Politique africaine : ce qui va changer avec Obama

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Robert A. Mortimer, professeur émérite américain en sciences politiques au collège
d’Haverford (Pennsylvanie), spécialiste en relations internationales, est un des rares africanistes à s’intéresser à la fois à l’Afrique du Nord et à l’Afrique noire. El Watan Vendredi l’a rencontré à l’occasion de son passage à Alger.

Lors de l’élection de Barack Obama, les politologues américains ont expliqué que le Maghreb, comparé au Moyen-Orient, n’intéressait pas vraiment les Etats-Unis. Le projet Africom laisse penser le contraire. Sans parler des rumeurs de base militaire
d’entraînement dans le désert… Quelle est la part du fantasme et celle de la réalité ?

Le Maghreb ne figure effectivement qu’au second rang dans la politique étrangère américaine mais les Etats-Unis, en tant que puissance mondiale, s’intéressent à cette région du monde. Pour preuve, la présence de la frégate américaine USS Robert G. Bradley à Alger cette semaine s’inscrit dans une coopération et un ensemble de manœuvres avec les pays méditerranéens. Il existe aux Etats-Unis, du fait qu’une population afro-américaine importante ait voté massivement pour Barack Obama, un petit lobby qui aimerait que les relations avec l’Afrique soient plus poussées. Mais quand ils disent « Afrique », ils pensent en réalité « Afrique noire ». Par ailleurs, c’est vrai, les Américains ont déjà jeté les bases d’un commandement militaire dont le siège se trouvera en Afrique. Il semblerait que le Liberia ait proposé un site, mais ce dernier ne fait pas l’unanimité.

Les Américains sont aussi impliqués dans le partenariat transsaharien contre le terrorisme…

Le nouveau conseiller de Barack Obama en matière de sécurité nationale, James Jones, a d’ailleurs joué un rôle dans la création de cette initiative à l’époque où il était commandant des forces alliées en Europe ! Les Etats-Unis ont envoyé des unités américaines au Niger et au Mali (en Mauritanie, depuis le coup d’Etat, les relations sont gelées) pour former des unités d’élite militaires capables de défendre les frontières contre le trafic d’armes et de drogue qui sert à financer les groupes terroristes. Il a été clairement dit que cette initiative transsaharienne devait constituer une nouvelle forme d’association où le développement économique serait prioritaire sur les projets militaires. Mais il ne s’agit que d’un discours et tout cela reste à voir.

Les Etats-Unis ne s’intéressent-ils au Maghreb et au Sahel que pour des raisons sécuritaires ?

Pour l’instant, on crée de nouvelles structures dans le domaine de la sécurité. Même la coopération navale est dirigée contre des menaces – plus potentielles que réelles – dans les eaux méditerranéennes. Mais cela ne veut pas dire que les Etats-Unis n’ont pas d’intérêt économique dans la région.

Enfin, il semblerait que les Américains soient davantage intéressés par les ressources dans le Golfe de Guinée que par celles du Maghreb…

Bien sûr. Certains développementalistes pensent d’ailleurs que les relations avec l’Afrique sont trop dictées par les intérêts pour les hydrocarbures. Mais je crois que la nomination de Johnny Carson comme secrétaire général pour les Affaires africaines pourrait être très bénéfique. Cet Afro-Américain, autrefois ambassadeur en Afrique, va, à mon avis, donner la priorité au développement et à la résolution des conflits (région des Grands Lacs, Ethiopie/Somalie). Les Etats-Unis veulent un monde plus stable où l’accent serait mis sur la coopération économique, notamment en Afrique.

Il faut donc s’inquiéter ! Car les Américains voulaient aussi « instaurer la stabilité » en Afghanistan et en Irak !!!

Avec Barack Obama, j’espère que les choses vont changer. Il a une vision complètement différente de ce que peut être la coopération internationale. La notion de « soft power », en faveur de la réconciliation et non plus des solutions militaires, est à la base de sa stratégie. Nous sortons d’une ère dominée par un clan néoconservateur dont la vision du monde était unipolaire. Avec le démantèlement de l’Union soviétique, le monde bipolaire s’est dissolu et les Etats-Unis se sont appuyés sur cette unipolarité pour mener des actions militaires. Ce qui est une erreur de jugement car d’après la théorie des relations internationales, aucun Etat ne souhaite un pouvoir hégémonique. Barack Obama et ses conseillers en sont venus à la conclusion qu’il était contreproductif de concevoir le monde ainsi et qu’il valait mieux l’imaginer en termes multipolaires, c’est-à-dire avec plusieurs grandes puissances dont la responsabilité est de gérer les relations internationales.

Le 24/05/09

Par Mélanie Matarese

Source : El Watan