En France, les biens mal acquis ne correspondent à aucune notion juridique. À ce jour, en cas de confiscation, des mécanismes généraux de restitution existent mais ils sont « insatisfaisants et même choquants dans les dossiers des biens mal acquis », soulignent les rapporteurs. Car, concrètement, ces dispositifs supposent que l’État spolié demande la restitution.
Or, il arrive que « le maintien au pouvoir des dirigeants mis en cause ou leur proximité avec les instances gouvernantes entrave la capacité ou la volonté de l’État d’engager cette démarche », pointent les rapporteurs.
Second problème : même si l’État étranger en fait la demande, rien ne garantit une redistribution aux populations pourtant « véritables victimes » des dirigeants corrompus stipule le rapport.
Enfin, faute d’action, les biens confisqués sont reversés au budget de l’État français, « de manière injustifiée », la France n’étant pas victime.
L’AFD mise à contribution
Les députés proposent donc un dispositif spécifique. Légalement, les biens mal acquis seraient rattachés aux infractions de blanchiment et recel de corruption internationale.
Une fois la confiscation définitivement actée par la justice, les fonds saisis ou générés par la vente des biens seraient transmis à l’Agence française de développement sur une ligne budgétaire dédiée.
À charge pour l’AFD de mettre en œuvre des projets qui bénéficient directement aux populations, sur la base d’un accord entre le pays victime et le ministère des Affaires étrangères français, au sein duquel une cellule dédiée serait créée.
Dans les pays où l’AFD n’est pas compétente, une coopération avec des instances régionales ou internationales, type Banque de développement, est préconisée.
À noter que l’inclusion de la société civile locale dans le choix des projets n’est pas spécifiquement mentionnée. Les rapporteurs disent la souhaiter, mais préfèrent un dispositif élaboré au cas par cas.
Marc-André Feffer, président de l’ONG Transparency, qui plaide depuis des années pour l’élaboration d’un dispositif ad hoc se dit globalement satisfait des propositions.
■ Bien mal acquis : où en est-on?
Seule affaire à ce jour à avoir fait l’objet d’un procès : celle de Téodorin Obiang. Le fils du président de Guinée équatoriale, lui-même vice-président du pays, a été condamné fin 2017 à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende avec sursis et à la confiscation de ses biens saisis dans l’Hexagone, estimés à plus de 150 millions d’euros.
C’est la première fois qu’un haut dirigeant étranger en exercice était condamné en France pour des faits de blanchiment, notamment de corruption. Le procès en appel débutera ce 9 décembre.
En revanche, les enquêtes concernant le chef de l’État congolais Denis Sassou Nguesso et feu le président gabonais Omar Bongo, visés aux côtés des Obiang dans la plainte déposée en 2008, sont toujours en cours.
Selon nos informations, dans le volet congolais, quatre ou cinq membres de la famille Sassou Nguesso ont été auditionnés en octobre dernier.
Concernant le Gabon, des perquisitions ont été menées en janvier dernier dans des appartements parisiens de la famille présidentielle et certains héritiers d’Omar Bongo ont récemment recu une convocation du juge. L’instruction pourrait être close l’an prochain précisent des sources proches du dossier.
Enfin, le parquet national financier a ouvert, fin 2018, une enquête préliminaire suite à une plainte de l’ONG Sherpa visant l’acquisition de biens immobiliers en France par l’entourage du président djiboutien Ismael Omar Guelleh.
Source : RFI