Le fossé ne cesse de se creuser entre les deux camps. Le retour annoncé de l’ancien président Aziz au pays risque bien de compliquer cette situation… Absent depuis plus de trois mois du pays, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui résidait ces derniers temps dans la capitale anglaise pour, rapportent ses proches, suivre un cours d’anglais (sic !), doit rentrer à Nouakchott le 25 novembre prochain.
Il est, tout comme les anciens présidents, invité à Akjoujt afin d’assister à la célébration de la fête de l’indépendance.
Et même si son retour devrait se faire sans tambour ni trompettes, il ne manquera pas tout de même de rallumer les dissensions déjà très vives au sein de ce parti qu’il a créé au forceps pour les besoins de la présidentielle de 2009, qui lui est resté fidèle pendant sa décennie de pouvoir sans partage et qui risque aujourd’hui de le quitter pour s’arrimer à son ami Ghazouani.
Un transfert qui est loin de se faire en douceur comme l’a été la passation de services au sommet de l’Etat. Depuis un mois, en effet, les réunions de la commission de l’UPR chargée de préparer certains côtés du futur et apparemment très hypothétique congrès du parti, sont houleuses et se terminent toujours en queue de poisson. Une question divise : la référence ‘’idéologique’’ –si l’on peut s’exprimer ainsi- du parti.
Aziz ou Ghazouani ? Il y a en effet ceux qui, nombreux, ont déjà définitivement tourné la page Aziz . Pour ne pas dire qu’ils l’ont enterré sans état d’âmes et sans sépulture et qu’ils célèbrent haut et fort le nouveau champion Ghazouani.
En face de ces ‘’traitres’’ se dressent les ‘’loyalistes’’ qui s’accrochent à Aziz comme un messie qui n’a pas dit son dernier mot et qui doit réapparaître un jour proche pour ordonner la vie de ses disciples.
La première tendance est animée –du moins en apparence- par l’ancien député et personnalité haut en couleur de la décennie écoulée : Khalil Ould Teyib. Ce nassériste toujours fier de son arabité n’a tout simplement pas d’états d’âmes.
Au cours de la première réunion de la commission de Boidjel, il a failli arriver aux mains avec ce dernier lorsqu’il a évoqué le cas de la personnalité référence de l’UPR qui, selon lui, ne peut être que Mohamed Ould Ghazouani.
Réaliste, opportuniste et très pragmatique, comme savent l’être nos hommes politique, Ould Teyib explique à qui veut l’entendre qu’un parti-Etat qui n’est pas soutenu par le président de la République en exercice n’a tout simplement pas d’avenir ni de raison d’être. En d’autres termes, si l’UPR n’est pas associé à Ghazouani, Khalil estime qu’il n’aura plus aucun poids sur la scène politique et qu’il n’y a plus lieu de l’intégrer.
Une position est bien compréhensible explique un observateur de la scène politique qui estime qu’à l’UPR, comme tout autre parti-Etat, on y adhère pas pour des principes mais plutôt à la recherche de l’homme qui incarne le pouvoir au sommet de l’état.
Ici à l’UPR, on ne se déchire pas sur des idées mais uniquement au sujet des hommes sensés détenir le pouvoir. Sur ce point les gens du parti-état sont pourtant d’accord, mais ils divergent sur l’incarnation du pouvoir ou, plus clairement sur le détenteur réel du pouvoir et celui qui continue d’avoir le plus grand mérite de ‘’forger l’UPR’’ et avec lui ‘’la Mauritanie nouvelle’’.
Boidjel Ould Homeyd, ce notable haratine président de cette fameuse commission de l’UPR qui ‘’donne le mal de mer sans bouger’’, très bien dans sa peau, sans complexe et imbu de lui-même, crie haut et fort le mérite du président comme s’il est ‘’propriétaire’’ de l’UPR. Dans le jargon de celui-ci le président désigne Aziz et non pas Ghazouani qu’il appelle toujours par son nom propre comme s’il lui refusait le titre de président.
Lorsqu’une dame lui a fait la remarque lors de la dernière réunion de l’UPR, mercredi dernier, il s’est élevé de son fauteuil énervé pour dire que l’UPR c’est Aziz et que si ce dernier ne s’était pas investi dans la campagne présidentielle, Ghazouani n’aurait même pas récolté 1%… Brouhaha dans la salle et fin de la réunion après le retrait de la plus grande partie de l’assistance.
Dans les salons nouakchottois et sur les réseaux sociaux, les dissensions au sein de l’UPR demeurent très commentées. On explique, le cas échéant, la férocité de Boidjel par rapport à Ghazouani par le fait que ce dernier n’a pas sauté au secours de ce leader haratine qui semble avoir tout perdu (son parti et son poste à l’Assemblée que lui aurait garanti Aziz pendant toute la législature) lorsqu’il a été démis du poste de vice-président de l’Assemblée nationale.
Il a donc objectivement une dent et une revanche à prendre sur Ghazouani. Ou plutôt, dénoncent ses détracteurs, vise-t-il à chanter Ghazouani en vue de lui arracher quelque dividende.
Vrai ou faux ? Ce n’est pas si important, tant il est difficile de croire qu’un homme aussi expérimenté et aussi réaliste que Boydjel puisse se comporter de manière virulente et aussi frontale à l’égard d’un président en exercice.
Certains expliquent la position de ce leader haratine qui risque de tout perdre par sa proximité au quotidien avec Mohamed Ould Abdel Aziz. Celui-ci, non content de ce qui se passe au pays après lui, appellerait, souvent et pendant de longues heures de la journée, ceux –pas très nombreux- qui lui sont restés fidèles. Il leur ferait miroiter que rien n’a changé et que les choses rentreront rapidement dans l’ordre.
Un calcul fou qui serait très pris au sérieux dans l’entourage de Ghazouani qui apprécierait à sa juste valeur la position de Khalil Ould Teyib et ses amis de l’ombre qui travaillent, nuit et jour, à effacer les traces de Aziz et à tuer, politiquement, ses hommes. Et ses manières.
Selon une personnalité de la majorité, au moins un proche collaborateur du président a bien appelé Khalil Ould Teyib au lendemain de l’une de ses passes d’armes avec Boidjel et l’a encouragé à persévérer dans sa ligne.
Si ces divergences au sein du parti-état venaient à se confirmer à travers une hostilité réelle entre les deux camps sensés soutenir le pouvoir, cela rappellerait un peu le scénario qui a provoqué le coup d’état contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
A la tête de l’Etat se trouve actuellement un marabout, doux comme Ould Cheikh Abdallahi, ne voulant pas, comme lui, faire de vagues autour de sa personne et donnant même l’impression d’être faible. Ce qui donne une fausse impression à certains, allant même jusqu’à croire qu’ils peuvent l’affronter ou du moins déstabiliser.
Mais la comparaison avec l’époque Sidi s’arrête là, tant les munitions (armée, élus…) ont changé de camp. Ces leviers de force ou de pouvoir semblent être aujourd’hui rassemblés entre les mains de Ghazouani…
Mais peut-on croire à une volonté confirmée chez Aziz pour déstabiliser son dauphin ? Difficile à dire, même si les relations, aussi intimes soient elles, ne résistent généralement que très à l’exercice du pouvoir…
Source : RMI Biladi (Mauritanie)