Chef d’état-major de l’armée mauritanienne, le général Mohamed Ould Ghazouani, vient d’être nommé nommé ministre de la Défense par le président Aziz, qui pourrait renoncer à un troisième mandat
Le général Ghazouani, un soutien constant et loyal de Mohamed Ould Abdel Aziz depuis son accession au pouvoir en 2008, devait en principe prendre sa retraite de chef d’état-major avant la fin du mois d’octobre. Or la désignation de ce gradé, fin octobre, comme ministre de la Défense, pourrait redistribuer les cartes d’une situation politique de plus en plus tendue.
La montée des périls
On ignore en effet si l’actuel Président Aziz sera candidat en 2019 pour un troisième mandat, alors que la constitution mauritanienne lui interdit de briguer une telle charge. Yeddih Ould Breideleil, une personnalité éminente de sensibilité bassiste, l’idéologie nationaliste qui est celle des maures au pouvoir, vient de conseiller au président Aziz de « prendre de la hauteur », voire de lever le pied. Une signe qui ne trompe pas sur l’état d’esprit des élites qui gouvernent le pays et qui avaient soutenu l’actuel chef de l’état jusqu’à présent. « La Mauritanie qui était déjà mal en point à cause du gaspillage et d’un tâtonnement invraisemblable, écrivait Yeddih Ould Breideleil récemment, a été jeté l’année dernière dans une confusion folle par un processus incompréhensible dont la première salve a été la révision constitutionnelle, refusée par le Parlement et malgré tout imposée. Elle a été suivie d’actions inconsidérées qui dénotaient, non pas de la lucidité mais de la nervosité et la solitude dans la décision ».
Plus grave, la montée de la contestation interne, qu’incarne entre autres le leader anti esclavagiste Biram, élu député en septembre mais aujourd’hui emprisonné, provoque une répression accrue et par réaction une solidarité au sein de l’opposition. Enfin les derniers développements de la situation en Arabie Saoudite, l’allié constant du président Aziz, met le régime dans une situation délicate. D’autant plus qu’à Paris, les relais du pouvoir mauritanien comme Jemal Taleb qui fait l’objet d’une plainte pour violation de la qualité d’avocat, sont jugés « infréquentables » par l’Elysée. C’est du moins ce que confie à Mondafrique un élu d’ »En Marche » qui a ses entrées auprès de la cellule diplomatique d’Emmanuel Macron.
Le très consensuel Ghazouani
Or la rumeur insistante qui circule à Noaukchott, la voici: le général Ghazouani pourrait bien avoir été placé ainsi en orbite pour assumer l’année prochaine, au lieu et place de l’actuel chef de l’Etat et avec son aval, la fonction de président. A la façon dont Poutine avait pu placer en 2008 Dmitri Medvedev, son Premier ministre, à la tète de la Fédération de Russie .
Le général Ghazouani bénéficie de nombreux atouts pour servir de bouclier à un président Aziz contesté en interne et déconsidéré à l’international. Première qualité, ce haut gradé a toujours entretenu de bonnes relations avec la France, les Etats Unis et le Maroc- Ce qui équilibre les préférences algériennes et séoudiennes de l’actuel chef de l’Etat. Ensuite, Ghazouani bénéficie d’un large consensus au sein de l’armée mauritanienne, la colonne vertébrale du pouvoir.
Enfin ses origines et son parcours en font une personnalité respectée bien au delà du cercle clanique et affairiste qui entoure aujourd’hui la présidence. En privé, des personnalités de l’opposition espèrent une telle promotion du général Ghazouani. Jusqu’au sein du parti islamiste Tawassol, arrivé en tête de l’opposition lors du dernier scrutin législatif de septembre et où on met en avant ses engagements spirituels. « Fils d’un chef spirituel de la tribu maraboutique Ideiboussat, des Berbères à qui l’on prête des pouvoirs mystiques, écrit le site du « Point Afrique », il est réputé pour sa discrétion mais aussi pour bénéficier de l’influence également discrète mais grande de sa tribu très active dans les questions religieuses, le soufisme notamment, mais aussi dans le commerce de véhicules, de thé, de tissus et de céréales ».
Aux yeux d’un président mauritanien qui se méfie de tout et de tous, le principal défaut de Ghazouani tient sans doute à cette image consensuelle qui pourrait ternir la sienne.
Source: Mondafrique