Alors que le président mauritanien, Mohamed Ahmed El-Ghazouani, avait défrayé le chronique en novembre dernier en défendant contre vents et marées la lutte menée par Nouakchott à l’encontre du fléau esclavagiste qui gangrène le pays – le leader du mouvement abolitionniste, Biram Dah Abeid, était immédiatement monté au créneau pour remettre les points sur les i dans ce dossier. Et cela, lors lors d’un meeting cinglant organisé dans la capitale relayé par RFI.
« Je suis d’accord avec le chef de l’Etat quand il dit que la Mauritanie n’institutionnalise pas l’esclavage dans ses lois modernes. Mais la Constitution stipule que la source de la loi en République islamique de Mauritanie, c’est la charia.
Et la charia islamique veut dire ici rite malékite. (Dans les faits), le rite malékite légitime non seulement l’esclavage mais il le codifie et le sacralise ! »
Langue de bois
Face à ce déni étatique, l’intéressé (engagé sous la bannière du parti Sawab; une alliance qui lui permet d’aligner des candidats lors des différentes échéances électorales NDLR) veut désormais aller plus loin et demande à l’ONU d’ouvrir une enquête en la matière.
Et pour cause, la position de l’Etat sur cette triste réalité peut laisser perplexe, puisque outre son abolition en 1981, ce dernier a également érigé l’esclavage au rang de crime contre l’humanité, en vertu d’une loi votée en août 2015. Un texte sensé sanctionner les contrevenants à des peines pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, contre 5 à 10 ans auparavant.
Néanmoins, dans les faits, les résultats demeurent aux abonnés absents, puisque 43 000 personnes subissaient encore les conséquences de l’esclavage en 2016. Soit environ 1% de la population totale, souligne un rapport d’Amnesty International.
Un chiffre qui continuera à prospérer, donc, faute d’une réelle volonté gouvernementale d’inverser la tendance.
« Les lois n’ont pas été mises en oeuvre ni appliquées de manière adéquate. En conséquence, ces textes n’ont vraiment eu aucune incidence sur la vie des gens », pestait ainsi en mars Alioune Tine, le directeur de l’organisation pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Quant à François Patuel, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest, ce dernier tirait à boulets rouges sur la langue de bois des autorités « qui ont choisi de s’en prendre à ceux qui s’opposent au discours officiel ». Les Mauritaniens main dans la main pour défendre les droits des Haratins
Pour rappel, les Mauritaniens ont défilé en masse au printemps pour dénoncer le sort réservé par l’Etat aux descendants d’esclaves. La société civile défendait ainsi l’égalité d’accès aux droits sociaux, politiques et économiques des Haratins.
Ces descendants d’esclaves noirs – amenés des régions subsahariennes par les marchands arabes ou berbères, ou issus de la période d’esclavagisme du monde arabo-musulman – sont en effet largement marginalisés par les élites locales.