Reportage | A Dar-Naim, des mères de sourds prennent le chemin des classes

Reportage | A Dar-Naim, des mères de sourds prennent le chemin des classesDans cet après-midi d’un jour de mars, quelque part à Dar-Naim, au siège du projet urbain de Caritas Mauritanie, dans la banlieue Est de Nouakchott, une salle aux allures de classe accueille une vingtaine de femmes venues apprendre le langage des signes.

Rien ne les désarme. Entre engouement et abnégation, ces mères de sourds ont décidé de prendre le chemin des classes, venant d’un peu partout de Dar-Naim, pour suivre assidument des cours en langage de signes financés par Caritas Mauritanie.

Souvent issues de familles pauvres, elles ne peuvent pas se permettre de se payer le luxe de chercher un encadreur à la maison pour leurs enfants. Du coup, elles « retroussent leurs manches » dans la perspective de jouer pleinement leur rôle d’encadrement à la maison pour leurs descendants.

« Ces mamans ont des enfants sourds qui vont à l’école mais s’ils reviennent à la maison, s’il n’y a pas quelqu’un qui peut communiquer avec eux, ils vont avoir des problèmes. C’est pour cette raison, nous formons la maman de ces enfants, pour que les mamans soient en mesure de communiquer avec leurs enfants à la maison : elles vont les aider dans les devoirs, à faire beaucoup de choses, à s’épanouir », explique à Cridem Birama Souleymane Dembélé, animateur à Caritas Mauritanie.

Parmi ces mères qui s’illustrent pendant les cours donnés par un encadreur sourd, il y’a notamment Oumou Kelthoum Mint Mohamed Baba, la cinquantaine, mariée à un retraité et mère de 3 enfants, deux garçons et une fille. Tous les trois enfants partagent un destin et un handicap de surdité.

Oumou Kelthoum « est l’une des femmes qui suit de manière régulière ses enfants. C’est pour cette raison, ses enfants ont de bons résultats à l’école », témoigne avec beaucoup de fierté Aichetou Mint Hamada, la présidente de l’Association Eridwane pour la sensibilisation et l’intégration des sourds, créée en 2009 et partenaire de Caritas Mauritanie.

Dans le passé, Oumou Kelthoum Mint Mohamed Baba avait suivi des cours similaires en langage de signe, ce qui a permis à ses enfants de progresser sur le plan scolaire, mais aussi de lui permettre d’avoir une longueur d’avance sur les autres mères de familles venues s’échiner pour renforcer leurs capacités en matière de communication avec leurs progénitures.

« En arabe, en mathématiques, par exemple, mes enfants n’ont pas de problèmes, mais le problème se situe surtout au niveau du français où les enfants ont encore un problème. Si mes enfants ont des difficultés, je suis là pour intervenir. L’un de mes enfants qui est à l’ecole primaire n’a pas de problème. Il a de bonnes notes. Ce sont surtout les deux autres qui sont au niveau du Collège où le français commence à intervenir. Et ce problème se situe à ce niveau. Je nai pas de problèmes de communication avec eux. Si, maintenant, je n’arrive pas à comprendre ce que mes enfants veulent dire, ils vont l’écrire », explique à Cridem Oumou Kelthoum Mint Mohamed Baba.

Dans cette reprise en main du destin de leurs enfants, il y’a l’ONG Eridwane pour la sensibilisation et l’intégration des sourds qui a joué un rôle déterminant. Sa présidente, Aichetou Mint Hamada, est une enseignante, mais également mère de 3 enfants sourds (2 filles et 1 garçon).

«Les enfants ont un langage de signes. Si, à la maison, il n’y a pas quelqu’un qui est en mesure de comprendre ça, ça devient difficile pour eux. Les mamans ont besoin de savoir l’alphabet, les chiffres, les mots, pour aider leurs enfants à parfaire leurs connaissances pour avoir de bons résultats au niveau scolaire. Les enfants qui ont des mamans qui connaissent parfaitement le langage des signes ont de meilleurs résultats que les autres qui ne sont pas suivis », indique à Cridem Aichetou Mint Hamada.

L’atrophie de leurs enfants est loin d’être un boulet pour ces mamans fortes et fières. Elle constitue au contraire un challenge quotidien pour elles…

Birama Souleymane Dembélé, animateur à Caritas Mauritanie © photo/Cridem/BBN

Oumou Kelthoum Mint Mohamed Baba © photo/Cridem/BBN

Aichetou Mint Hamada, présidente ONG Eridwane pour la sensibilisation et l’intégration des sourds © photo/Cridem/BBN

L’enseignant qui dispense les cours en language de signes © photo/Cridem/BBN


Vue de l’assistance © photo/Cridem/BBN

 

Source : Rédaction de Cridem