L’effondrement de l’Occident, par le cardinal Sarah

Dans son troisième livre d’entretiens, le cardinal guinéen Robert Sarah évoque sans fard «l’effondrement de l’Occident», la «crise culturelle et identitaire» qu’il traverse, et les «processus migratoires».

«L’Europe semble programmée pour s’autodétruire.» C’est un tableau alarmiste que dresse le cardinal guinéen Robert Sarah, dans Le soir approche et déjà le jour baisse*, son troisième livre d’entretiens avec l’essayiste Nicolas Diat, publié tout récemment. Il y évoque sans fard «l’effondrement de l’Occident», la «crise culturelle et identitaire» qu’il traverse, et les «processus migratoires». «L’Europe veut s’ouvrir à toutes les cultures – ce qui peut être source de richesse – et à toutes les religions du monde, mais elle ne s’aime plus», dénonce-t-il. Du pacte de Marrakech, qui «nous promet des migrations sûres, ordonnées et régulières», le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements «craint qu’il produise exactement l’inverse». Une vision qui tranche avec celle du pape François. La charité n’est pas un déni de soi, dit-il.

«Sous peu, nous savons qu’il y aura en Europe un déséquilibre d’une rare dangerosité sur les plans démographique, culturel et religieux, énumère-t-il. Sa maison se remplit d’étrangers parce qu’elle est vide, “libre, balayée, bien en ordre” (Matthieu 12, 44). Elle est débarrassée de ses trésors historiques et chrétiens.» «L’entreprise multiculturaliste européenne exploite un idéal de charité universelle mal compris, poursuit-il. La charité n’est pas un déni de soi. Elle consiste à offrir à l’autre ce que l’on a de meilleur et ce que l’on est. […] Le plus précieux cadeau que l’Europe puisse faire aux immigrés n’est pas d’abord une aide financière, encore moins un mode de vie individualiste et sécularisé, mais le partage de ses racines chrétiennes. […] Face au danger de l’islamisme radical, (elle) devrait savoir énoncer fermement à quelles conditions on peut partager sa vie et sa civilisation. Mais elle doute d’elle-même et a honte de son identité chrétienne. C’est ainsi qu’elle finit par attirer le mépris.» Une mention, toutefois, à ces pays qui «se réveillent peu à peu» : la Pologne, la Slovaquie, l’Autriche, l’Italie et la Hongrie.

«Pourquoi la mort, l’esclavage et l’exploitation sont-ils si souvent la véritable issue des voyages de mes frères africains vers un eldorado rêvé ?»

Cardinal Robert Sarah

«Il y a une grande illusion qui consiste à faire croire aux peuples que les frontières seront toutes abolies, insiste-il. Certes, les flux migratoires ont toujours existé. Les mouvements actuels se distinguent en revanche par leur importance. Des hommes prennent des risques incroyables. Le prix à payer est lourd. On présente l’Occident à des Africains comme le paradis terrestre. La faim, la violence et la guerre peuvent pousser ces hommes à risquer leur vie pour atteindre l’Europe. Mais comment ces nations vont-elles se développer si tant de travailleurs font le choix de l’exil? Quelles sont ces étranges organisations humanitaires qui sillonnent l’Afrique pour pousser de jeunes hommes à la fuite en leur promettant des vies meilleures en Europe? Pourquoi la mort, l’esclavage et l’exploitation sont-ils si souvent la véritable issue des voyages de mes frères africains vers un eldorado rêvé? Je suis révolté par ces histoires

Affirmant que «le renseignement français est au courant des moindres détails du trafic migratoire en Afrique», le cardinal martèle: «Il faut tout faire pour que les hommes puissent rester dans les pays qui les ont vus naître.»«En Europe, on prive les migrants de leur dignité, assène-t-il. Des êtres humains sont parqués dans des camps et condamnés à attendre sans rien faire de leurs journées. En France, la “jungle” de Calais était une honte. Comment voulez-vous qu’un homme sans travail puisse trouver un véritable épanouissement? Le déracinement culturel et religieux des Africains projetés dans des pays occidentaux qui traversent eux-mêmes une crise sans précédent est un terreau mortifère. La seule solution durable passe par le développement économique de l’Afrique.»

* Éditions Fayard, mars 2019

Alexandre Feigenbaum
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