’Ahmedou Wedia, Vice-président de l’ONG SOS Esclaves a entamé la conférence de presse animée jeudi 23 juillet 2020 au siège de l’organisation à Nouakchott.

Sans qu’elle n’ait été ni avertie ni consultée, l’ONG SOS Esclaves aurait ainsi appris que son ancienne protégée, Oum El Khairy Mint Yarba, qu’elle avait sauvée avec ses enfants des griffes de l’esclavage en 2007, a finalement retiré sa plainte contre ses maîtres, la famille Ehel Boulemsak de Yaghrev, une localité située à 70 Kilomètres d’Atar en Adrar.

« Elle était partie à Atar pour des formalités d’état-civil, et pour être entendue par la gendarmerie dans le cadre de l’enquête diligentée pour pratiques esclavagistes suite à la plainte qu’elle avait déposée en 2010, puis renouvelée en 2018 avec l’appui de l’ONG SOS Esclaves. Les maîtres lui on proposé 5 Millions d’anciennes ouguiyas contre le retrait de la plainte. Ce qu’elle aurait fait » a déclaré Ould Wedia.

Le Vice-président de SOS Esclaves d’évoquer d’éventuelles connivences entre un Etat dont les plus hautes autorités nient l’existence de l’esclavage et les maîtres esclavagistes. « Il faut voir la célérité avec laquelle les procédures de clôture du dossier sont entamées, par rapport aux Treize années pendant lesquelles la justice mauritanienne a gelé le dossier, pour comprendre le refus de l’Etat mauritanien à reconnaître aux victimes de l’esclavage tout accès à une justice équitable » a-t-il renchérit.

Mais selon Me Bah Ould MBareck, l’un des avocats de SOS Esclaves, « le parquet d’Atar ne s’est pas encore prononcé sur la suite à donner après le retrait de la plainte par Oum El Khairy, ce qui n’est pas habituel.

D’habitude, dès que les deux parties s’entendent pour mettre un terme à l’aspect civil de l’affaire, le parquet doit donner son avis, soit classer le dossier sans suite ou poursuivre l’action au pénal. Tant que cela n’est pas fait, nous sommes bloqués » a-t-il déclaré.

Dans tous les cas, l’avocat estime que le dossier ne peut jamais être clos, car selon lui, « l’arrangement et le retrait de la plainte ne mettent jamais à terme la poursuite d’une affaire, surtout que nous sommes là devant un crime contre l’Humanité ». Et d’étayer ses propos en soulignant que deux choses font que cette affaire ne peut pas se terminer par cet arrangement financier.

« D’une part, la loi 031-2015 criminalisant l’esclavage a érigé l’esclavage au rang de crime contre l’Humanité et de crime imprescriptible et d’autre part, elle a pris en compte la vulnérabilité des victimes et c’est pourquoi elle a ouvert la voie aux ONG spécialisées ayant plus de 5 années d’existence d’ester en justice dans les affaires d’esclavage »

Dans une vidéo qui a été diffusée lors de la conférence de presse, Oum El Khaïry entourée de ses enfants raconte le calvaire, les sévices et les tortures physiques, mentales et sexuelles qu’elle et ses enfants ont subies pendant les longues années de servitude chez la famille Ehel Boulemsak.

Cheikh AÏdara
Source : L’Authentique (Mauritanie)