De l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi à la chute d’Abdelaziz Bouteflika en Algérie en passant par l’acquittement de l’ancien président ivoirien Laurent Ggagbo, retour sur les faits qui ont marqué l’actualité en Afrique en 2019.
L’année 2019 en Afrique n’aurait pas pu mieux commencer pour les démocrates. Personne ne s’en doutait. Mais l’alternance au pouvoir en République démocratique du Congo était un signe précurseur du vent de changement qui allait souffler parfois avec violence sur le continent.
Félix Tshisekedi succède à Joseph Kabila en RD Congo
Le 19 janvier, au terme d’une élection controversée, la Cour consitutionnelle proclamme vainqueur avec 38,57 % des voix Félix Tshisekedi, fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi.
Alors que son dauphin Emmanuel Ramazani Shadary arrive bon troisième de ce scrutin, Joseph Kabila est contraint de céder son fauteuil après 18 années passées au pouvoir. Mais les résultats, pris avec scepticisme par la communauté internationale, seront contestés par l’Église catholique, qui annoncait comme réel vainqueur l’opposant Martin Fayulu, arrivé second.
La Cour pénale internationale acquitte Laurent Gbabo
Le verdict a eu l’effet d’une bombe. Emprisonné depuis près de sept ans au centre de détention de la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité durant la crise post-électorale 2010-2011, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et son ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé sont acquittés en janvier de l’ensemble des charges retenues contre eux, après trois ans de procès.
La Cour pénale internationale ordonne dans un premier temps leur mise en liberté immédiate. Mais la procureure Fatou Bensouda fait appel du jugement, dénonçant des vices de procédure. Dans l’attente du procès en appel, l’ex-président ivoirien vit en liberté conditionnelle en Belgique. Charles Blé Goudé est lui resté au Pays-Bas dans des conditions similaires.
Une année de révolution en Algérie
En Algérie, le Hirak, le mouvement de contestation populaire est loin de connaître son épilogue malgré l’élection, le 12 décembre, d’Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’Algérie.
Ce mouvement, qui regroupe chaque vendredi des milliers de personnes dans les rues d’Alger et de plusieurs autres grandes villes du pays, a débuté spontanément le 16 février pour réclamer la démission d’Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans, et qui envisageait de se représenter pour un cinquième mandat malgré un état de santé extrêmement fragile.
Sous la pression de la rue, ce dernier, dont les apparitions publiques se faisaient de plus en plus rares, finit par rendre le pouvoir en avril 2019. Mais cela ne suffit pas à calmer le peuple qui veut la fin de tout un système, qu’il considère comme clanique et corrompu. Le mouvement finit par obtenir l’arrestation de plusieurs pontes du régime dont celle de Saïd Bouteflika, frère du président déchu.
Le crash du Boeing 737 Max d’Ethiopian airlines
Le 10 mars, 157 personnes meurent lors du crash du vol 302 d’Ethiopian airlines reliant Addis-Abeba à Nairobi, au Kenya. L’appareil est un Boeing 737 Max, l’un des derniers nouveau-nés de l’avionneur américain. Mais ce deuxième accident, après celui du Vol 610 de Lion Air en octobre 2018 – qui a fait 189 morts – impliquant ce même modèle d’avion, révèle des défauts techniques liés au moteur et au système anti-décrochage.
Plusieurs compagnies et pays interdisent de vol les 737 Max, obligeant Boeing à suspendre la production de son moyen-courier vedette à partir de janvier 2020.
Renversement d’Omar el-Bechir au Soudan
Le printemps algérien a rapidement fait des émules. Au Soudan, l’augementation du prix du pain et de l’essence en décembre 2018 attise la colère des populations. Dans les rues de Khartoum et dans plusieurs autres villes soudanaises, des milliers de personnes manifestent contre l’inflation et réclament de meilleures conditions de vie.
Puis, les slogans se dirigent contre Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans. Alors que le vaste mouvement de protestation ne faiblit pas, le président soudanais est renversé en avril par l’armée. Mais la révolte continue et sa répression dans le sang par les militaires fait plus de 250 morts.
Un conseil souverain de transition est mis en place après d’âpres négociations entre l’opposition politique, la société civile et les militaires. Le 15 août, Abdallah Hamdok, un ancien haut fonctionnaire de l’ONU, est désigné Premier ministre à la tête d’un gouvernement de transition qui doit durer trois ans. L’ex-président soudanais Omar el-Béchir, lors d’une première comparution au tribunal pour des accusations de corruption, le 16 juin 2019.
