Dans le contexte de la crise sanitaire mondiale suite à la découverte du nouveau virus le covid-19, en l’absence d’un traitement adéquat pour sauver l’humanité d’un naufrage collectif, des réflexes simples, peu couteux et à la portée de tous, sont les seuls méthodes de limitation, voire d’arrêt de la propagation de la pandémie.
L’inobservation de ces réflexes est à l’origine de nombre de cas de contamination et, hélas, de décès.
Deux principes fondamentaux sont régulièrement recommandés : le principe de précaution ou celui de prévention. Ces principes sont essentiels dans le domaine sanitaire ou environnemental pour anticiper toute catastrophe d’une grande ampleur.
Il est d’autant plus essentiel d’observer ces mesures préventives que nous vivons dans un monde multipolaire de plus en plus interconnecté et livré à des risques parfois invisibles qui peuvent désorganiser les économies les plus solides. Une autre façon de concevoir nos modèles de développement doit voir le jour, qui tienne compte de l’inter-connectivité des rapports humains. La marche vers le progrès suppose un citoyen respectueux des règles et codes de conduite.
2°- Constats
Il est évident que la société que nous nous sommes dessinés est une société de transgression de l’ordre, d’objection à la règle et de conflit avec le progrès. Nous revendiquons ostentatoirement cet état des choses à travers nos comportements, à chaque fois que nous sommes confrontés à une situation qui interpelle la bonne tenue, le respect de bons usages ou le respect de l’autre.
Or une société, c’est un corps de règles, de bons usages, une éthique de comportement. Ces bonnes pratiques participent de façon effective à hisser le niveau de développement et de solidarité dans la société.
La maturité d’un pays se mesure en fonction de l’image que celui-ci renvoie comme miroir. Pour s’en rendre compte on peut citer l’exemple du Rwanda. C’est un pays qui, aujourd’hui, attire les investisseurs, présente un cadre de vie décent, promeut le travail d’utilité publique en instaurant ainsi un quota horaire que les travailleurs doivent accorder à la collectivité publique. Ce pays a fait du citoyen un acteur essentiel du changement.
C’est le cas aussi pour beaucoup d’autres pays asiatiques ou scandinaves. Le secret de la réussite de ces Etats se trouve dans l’investissement massif dans l’éducation, la valeur travail et la solidarité, autour d’un socle commun de valeurs (ce que l’on peut ailleurs appeler le PATRIOTISME).
3° -Solutions
La discipline se structure en fonction des circonstances de la vie en collectivité. Elle peut être adaptée, ou imposée, s’il y’à lieu, face à des comportements attentatoires aux bonnes pratiques ou déviants. L’organisation d’une société ne peut s’accommoder de l’anarchie.
Quand l’anarchie devient la règle, cela inverse la normalité organisationnelle, avec une influence négative généralisée sur les comportements. Ainsi, on crée une société sans curseur entre l’interdit et le permis, ce qui développe des réflexes contraires au progrès social, civilisationnel et humain.
La vertu dans la gestion, l’éthique de la responsabilité, le respect du bien collectif sont des indices forts de développement. Les pays scandinaves doivent leur progrès à l’instauration d’un modèle de société basée sur une gestion vertueuse. Pour y arriver, il faut, à côté d’autres mécanismes, instaurer le rappel à la règle notamment par la sensibilisation et la dissuasion contre tout comportement incivique. Il faut développer des espaces de rencontres citoyennes pour la sensibilisation autour des valeurs républicaines.
L’incivilité est malheureusement viscéralement inscrite dans le quotidien de nos comportements. Avoir accès à un droit ou à un service serait plus efficient et rapide si tout le monde se comportait en « bon père de famille » ! L’administration et les citoyens doivent, pour une plus grande efficacité, fluidifier leur rapports, proscrire les situations qui créent l’intervention de canaux parallèles.
Malheureusement, des exemples marquants nous enseignent tous les jours qu’il n’en est pas ainsi en Mauritanie car nos compatriotes sont habitués à LA TRANSGRESSION qu’ils ont érigé en NORMES.
*En matière de circulation routière
Observer les règles de conduite en matière de circulation routière devrait permettre non seulement de fluidifier le trafic, mais en même temps de faciliter aux uns et aux autres la gestion du temps. Les incivilités qui provoquent des embouteillages sont constamment dues au fait que les règles et les codes ont été inversés par certains usagers de la route. Ces derniers prennent des libertés quitte à ce qu’ils empiètent sur les droits des autres usagers.
Quand le ministère de l’Equipement et des Transports a pris des dispositions réglementaires pour limiter les accidents de la route en instaurant de mesures préventives et des sanctions s’agissant de certains comportements déviants au volant, les automobilistes s’y sont vigoureusement opposés, allant jusqu’à susciter des émeutes au mépris des potentiels victimes de la route.
*En matière d’hygiène
Dans ce registre, on observe un mépris total de toute règle d’hygiène et de sécurité en matière de santé publique. Les ménages inondent nos quartiers de dépôts d’ordures dans une forme d’inconscience et d’insouciance totales exposant ainsi les populations à des risques majeurs en matière de santé.
