Il faut bien le reconnaître Biram Ould Abeid et son organisation IRA ont bien réussi à remuer le cocotier de la question harratine en Mauritanie. Qu’on l’aime ou pas, ce jeune, ancien militant politique, a bien réussi son entrée sur la scène sociale. Et le procès intenté contre lui ces derniers jours – qui occupe et préoccupe les droits de l’hommistes du monde et les nations d’occident comme celles d’Afrique, n’est qu’une facette de sa réussite.
Une chose est sure : grâce à lui en grande partie, l’esclavage domestique a perdu de sa force s’il n’a pas disparu dans le pays. Et par lui, la Mauritanied’aujourd’hui est entrée bon gré mal gré dans un cycle qui lui demande de se remettre en question pour mieux aborder son devenir.
Depuis quelque temps, sur les plateaux de télévisons, les studios radios, les pages de journaux, les salles de conférences, les mosquées… le sujet est le même : la nécessaire question de l’unité nationale et de l’égalité entre tous les mauritaniens.
Partout, les débatteurs s’emploient à poser de manière claire, lucide et dépassionnée, le débat portant sur le statut des harratines. Sur celui de l’esclavage, de ses séquelles. Et doivent proposer des méthodes d’y mettre fin et de passer à l’avant pour un plein épanouissement de tous les citoyens de ce pays dans un Etat de droit où tout le monde se sent profondément redevable à sa patrie de quelque chose : la dignité, la loyauté et la reconnaissance.
En fait, la Mauritanie est effectivement en train d’essayer de solder les errances des fossoyeurs de son unité. Ce qui devait faire notre force est subitement devenu un cancer qui nous ronge et déclenche la furie de nos démons.
Au nom d’idéologies importées, ou d’une suprématie qui ne tient sur absolument rien, on opprime des groupes socio-culturels, on dénie le droit à une vie digne à d’autres et on réduit d’autres encore au statut éternel d’asservis ou de fils d’anciens esclaves qui n’ont que l’assujettissement et l’obéissance comme seule raison d’existence !
Le constat est général du moins dans les milieux de citoyens intègres et justes ! Pour ceux-ci ; plus d’un demi-siècle d’oppression et de déni des droits les plus élémentaires à des communautés entières, ne peuvent plus durer.
Un dialogue et une révision s’imposent pour une plus juste et plus équitable réorganisation de la maison Mauritanie. Nombreux sont ceux qui ont compris qu’autant le faire dès maintenant avant qu’il ne soit bien trop tard.
Croire que l’on peut éternellement maintenir un système fondé sur l’hégémonie des tenants du système, la puissance économique aléatoire soutenue, au bras le corps, par une élite, ne suffit pas pour préserver ce système ; car les Etats se fondent sur les valeurs d’égalité, de justice et de droit et non sur d’autres choses. Tout le reste n’est que chimère et folle arrogance.
Longtemps sous le joug, les haratines méritent d’être sincèrement et objectivement écoutés. Il ne s’agira alors pas de vouloir « amadouer » les harratines en scellant avec eux une « alliance communautaire » » au détriment des autres communautés du pays.
Il s’agit d’ouvrir un dialogue national inclusif nous permettant, à tous, à l’ensemble des fils de ce pays, d’évaluer plus d’un demi-siècle de notre coexistence et en tirer les leçons utiles pour l’avenir de notre pays et de son peuple. Le reste, tout le reste, ne sera qu’une fuite. Et une fuite en avant, finira forcément par prendre fin ; elle ne fera que retarder une échéance qui viendra, fatalement, si le système persiste à dominer, sans souci des autres.
On peut s’imposer, temporairement par la force, le temps qu’on détient les moyens de son pouvoir, mais l’on ne peut jamais ignorer éternellement les revendications d’une partie de son peuple. Surtout quand celles-ci sont légitimes.
L’histoire du monde est là pour nous rappeler que tous ceux qui l’ont essayé et qui ont persisté dans leurs méfaits y ont laissé des plumes, si ce ne sont pas leurs pays eux-mêmes qui ont disparu! En d’autres termes, les revendications légitimes aujourd’hui posées par les harratines ne doivent pas être mal interprétées.
Elles doivent être prises crument, comme elles sont et ne doivent surtout pas être reprises ou manipulées par les mauvaises consciences et les esprits maléfiques. Il y va de la paix dans le pays. Il y va de l’avenir de ce pays.
Amar Ould Béjà
Source : L’Authentique (Mauritanie)