La Fondation Sahel plaide en faveur du placement en détention préventive de trois individus, accusés de pratique de l’esclavage et appelle à la mobilisation contre ce crime.
Malgré l’adoption de lois criminalisant cette pratique, l’absence d’une volonté politique fait que celle-ci perdure. La Fondation Sahel affirme «suivre avec intérêt depuis une semaine, l’affaire d’une mineure, Ghaya mint Mohamed, victime d’esclavage» ajoutant «avoir mené des investigations approfondies pour faire la lumière sur ce cas et s’assurer du respect de la procédure judiciaire».
Cette semaine, le Parquet Général de Mauritanie a annoncé l’ouverture d’une enquête suite à des informations «faisant état de vidéos relatant un cas d’esclavage dans un endroit relevant du tribunal de Nouakchott/Sud-commune d’Arafat (proche banlieue) diffusées sur les réseaux sociaux».
Ainsi, «le Parquet de la République a immédiatement donné des instructions à la police judiciaire pour enquêter sur les faits objets de dénonciation, entendre la victime présumée, la soumettre à un examen médical, arrêter et présenter devant la justice, les personnes mises en cause, rechercher l’auteur de la publication des vidéos de la victime sur les réseaux sociaux…».
LIRE AUSSI: Mauritanie: l’esclavage a la peau dure, malgré les lois Au terme de l’enquête préliminaire, le procureur de la République près le tribunal de Nouakchott-Sud a requis «l’ouverture d’une information pour l’approfondissement des recherches grâce à l’audition des familles des victimes et des témoins par un juge d’instruction.
Les investigations se poursuivent notamment concernant l’auteur présumé de la publication des vidéos de la victime et des calomnies qui ont été véhiculées sur elle, diffusées à travers le net.
Dans son réquisitoire adressé au juge d’instruction, le Procureur de la République a demandé le placement en détention provisoire de deux individus et qu’un contrôle judiciaire soit exercé sur une troisième personne.
Le magistrat instructeur n’a pas suivi les demandes du parquet, se limitant à la mesure du contrôle judiciaire pour tous les protagonistes, selon la déclaration Fondation Sahel.
Celle-ci insiste sur l’application stricte de la loi 03-2015, qui fait désormais de la pratique de l’esclavage «un crime contre l’humanité».
Quant à la déclaration du Parquet Général, celle-ci rappelle à tous les citoyens «le devoir d’informer les autorités judiciaires compétentes dans les formes légales, de tout crime dont ils auraient connaissance, tout en s’abstenant d’indexer ou de diffamer les victimes, et en évitant d’influer négativement, sur le déroulement de la procédure».
Les autorités mauritaniennes ont adopté une législation pénale abondante dans le domaine de la lutte contre l’esclavage au cours de ces dernières années.
Mais les associations abolitionnistes continuent à dénoncer «des complicités et l’absence d’une réelle volonté politique de sanctionner les auteurs de telles pratiques».
Alors quelle signification donner au réquisitoire du procureur pour l’emprisonnement de présumés esclavagistes, et au communiqué du Parquet Général dans un contexte de début de règne d’un nouveau pouvoir?
Ces éléments sont-ils le signe d’une prise en compte des griefs de la mouvance abolitionniste?
En refusant de suivre à la lettre le parquet, le juge d’instruction a–t-il simplement exercé sa prérogative d’indépendance que lui confère la loi?
Seul l’épilogue de cette histoire pourrait apporter des réponses à ces interrogations.
Par notre correspondant à Nouakchott
Cheikh Sidya