Mauritanie #Contradiction : Entre le discours de la libération et l’asservissement de la réalité

Dans une société où patrimoine et identité s’entremêlent, une question qui résume les contradictions de la réalité mauritanienne fait surface : Comment se fait-il que des intellectuels appellent à la libération historique des hommes de l’esclavage, tout en refusant de reconnaître sa persistance dans le présent ? Comment se fait-il que le discours anti-esclavagiste devienne un slogan séduisant dans les forums, mais se transforme en tabou lorsqu’il s’agit de le démanteler sur le terrain ?
L’esclavage : Non pas un souvenir passé, mais une plaie saignante. L’esclavage en Mauritanie n’est pas un simple chapitre de l’histoire, mais un système social et culturel profondément enraciné qui s’est transmis de génération en génération par des mécanismes insidieux. La hiérarchie des « maîtres » et des « esclaves » est encore pratiquée sous des formes diverses dans les sociétés bezan, soninké et pulaar, même si elle est parfois revêtue d’habits modernes. Empêcher un groupe de construire des mosquées comme les autres ou de prier pour ses morts à la mosquée n’est que la partie émergée de l’iceberg des inégalités justifiées au nom de « coutumes » ou d’interprétations religieuses déformées.

La contradiction est flagrante : Les intellectuels condamnent l’esclavage dans leurs discours et évoquent les tragédies du passé, mais brandissent le glaive de la critique contre quiconque s’élève contre sa persistance aujourd’hui. Le militant antiesclavagiste devient un « traître » accusé de ternir l’image de la société, tandis que ces intellectuels ferment les yeux sur la déformation de la réalité elle-même.

Pourquoi les intellectuels attaquent-ils ceux qui luttent contre l’esclavage ?
– La peur de la responsabilité sociale : Reconnaître l’existence de l’esclavage aujourd’hui reviendrait à déstabiliser un ordre social en place depuis des siècles. Beaucoup craignent de perdre les privilèges moraux ou matériels liés à leur position dans cette hiérarchie, même s’ils prétendent être contre l’injustice.
– Echapper à la stigmatisation morale : La lutte contre l’esclavage oblige la société à se confronter à elle-même, ce qui soulève des sensibilités profondes. La marginalisation des militants devient un mécanisme de défense de l' »honneur » imaginaire de la communauté, plutôt que de reconnaître sa véritable honte.
– Le décalage entre la rhétorique et la pratique : Certains intellectuels adoptent un discours émancipateur pour améliorer leur image, mais refusent de payer le prix de ce discours dans le tissu social.

L’esclavage n’est pas une « particularité culturelle » mais un crime contre l’humanité : tenter de lier l’esclavage à la culture ou à la religion, c’est travestir les faits. L’Islam, qui est la référence principale de la société mauritanienne, interdit l’esclavage, combat la discrimination et fait de l’égalité le fondement de la dignité humaine. La culture n’est pas une prison sacrée, mais une entité évolutive qui doit se débarrasser de tout ce qui viole les droits de l’homme.

L’esclavage n’est pas « mauvais pour les Bezaan et bon pour les Soninke », ni une question étroitement ethnique ou constitutive. Il s’agit d’un crime qui porte atteinte à l’humanité, quelle que soit l’identité de l’auteur ou de la victime. Distinguer ses formes en fonction de l’appartenance à une communauté est une continuation de la culture de justification qui alimente l’esclavage.

L’esclavage ne peut être éradiqué que par une alliance sociétale qui dépasse les frontières ethniques et régionales : Les Haratine, qui ont souffert de siècles de discrimination, ne doivent pas rester seuls dans la bataille. Les Beidhaan, dont beaucoup rejettent aujourd’hui les anciennes hiérarchies, doivent prendre la responsabilité de briser le silence interne. Les Swaninke et les Pulaar, où l’esclavage se cache sous d’autres noms, doivent porter un regard critique sur leur héritage.

Conclusion : Lorsqu’un intellectuel passe du statut de voix de la liberté à celui de gardien des tabous, il perd la légitimité de représenter la conscience collective. La lutte contre l’esclavage n’est pas un luxe intellectuel, mais une responsabilité morale indivisible. Une société qui a peur d’affronter ses contradictions restera prisonnière des illusions du passé, tandis que ceux qui refusent d’enterrer les vivants dans des tombes de la honte écriront une nouvelle histoire digne de survivre.

En conclusion, la liberté n’est pas donnée, elle se mérite. L’esclavage ne disparaîtra que lorsque nous refuserons d’être les partenaires de sa perpétuation, que ce soit par le silence ou la justification.

#La dignité humaine est sacrée
#Mauritanie_Notre_Tous

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Par M. Kodore Fodie Sanghare