« C’est dans les moments les plus obscures que nous nous attendons le plus à apercevoir la lumière », Aristote
Beaucoup d’entre nous se sont auto-confinés. Nous nous efforçons à nous réconcilier avec nous-mêmes et à respecter les gestes barrières pour nous protéger du Coronavirus ; tout en sensibilisant nos proches et autour de nous sur la nécessité de respecter la distanciation sociale, à nous laver régulièrement les mains et à désinfecter tout ce qu’a pu toucher la main… Nous avons aussi appris comment nous empêcher de nous toucher la figure et continuer à faire les cents pas et les petits mouvements sur place pour réduire le stress qui est l’un des principaux ennemis de l’immunité…..
Certains d’entre nous ont profité de cet auto-confinement forcé pour réorganiser la maison et nettoyer le vieux magasin plein d’objetsdepuis longtemps négligés. Nous avons aussi revu ces vieux bouquins acquis depuis un certain temps sans arriver à les lire… nous essayons aussi de reprendre contact avec nos proches et amis abandonnes parinadvertance.
Voilà citéesle maximum d’efforts importants, en ces temps de pandémie, pour assumer nos responsabilités pour notre propre santé, celle de nos proches et de la nation…
Mais qu’en est-il de notre droit de s’enquérir de ce qui a été fait jusqu’ici en faveurde la société etde la nation? Qu’en est-il de notre devenir ?
On parle beaucoup ces jours-ci de l’après-pandémie du Covid 19 et des changements de paradigmes incontournables qu’elleengendrera fatalement, et la nécessité de réfléchir à repenser les systèmes sur les plans du développement et meme de notre civilisation…Il est questiond’un changement prévisionnel de politique de développement durable conformément ausens original du concept, puisque “gouverner, c’est prévoir”.
Nécessaire changement de cap
Il en sera ainsi de prime abordpar rapport à nos comportements, sur la base de nos valeurs et de nos principes. Ce qui supposera un changement d’habitude, voire de mentalité, quant à nos modes de vie, de surconsommation, de modernisation, d’urbanisation, de transports ainsi que nos rapports à la nature.
C’est ce qui a poussé certains experts tel que l’Ambassadeur Michel Duclos dans son article intitulé « Le Covid 19 est-il un game-changer géopolitique ? » (19 Mars 2020, l’Institut Montaigne)et qui a appelé à la nécessité de changer la politique internationale : « Ne convient-il pas cependant de commencer à réfléchir à ce que pourrait être l’impact du virus sur la politique internationale ? Un changement de cap non pas seulement géopolitique mais civilisationnel peut seul sauver l’humanité ».
Et nous alors ? Nous les autres – vaincus- qui avons souffert des méfaits de la gouvernance internationale et d’une mondialisation féroce qui a fortement contribué à la déconstruction de notre tissu social et de nos valeurs humaines… pourquoi ne pas œuvrer pour l’avènement de perspectives meilleures en vue d’appuyer nos gouvernants à prendre notre propre destin en main,à travers la révision de nos politiques publiquesqui doivent nécessairementrefléter nos réalités ets’inspirer de nos propres valeurs, cultures et civilisation.
Certes, nos gouvernants en Afrique font face à un défi immense et inédit, gérer l’urgence sanitaire, et les conséquences socio-économiques imprévisibles de la pandémie.
Nos espoirs sur ce plan se portent, entre autres, sur ce qui suit :
⁃Que cette crise inédite en coursengendre une révision des politiques nationales et internationales pour lerétablissement deséquilibres socioéconomiques et l’engagement de reformes institutionnels dans un contexte de faible gouvernance qui a longtempsmarquédes pays comme ceux du Sahel dont la majorité des populations vivent dans la précarité et souffrent d’injustice et d’exclusion… « C’est dans les moments les plus obscures que nous nous attendons le plus à apercevoir la lumière », disait le célèbre philosophe grec Aristote.
