Le 13 juillet 2020, le Président de la chambre correctionnelle près la Cour suprême, Mohamed Ghaith Oumar, ordonne la libération de son cousin, membre de sa tribu, Ahmed Taleb Ould Elmokhtar Ould Cheikh dit Ahmed Taleb Mohamed, officier de gendarmerie, chef de la police judiciaire de la commune de Twil, accusé de viol et écroué depuis plusieurs semaines ;
le prévenu était convaincu d’abus sexuel et d’exploitation de mineure, sur une fillette de 12 ans, Toutou Mint Kaber, descendante d’esclave, issue de la communauté servile. Il sort provisoirement de prison, grâce à une caution de 40000 ouguiya nouvelle, soit 900 euros.
L’honorable Mohamed Ghaith Oumar dirige les délibérations d’une instance en charge de surveiller l’exécution de la loi ; en l’occurrence, il enfreint les règles d’usage, s’agissant du régime de la liberté conditionnelle : en sont exceptés les auteurs d’infractions graves, tels le viol, la maltraitance physique, le travail des mineurs.
L’esprit du droit, y compris la jurisprudence, consiste à empêcher la récidive et les tentatives d’intimider les victimes ou de faire disparaitre des preuves. Ici, aucune des précautions sus-énoncées ne s’applique à Ahmed Taleb Mohamed, en dépit de ses aveux, lors de l’enquête.
Pire, le juge d’instruction du tribunal d’Aïoun (Hodh occidental) a refusé de le lui accorder le privilège. Le Président de la Cour d’appel de Kiffa (Assababa) confirma le rejet. Tous semblent avoir pris la mesure des suspicions d’antécédents de viol, jusqu’ici sans suite, à cause de la solidarité tribale dont bénéficierait le susdit.
De facto, la décision de la Cour suprême les dessaisit du dossier au moment opportun. Au regard de la culture locale de l’impunité, l’infériorité raciale et statutaire de la plaignante, explique les faveurs consenties à son agresseur. Il n’est pas incident de souligner que l’appareil de justice, l’administration territoriale et le commandement des forces de sécurité ne cessent, même s’ils sen défendent, d’illustrer l’inégalité de naissance face aux normes légales.
Le noir – mauritanien et étranger – craint les commissariats et les magistrats. A ce titre, il s’efforce de les éviter. Malgré le désenchantement et la peur, les prisons de Mauritanie comptent une majorité nette d’origine subsaharienne. Nombreux y croupissent, en détention préventive, durant des années, parfois à la suite de larcins. Ceux-là n’oseraient prétendre à une liberté conditionnelle.
Un an après une transition au sommet du pouvoir qui promettait une gouvernance de l’équité et de l’éthique, les pratiques d’indulgence et de préférences basées sur la race et l’influence sociale continuent de saper le fondement théorique de l’Etat de droit.
Ainsi, Ira-M ne cesse de les dénoncer, expliquer et combattre. Le cas de Ahmed Taleb Mohamed, de la petite Toutou Mint Kaber et du magistrat Mohamed Ghaith Oumar démontrent, à qui en douterait encore, combien la Mauritanie demeure une république des tribus et le terrain d’échanges illicites, entre parentèles, au sein d’une même ethnie.
Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (Ira-M),
18 juillet 2020
Source : IRA-Mauritanie