Le terrorisme au Sahel
2019 a été une année sombre pour le Sahel, qui a vu le terrorisme étendre de plus en plus ses tentacules dans la région. Combattus au Nord-Mali, les groupes jihadistes affiliés à l’organisation État islamique ont pu attaquer plusieurs bases militaires au Niger et au Burkina-Faso, malgré les présences de l’opération française Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel.
La plus meurtrière, contre la base militaire d’Inates au Niger, a fait 71 morts dans le rang des soldats en décembre. Le bilan est bien plus lourd pour celle perpétrée contre le camp d’indelimane, mi-novembre, au Mali, et qui a fait plus de 50 morts. Selon, l’ONU près de 1500 civils ont été tués dans des attaques terroristes depuis janvier.
Plusieurs pays du Sahel ont appelé la communauté internationale à la rescousse pour faire face à la menace terroriste. Un sommet sur le Sahel, voulu par Emmanuel Macron, doit se tenir le 13 janvier à Pau pour réévaluer les objectifs de l’engagement dans la région.
Le prix Nobel de la paix décerné à Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien
Arrivé au pouvoir en avril, le Premier ministre éthiopien de 43 ans a fait bouger les lignes dans un pays fédéral marqué par les injustices sociales et l’absence de libertés. Sous son impulsion, en octobre, le Parlement a élu pour la première fois une femme, Sahle-Work Zewde, comme cheffe de l’État. Quelques jours plus tôt, il créait la surpirse en mettant en place un gouvernement paritaire de vingt membres dont dix hommes et dix femmes.
Mais c’est surtout son rapprochement avec l’Érythrée qui lui a valu d’être désigné prix Nobel de la paix. En juillet, Abiy Ahmed signait conjointement avec Issaias Afewerki, le président érythréen, une déclaration de paix et de coopération mettant fin à vingt années de guerre qui ont fait quelque 80 000 morts.
Mort du président tunisien Béji Caïd Essebsi
Premier président démocratiquement élu de la Tunisie en 2014, Béji Caïd Essebsi meurt à l’âge de 92 ans, à quelques mois de la présidentielle initialement prévu en novembre. Symbole de la Tunisie post-printemps arabe, il est nommé en février 2011 Premier ministre du gouvernement provisoire après la chute du président Zine el-Abidine Ben Ali, avec pour mission de préparer la nouvelle constitution de la Tunisie démocratique.
Neuf mois plus tard, il quitte ses fonctions pour fonder son parti Nidaa Tounes, avec lequel il remporte la présidentielle en 2014, à l’âge de 88 ans.
Mort de DJ Arafat, le roi du coupé-décalé
Star du coupé-décalé, un style musical ivoirien qu’il a contribué à populariser sur le continent africain et au-delà, l’annonce de la mort de DJ Arafat, personnage égocentrique féru de clash et de buzz sur les réseaux sociaux, a eu l’effet d’une onde de choc au sein de la jeunesse africaine.
Ange Didier Huon, de son vrai nom, est mort le 12 août, à l’âge de 33 ans, des suites d’un accident de la circulation. Sa moto a violemment percuté l’arrière d’une voiture. À travers des funérailles grandioses, un hommage national lui a été rendu par l’État ivoirien.
La fin du franc CFA
À Abidjan, en Côte d’Ivoire, le 21 décembre, Emmanuel Macron et Alassane Ouattara annoncent la fin du franc CFA et son remplacement par l’éco, une monnaie unique qui devrait voir le jour au sein de la Cédéao en 2020.
Le franc CFA, créé par la France, alors puissance coloniale, en 1945, était perçue par ses détracteurs comme le symbole d’une survivance du colonialisme près de 60 ans après les indépendances des anciennes colonies françaises.
La monnaie, qu’ont en partage 14 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, avait cristallisé les tensions et divisé l’opinion publique africaine. Des économistes anti-franc CFA estimaient que la monnaie maintenait l’Afrique dans un sous-développement à travers son mécanisme de parité fixe avec l’euro, garantie par la France. En contrepartie, cette dernière exigeait notamment des États africains le versement au Trésor public français d’environ 50 % de leurs réserves de change.
Mais pour ses défenseurs, le franc CFA garantissait aux pays utilisateurs une stabilité économique.
Par : Hermann BOKO
Source : France24