⁃Que nos espoirs en faveur dela reconstruction d’un système de santésolideetinclusif se réalisent; ainsi que la mise en place de politiques sociales et économiques plus justes et plus égalitaires qui permettront l’acquisition des sciences et placeront le citoyen au cœur de leurs priorités. Ces politiques qui devraient s’imbiber de nos valeurs humaines, ont longtemps été remplacées par des projets de programmes « prêts à porter » importés, copiés et collés d’ailleurs qui ont peut-être réussi sous d’autres cieux, mais sontdifférents de nos cultures et de nostraditions,sans aucune formed’adaptation à nos particularités…
⁃ Les politiques d’après-Pandémie devraient aussi conduire au renforcement des institutions de l’Etat et au retour du rôle majeurde l’Etat ainsi que le resserrement de sa place, sansexcès, ni débordement;tout en œuvrant pour le renforcement du partenariat entre les secteurs publics, privés et la société civile en vue d’une reconstruction de la confiance entre les gouvernants et les gouvernés sur la base de la discipline, du respect, de la justice loin de la peur et du mépris…
⁃ Nous nous attendons, bien évidemment,àêtre informé sur la situation actuelle ainsi que ce qui a été fait quant aux perspectives socio-économiques sur le court et moyen termes par rapport notamment à la situation des pauvres et de la classe moyenne.
⁃ On se demande si les ressources du moment permettraient la prise en charge des frais de subsistance et des soins médicauxdes familles vivant dans l’extrêmepauvreté; tout en assistant les familles pauvres à travers la réduction des prix des produits de première nécessité ainsi que d’assurer l’appui à l’écoulement de leurs produits…
⁃ Quant à la classe moyenne qui constitue le nerf de la résilience socio-économique, on s’interrogeaujourd’hui sur la situation des petiteset moyennes entreprises? Et celle du marché dutravail ? A-t-on pensé à cestravailleurs pour s’assurer qu’ils ne seront pas sacrifiés en perdant des emplois qu’ils ont difficilement acquis ? A-t-on aussi pensé au secteur informel qui constitue la principale source de revenu pour la plupart des populations des pays d’Afrique ?
⁃ La présente crise nous interpelle aussi sur la possibilité de prendre des décisions en faveur du secteur privé qui seraient temporairement coûteuses;notamment le report des échéances fiscales, des échéances bancaires. On devrait mieux renforcer cette résilience en facilitant l’offre de crédits pourmaintenir l’activité productive des entreprises,afin d’empêcher les licenciements qui aggraverait le chômage dans uncontexte deprécaritéaigue.
Poudre aux yeux
Tout cela ne peut se réaliser sans un grand élan de solidarité au niveauinternational ;et que le G20 adopte une vision novatrice qui devrait commencer par l’annulation complète de la dette des pays les plus pauvres ; à condition que le fruit cette annulation soit ré-investi dans le développement des secteurs de la santé et de l’agriculture, en faveur de l’assurance maladie et de l’autosuffisance alimentaire… Ces dettesont été souvent contractées dans un contexte de mauvaise gouvernance aussi bien nationale qu’internationale. Le moratoire d’un an qui vient d’être accordé n’est que de la poudre aux yeux.Etant entendu que de nouvelles perturbations économiques dues à la pandémie sont venues aggraver les déséquilibres économiques qui prévalaient jusqu’ici.
C’est l’occasion d’appeler à la refondation des conventions précédentes qui avaient souvent été marquées par l’injustice et l’absence d’équité; tout en se focalisant sur une meilleure exploitation des ressources naturelles et de la mise en place d’un nouveau partenariat international plus transparent et plus équitable au bénéfice de tous…
Autant de questions, d’interrogationslancinantes qui mériterait une réflexionapprofondie.
Enfin qu’on le veuille ou non, plus rien ne sera comme avant. Cette crise à multiples facettes, la plus importante que le monde ait connue depuis le début du 20 éme siècle, nous interpelle à tout point de vue.
N’est-il pas grand temps de nous réconcilier à cet égard avec nous-mêmes et de nous interroger sur la manière avec laquelle nous avons assumé nos responsabilités ;Il est temps de noussevrer de cette abondancequi nous entoure…, il est grand temps de corriger nos erreurs et de nous abstenir de l’exploitation démesurée de la nature, en terre et enmer,notre mère, la Terre, cette belle planète, l’unique refuge auquel on ne peuttrouver autre alternative …
*Directrice Générale des Affaires Culturelles, Sociales et Familiales OCI.
Ancienne Ministre de Mauritanie.