Le 07/06/2019 – Franceinfo
En Namibie, les Héréros et les Namas ont été exterminés par l’armée coloniale allemande au début du XXème siècle. Les descendants des victimes demandent aujourd’hui réparation à l’Allemagne.
Alors qu’ils composaient presque 40 % de la population namibienne au début du XXème siècle, les Héréros ne sont plus que 7 %. En cause : le génocide dont ils ont été victimes entre 1904 et 1908. Considéré comme le premier génocide du 20ème siècle, ce massacre perpétré par l’armée coloniale allemande a coûté la vie à 50% des Namas et 80% des Héréros, deux tribus indigènes de la Namibie, qui était depuis 1884 une colonie allemande.
De techniques d’extermination génocidaires
En janvier 1904, privés de leurs terres et de leur bétail, les Héréros se révoltent contre les colons allemands et font une centaine de morts. En réponse, le général allemand Lothar von Trotha est envoyé pour mater la rébellion. Réputé pour sa cruauté, surnommé « le requin », il signe un ordre d’extermination qui stipule que « Tout Héréro trouvé à l’intérieur des frontières allemandes, avec ou sans armes, avec ou sans bétail, sera abattu.« 15 000 soldats allemands sont déployés, équipés de mitrailleuses, de canons et de grenades pour exécuter cet ordre de la plus haute instance militaire. Un an plus tard, les Namas se révoltent à leur tour et subissent le même sort que les Héréros.
L’armée coloniale développe des techniques génocidaires telles que des massacres, l’exil dans le désert et des camps de concentration. « Les enfants, les femmes les vieillards, les hommes, tout le monde devait être exterminé. On les as chassés vers le désert où ils sont morts de faim et les puits ont été empoisonnés.« explique Elise Colette, l’ex-rédactrice en chef à Jeune Afrique sur TV5 Monde. « Les soldats obligeait les enfants à regarder tous ces meurtres« , raconte l’une des descendantes de victimes. Même les survivants qui parvenaient à s’enfuir vers le désert du Kalahari étaient pourchassés pour être massacrés. Entre 1904 et 1908, près de 20 000 Namas et 65 000 Héréros ont perdu la vie.
Les crânes des défunts ont ensuite été envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques. Le médecin Eugen Fischer, dont les écrits racistes influencèrent Adolf Hitler, officia dans le camp de concentration namibien à la sombre réputation, nommé « Shark Island ». Son objectif : différencier le « sauvage » du « civilisé » afin de prouver la supériorité de la race blanche. Une théorie qui inspirera celle de l’hygiène raciale nazie et formera les médecins SS, dont le Docteur Josef Mengele qui a été son assistant.
L’Allemagne refuse toutes réparations
Depuis une trentaine d’années, les descendants réclament reconnaissance et réparation auprès des autorités allemandes. « Nous vivons dans la pauvreté, à cause de ce qu’ils nous ont fait à l’époque. Nous voulons des réparations, nous voulons qu’ils nous rendent notre dignité et nos terres. » fait savoir Veronika Kamaakoho Mujazu, descendante de survivants héréros.
L’Allemagne n’a reconnu sa responsabilité qu’en 2004 mais si plusieurs dirigeants allemands ont reconnu ce génocide, le gouvernement s’oppose toujours à toutes réparations financières. Pour Vekuii Rukoro, chef héréro, les autorités « refusent systématiquement de nous parler, prétextant que nous ne sommes pas une entité souveraine, ni un État. » De son côté, Berlin a toujours argué que l’aide accordée au développement de la Namibie chaque année depuis son indépendance en 1990 était assez « généreuse ».
D’autre part, des compensations financières pourraient bouleverser les rapports de forces en Namibie : « Le gouvernement namibien voudrait que tous les Namibiens profitent de ces réparations. explique Gotthard Vanivi, un ancien présentateur de radio. Or, les seules victimes sont les Héréros et les Namas. En outre, il faut aussi dédommager ceux qui ont fui les massacres, les Héréros du Botswana, du Lesotho ou d’Afrique du Sud, qui n’ont pas la nationalité namibienne. »
En janvier 2017, les représentants des descendants des deux peuples exterminés ont déposé plainte pour génocide contre l’Allemagne devant un tribunal new yorkais, qui a accepté de donner suite.