Aussi, ces comportements exposent les populations aux désagréments du cadre de vie en plus de la dégradation volontaire du milieu environnemental. Même si l’Etat et les collectivités locales doivent prendre leurs responsabilités, le citoyen est, en grande partie, un acteur non moins négligeable dans la chaine pour la préservation de son environnement. L’exemplarité du citoyen consiste à ne pas participer à la dégradation volontaire de son environnement social et sanitaire.
*Mesures préventives de sécurité sanitaire
Aujourd’hui, avec la crise sanitaire majeure que connait le monde, l’Etat mauritanien a pris des règles afin de contenir les effets dévastateurs de la pandémie. Ces mesures ont été prises pour ainsi palier aux moyens d’interventions rudimentaires de nos pays en termes d’équipements et de prise en charge des soins, comparativement aux pays dont les systèmes performants de santé ont du mal à endiguer l’hécatombe.
Malgré ces mesures, nous observons des comportements irréfléchis, ostentatoirement dangereux et favorisant le risque de développement des pathogènes.
Les mesures de limitation des libertés qui ont été prises s’inscrivent dans une pédagogie de prévention afin d’éviter les rassemblements et regroupements dans cette période exceptionnelle de crise sanitaire planétaire.
Mais au-delà de ce moment, se pose la question de la structuration de notre société, notamment notre rapport avec l’hygiène, la santé, l’environnement, voire le vivre ensemble.
L’incitation au confinement est un corolaire indissociable de cette limitation de liberté, un gage pour se prémunir contre les risques de contracter le virus. Le principe de précaution pris au niveau des espaces de vie commune ou de rencontres publiques, tels les marchés ou d’autres endroits recevant du monde, est de nature à éviter d’exposer les populations à tout danger lié à la propagation du virus.
Mais force est de constater une négligence coupable et une certaine forme de légèreté dans l’application des préconisations gouvernementales face à ce fléau qui fait des ravages dans le monde. Une frange importante de la population affiche une volonté manifeste d’enfreindre les règles préconisées.
L’Etat doit se montrer ferme pour contraindre les récalcitrants à respecter les règles de bonne conduite.
D’autres mesures sont largement l’objet de sensibilisation et de recommandation : il s’agit entre autres du lavage des mains, de l’éternuement en toute sécurité pour les autres, de l’usage des solutions hydro-alcooliques, de l’observation des distances de sécurité, de l’alerte auprès du personnel médical pour toute suspicion de symptômes de la maladie virale du covid-19…
En réalité l’observation de ces comportements liés à l’hygiène et à la santé doit être une pratique quotidienne et pérenne.
Construire un citoyen modèle suppose une refondation du modèle social sur la base de nos valeurs traditionnelles de solidarité et de partage des espaces communs de vie. Ces valeurs sont largement impactées par la « désocialisation » et la déshumanisation foudroyante que nous ont imposées les réseaux sociaux.
Le modèle de société qui est le nôtre est à bout de souffle alors même qu’il n’a pas atteint un degré de maturité et de perfection enviable ! Nous avons dans notre façon de concevoir les rapports publics avec les autres une attitude d’arrogance et d’égoïsme loin de nos valeurs traditionnelles empreintes de respect et d’empathie envers les autres.
L’égoïsme qui gangrène nos comportements au quotidien (au volant d’une voiture, sur une file d’attente…) est caractéristique de notre mode de vie d’aujourd’hui : loin des standards et critères en matière d’indice du développement social et humain. L’islam qui cimente notre cohésion nationale est un vecteur puissant qui doit renforcer l’exemplarité de nos comportements.
Nous avons besoin d’une refondation de la société sur des bases saines et pour cela, les institutions historiques à la base du socle social doivent pleinement jouer leur rôle :
̶ La Famille : face à la perte des valeurs, il faut noter la dégradation et la démission de cette institution comme garante du lien social. Le délitement des rapports sociaux même s’il est dû en parti à l’évolution du monde, tient aussi à l’éclatement de la cellule familiale et au nivellement des valeurs.
̶ L’Ecole : cette institution républicaine doit jouer pleinement son rôle de formation des citoyens en leur donnant les mêmes repères, les mêmes horizons et la même orientation. Elle doit donner des codes qui servent de boussole pour les citoyens ayant des particularismes culturels nuancés mais devant regarder dans la même direction.
̶ l’Armée : au sens large (tous corps confondus), c’est l’institution qui impose la discipline, hiérarchise les responsabilités, fait respecter l’ordre et contrôle toute transgression de la norme.
INDIGNEZ-VOUS! disait l’écrivain français Stéphane Hessel à propos des mouvements de la société civile comme en Espagne avec PODEMOS et en France avec NUIT DEBOUT…, mais après l’indignation appropriez-vous de votre citoyenneté, soyez l’acteur du changement à votre échelle ! Être acteurs du changement c’est conformer ses actes aux principes.
Amadou Youssouf DIALLO
SG Cour Suprême