Chronique des années Ould Abdel Aziz : II. Les investissements publics durant la décennie, un point fort et positif sous l’angle quantitatif

Chronique des années Ould Abdel Aziz : II. Les investissements publics durant la décennie, un point fort et positif sous l’angle quantitatif Avant le boom minier, l’investissement public -IP- se situait autour de 30 milliards, l’an. Entre 2014 et 2009, il a quintuplé.

En 2015, le montant des IP s’est élevé à 163 milliards dont le tiers, environ, fut financé sur le budget de l’Etat. Cette tendance ne fera que s’affirmer en 2016, l’Etat assura le financement de la moitié de l’investissement public qui a atteint un chiffre record de 261 milliards d’ouguiyas.

Pendant la moitié de la décennie, objet de ce bilan, l’investissement public -IP- a représenté 40% du budget de l’Etat et 25% de l’investissement total dans le pays. Les subventions accordées par l’Etat au secteur public n’ont pas été en reste, passant de 5 milliards, en 2005, à 70 milliards en 2013.

L’Etat a donc beaucoup « investi »!

Dans ce bilan, l’investissement public qui a beaucoup augmenté depuis 2009, ne peut que figurer, à côté du PIB, dans le côté positif et constituer un point fort sous, l’angle quantitatif, à l’actif de des gouvernants durant la « période de MOOAZ».

En effet, l’investissement participe de la croissance et a un effet positif à court terme sur l’activité et l’emploi. Théoriquement, s’il est fondé sur une évaluation correcte et s’il est bien géré, il peut être un outil efficace pour le développement à long terme et une source de progrès.

Pas de développement sans investissement ! Les Pouvoirs publics, surtout dans les pays développés, peuvent aussi s’en servir comme un outil de régulation macroéconomique, quoiqu’il il reste difficile à manier du fait de ses délais de réalisation et des retournements de cycles et variations conjoncturelles.

Mais l’investissement peut aussi constituer un facteur de crise, comme nous le verrons malheureusement dans le cas présent.

Les analystes qui ont évalué, avant nous, ces investissements s’accordent à dire, dans un langage diplomatique, cher aux instituions internationales, qu’on a « beaucoup investi mais qu’on aurait pu mieux investir.» Autrement dit, et pour parler franc, et comme nous le démontrerons en conclusion, nous avons mal investi.

Anormalités et anomalies des investissements dans « l’ère de MOAAZ »

1-Durant cette période, « l’ère de MOAAZ» comme vous l’avez surnommée, la Balance commerciale de la Mauritanie n’a jamais été excédentaire, ni même équilibrée. C’est pourquoi on peut qualifier son déséquilibre de structurel, malgré les flux d’entrée de devises provenant des exportations de minerais. Les importations liées à ces « investissements » ont amplement contribué à ce déficit de la Balance des paiements.

2-« Un décalage entre les priorités dans les stratégies de développement annoncées officiellement et les priorités financées a été constaté.» On ne fait pas ce qu’on a dit et on fait ce qu’on n’a pas dit.Poésie !!??Une fois n’est pas coutume !!

3- Les investissements de la dernière décennie ont été concentrés dans les domaines de l’infrastructure, de l’énergie et des transports.

Les projets d’aménagement du territoire ont représenté parfois jusqu’à 50% (2010 -2016) des dépenses d’investissement alors que tout ce qui touche aux ressources humaines a été négligé : la Culture, la Justice, l’Education (2,7%), les Affaires sociales, l’ Emploi ,la Jeunesse, le Sport, tous réunis , n’ ont bénéficié que de 9% et sont arrivés parfois à moins de 3%. Insensibilité ? Indifférence ?

Tentative de génocide humain par l’Economie!? Je vous laisse le soin de tirer les conclusions.

4- Les subventions au secteur public qui ont progressé de 1400% entre 2005 et 2013 ont eu de « médiocres performances et n’ont que rarement fait l’objet de contrôles. »

Une mauvaise gouvernance des investissements publics s’est traduite, selon l’évaluateur de la Banque Mondiale, par de nombreuses anomalies, constatées et vérifiées.

Ces anomalies sont :

5 « -L’inefficacité des Investissements Publics.

6-Une rentabilité réduite des investissements publics

7-Un impact insuffisant des investissements des investissements publics

8-l’Incapacité des ressources humaines mobilisées de gérer correctement les projets.»

Les évaluations de la Banque mondiale arrivent à un constat et tirent une conclusion. Le constat : l’évaluation a montré que la Mauritanie est en dessous de la moyenne requise pour avoir un système de gestion d’investissement public efficient ». La conclusion : La gouvernance des Investissements est devenue l’enjeu majeur des politiques économiques et sociales. Entendez par ceci: nécessité de lutter contre la corruption, pour la transparence dans l’attribution des marchés publics.

On découvre ici que l’investissement public qui était considéré comme solution pour le développement devint, au contraire, sous l’ère de MOAAZ, un problème à résoudre et une source de préoccupations à cause, entre autres raisons, de sa mauvaise gouvernance.

Au problème de gouvernance vient s’ajouter le revers de la médaille : la réalisation de ces investissements mal gérés s’est traduite par l’endettement excessif, quasi-exclusivement en devises, l’aggravation du déficit de la balance des paiements et la dépréciation de la monnaie. Fort de ce qui précède et n’étant pas tenu à une obligation ou à un devoir de réserve, nous n’utiliserons plus le terme Investissements publics en parlant des réalisations de l’ère de MOAAZ !

Les Investissement assomment ou tuent les acteurs, les entreprises

Durant cette ère décennale, l’Etat, pour exécuter les investissements, a souvent évincé le secteur privé formel pour confier leur réalisation à des entreprises publiques : ATTM ;ENER ISKAN;SNDE. Cette délégation de maîtrise d’ouvrage a atteint son apogée en 2015, allant jusqu’à représenter 35% du total des Investissements Publics. La complaisance de ses sociétés, dans la gestion des projets et le recours suspect et excessif à une sous-traitance aux entreprises créées ex nihilo et appartenant à l’informel, risquent de signer prochainement l’arrêt de mort de certaines de ces entreprises, à l’image ce qui est arrivé à la Sonimex.

Est- ce qu’ATTM vit toujours ? J’ai vu, une fois, ses états financiers, audités par des experts de la SNIM, et qui la donnaient sur son lit de mort, tellement ses pertes étaient énormes par rapport à son chiffre d’affaires, elles l’égalaient! Du jamais vu !

A suivre

*Dr Mohamed Ould Mohamed El Hacen est Professeur d’Economie à l’université et Consultant

Source : Initiatives News (Mauritanie)