Le 11/04/2019 – Le C.R.I.D.E.M.
Le président mauritanien Mohammed Ould Abdel Aziz vient de faire une confidence de poids au journaliste palestinien, Abdelbari Attouane, concernant l’affaire du Sahara. Ni les Etats-Unis, ni l’Europe, ni l’Occident, en général, ne veulent d’un Etat entre le Maroc et la Mauritanie.
«Pas d’Etat entre nous» est une expression assez courante, et bien ancrée depuis des décennies au sein de l’opinion publique mauritanienne, à l’adresse du voisin marocain. Elle signifie deux choses. D’une part, il s’agit de dire que le Maroc et la Mauritanie sont deux Etats voisins dont chacun doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’autre.
Cela se refère particulièrement à la position du parti de l’Istiqlal qui, entre les années 50 et 70 du siècle dernier, a toujours considéré que la Mauritanie est une partie intégrante du royaume du Maroc.
«Pas d’Etat entre nous» signifie aussi pour les Mauritaniens qu’il n’y a pas de place, géographiquement parlant, pour une quelconque entité entre le Maroc et la Mauritanie, dont les rapports ethniques, historiques, culturels, socio-économiques… interdisent toute intrusion.
Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, reprend aujourd’hui à son compte une idée largement partagée par son opinion publique, après avoir semblé, durant tout son magistère (2009-2019), ramer à contre-courant de cette position. Mais en confiant au journaliste palestinien, Abdelbari Attouane, rédacteur en chef du quotidien londonien «Rai’y El Yaoum», de nombreuses confidences, le président mauritanien n’a pas manqué de lâcher une bombe, en affirmant que «les USA, l’Europe et l’Occident ne veulent pas d’un Etat situé géographiquement entre le Maroc et la Mauritanie. Toutes les autres issues proposées ne sont que des supputations».
Traduisez: puisque la Mauritanie aurait clairement remarqué, lors des différentes consultations sur le dossier du Sahara, que personne ne veut d’un Etat entre la Mauritanie et le Maroc, son président dit aujourd’hui tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Surtout en Mauritanie, où la presse n’a pas été surprise par cette déclaration qui va, a contrario, créer un séisme de grande amplitude au sein de la direction du ¨Polisario et de la diplomatie et armée algériennes. D’ailleurs dans leurs premières réactions à la déclaration choc de Ould Abdel Aziz, les médias du Polisario ont pour le moment choisi d’orienter leurs tirs groupés en direction des USA, accusés de «s’opposer au droit à l’indépendance du peuple sahraoui».
Reste maintenant à trouver une explication à cet aveu choc, un brin sincère, sans le moindre gant diplomatique et d’une vérité crue.
D’une part, en confiant à Abdelbari Attouane toute la haine qu’il voue à l’égard d’Israël, du Qatar et de la chaîne Al Jazeera, entre autres, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a montré qu’il ne porte pas non plus le polisario dans son cœur. Mais que c’est surtout la «peur de la nuisance» du puissant voisin algérien, qui lui a toujours fait jouer, maladroitement, un rôle dont il n’a jamais été convaincu, lui et ses prédécesseurs. Aujourd’hui qu’il est à trois mois de quitter le pouvoir, il se lâche donc en n’ayant plus peur, ni rien à gagner ou à perdre.
D’autre part, il n’est pas à écarter qu’il s’agirait là aussi d’un mea culpa de Ould Abdel Aziz vis-à-vis du Maroc, un voisin qu’il a boudé pour des causes futiles et strictement personnelles, à tel point que c’est l’un des rares pays qu’il n’a jamais visité durant ses deux mandats présidentiels consécutifs.
Cette tendance au mea culpa est nettement perceptible ces derniers mois, avec le retour à la normale des relations mauritano-marocaines. Un réchauffement vivement salué par Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, qui avait promis d’imminentes «bonnes nouvelles» pour la région nord-ouest-maghrébine à la sortie d’une audience avec Ould Abdel Aziz, à qui il venait remettre un message du roi Mohammed VI en novembre dernier. Parlant ainsi depuis Nouakchott, Bourita aurait certainement reçu de «bonnes assurances » quant à la position mauritanienne sur l’affaire du Sahara marocain.
Par Mohammed Ould Boah