Biram Dah Abeïd, député et président de IRA Mauritanie est très remonté contre le ministre français des Affaires Étrangères, coupable à ses yeux, de parti pris et d’avoir rompu un « équilibre »de la politique française en Mauritanie.
Lors d’une conférence de presse tenue, vendredi 8 février, à son domicile, le candidat à la présidentielle mauritanienne de 2019 n’a pas été tendre avec Le Drian «Nous avons été très gênés et j’ai été très gêné en prison lorsque j’ai appris la déclaration du ministre français des Affaires Étrangères, de l’Europe , Monsieur Le Drian à propos de mon emprisonnement. Parce que, hélas c’est la première fois que la France, par une voix autorisée, celle de son ministre des Affaires Étrangères, rompt publiquement un équilibre que la France avait toujours maintenu, ne serait-ce qu’en public pour la lutte que mène les populations opprimées, les justes contre l’esclavage, le racisme, les violations des droits de l’homme.(…) Ces propos constituent pour nous beaucoup de gênes surtout que (…)le sacrifice continue du peuple français durant la révolution de 1789 ne devrait pas être remis en cause. Et on a constaté que le pouvoir en Mauritanie a beaucoup profité, instrumentalisé cette déclaration de manière indirecte lorsque le régime a imprimé et a largement de manière pernicieuse traduit la déclaration de Le Drian, insinuant que « Biram n’est pas un détenu d’opinion et qu’il est un prisonnier de droit commun », « que la justice en Mauritanie fait son job correctement », « les prisons en Mauritanie sont dans les normes et respectueuses des droits des prisonniers ». Beaucoup de gens sont tombés des nues mais malgré tout ça la traduction faite par les services de renseignement mauritaniens a été beaucoup plus pernicieuse. Le Drian a paraphrasé le porte parole du gouvernement mauritanien qui est connu en Mauritanie même par les citoyens de base comme étant un menteur professionnel. C’est vraiment dommage !!! Parce que le ministre des Affaires Étrangères pouvait facilement comprendre que cette arrestation et détention ont été unanimement condamnées par toutes les instances de droits de l’homme et les ONG nationales et internationales crédibles dans le monde dont des ONG françaises notamment Amnesty France. Notre arrestation a été stigmatisée à leur manière par les chefs de missions diplomatiques et a été aussi dénoncée à leur manière par les représentants onusiens. C’est très facile pour le chef de la diplomatie française de comprendre qu’il sera le seul à prendre cette position en faveur du gouvernement mauritanien. A l’intérieur, même des cercles dirigeants et du milieu du pouvoir, nous étions qualifiés de prisonniers de « droit commun ». Ces cercles dirigeants ont osé élevé la voix contre cette arrestation, son injustice.(…) qui constitue la plus flagrante manifestation de l’instrumentalisation de la justice à travers un règlement de compte. C’est dommage que Le Drian trouve cette seule occasion pour se ranger du coté du pouvoir en Mauritanie. Nous sommes très intéressés de la relation de notre pays avec la France. Parce que la France, culturellement, linguistiquement représente beaucoup de choses pour nous. La langue française est celle de la liberté, la culture française est celle de la liberté. Notre pays coopère avec la France dans ce sens. Nous refusons que les valeurs universalistes de la révolution française soient bafoués. Nous n’accepterons pas que l’esprit de cet engagement pour les valeurs universalistes de droits de l’homme soient supplée par une diplomatie mercantile ne servant pas l’honneur de la France et de son peuple (…) ça ne fera qu’accentuer, exacerber la francophobie en Afrique. Nous sommes touchés et très désolés que la dernière déclaration a fait naître une francophobie en Mauritanie, une colère contre la France suite aux propos à l’encontre des abolitionnistes alors que la France est perçue sans qu’elle ne parle, à travers sa culture comme étant l’allié le plus sûr. La France ne perdait rien si elle gardait le silence, elle gagnait tout. Dommage que Le Drian n’a pas été conscient que ses propos rendent la France petite alors qu’elle est grande aux yeux des africains, et des mauritaniens que nous sommes. Nous espérons que cette déclaration malheureuse ne soit qu’une erreur, un accroc de parcours et qu’elle soit dépassée par la politique étrangère, une attitude plus représentative de la France vis-à-vis de son histoire, de sa culture ».
Pour rappel, questionné, en octobre 2018, par la députée d’extrême gauche (de la France insoumise), Mme Clémentine Autain, sur la détention de Biram Dah Abeid, le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères a répondu que la France ne peut pas réclamer la libération d’un détenu de droit commun. Jean-Yves Le Drian a ajouté que « l’intéressé est détenu à la suite d’une plainte pour des faits de droit commun, qui ne relèvent ni de son activité associative ni politique».