Les élections régionales, législatives et municipales sont finies. Comme attendu, l’Union Pour la République, le parti du président Mohamed Ould Abdel Aziz, a remporté le scrutin, avec 89 députés sur les 157 que compte le Parlement et des milliers de conseillers régionaux et municipaux dont des dizaines de maires centraux (162 communes) et une bonne poignée de présidents de conseils régionaux (13) dont celui de Nouakchott, rudement enlevé à une très forte coalition de partis menée par Tawassoul.
Les deux oppositions ont joué leur partition, en emportant, chacune selon ses prédispositions, quelques sièges de députés et de conseillers régionaux et municipaux. Sans surprise, les islamistes ont enregistré les meilleurs scores, en infligeant, parfois, des défaites humiliantes au parti du pouvoir. Les responsables de cette formation jubilent.
Selon leur président, Sidi Mohamed Ould Maham : « Les Mauritaniens ont adressé un véritable message ». Manière de dire que l’acte II du théâtre mis en scène par le pouvoir, après son acte I : discours de Néma, referendum sur les amendements constitutionnels, dissolution du Sénat, notamment ; a pris une tournure inattendue, à quelques mois de la fin du dernier mandat d’Ould Abdel Aziz. Jusqu’à preuve du contraire, il ne pourra plus légalement briguer une troisième mandature.
Et c’est probablement là tout le problème. Ould Abdel Aziz va-t-il quitter le pouvoir ? Peut-il tenter de le garder? Des questions auxquelles personne ne peut répondre. Une majorité parlementaire permettrait certes de poursuivre le projet et les orientations de l’actuel Président.
Mais comment ? Une autre question qui attend une réponse pertinente. En tout cas, Ould Abdel Aziz a fait campagne à travers toute la Mauritanie pour demander aux populations de voter en faveur des listes soutenues par l’Union Pour la République. Une action « salvatrice » sans laquelle ce parti, très mal en point et rongé par des divergences internes assassines, n’aurait jamais enregistré de si « satisfaisants » résultats électoraux. Tous les ministres du gouvernement sont aussi allés en campagne.
L’argent public a été outrageusement mis à contribution, au vu et au su de tout le monde. Ce sont plusieurs centaines de millions, voire de milliards, qui ont été claqués par de très hauts responsables publics, pour aliéner les consciences et corrompre les volontés. L’administration a été bloquée tout un mois. Totalement.
Mais l’UPR n’a pas convaincu. Elle a remporté, sans grand effort, un combat pipé. Et cependant, si Corneille disait qu’« à gagner sans péril, on triomphe sans gloire », les résultats de Tawassoul et de divers autres opposants minimise autrement plus l’apparent triomphe. Dans ses sorties rageuses, le président Ould Abdel Aziz a attaqué sans pitié les « racistes » et les « terroristes ».
Des insinuations on ne peut plus claires à l’encontre de Biram, Ibrahima Sarr et les gens de Tawassoul. Tout simplement. Alors que le pays regorge de véritables racistes, de terroristes de tout acabit et de prédateurs des deniers publics que personne ne peut inquiéter.
La saisie des comptes bancaires de l’homme d’affaires, Mohamed Ould Bouamatou, à la veille de la campagne électorale, ne se justifie que par la psychose d’une réédition de ce qui s’était passé le 17 Mars dernier, lors du vote des sénateurs sur les amendements constitutionnels. L’instrumentalisation qui a permis l’arrestation de Biram Dah Abeid, à la veille de la réception de son récépissé définitif de candidature, prouve la confusion où se débat le système.
La gestion de Biram et les modalités d’un troisième mandat constituent un vrai casse-tête pour le Président. Comment gérer le premier, en cette phase cruciale d’un matin de gésine pour le second (troisième mandat) ? Faut-il libérer le tonitruant militant des droits humains, devenu député et fort, en conséquence, d’une immunité parlementaire qui le rendra certainement encore plus dangereux ou lui « fabriquer » une autre parade judiciaire qui le maintienne en prison, avant de faire annuler sa brillante élection ?
Nous sommes au bout d’un processus enclenché depuis plus deux ans, avec le fameux discours d’ouverture de ce dialogue entre la majorité et l’une des oppositions, inaugurant les dérives institutionnelles vers des desseins dont les contours apparaissent aujourd’hui très clairement. Le choix du futur président de l’Assemblée nationale et du Premier ministre du prochain gouvernement permettra une lecture plus explicite des intentions d’un Président dont la mandature tire à la fin.
La Mauritanie est à un tournant décisif de son histoire politique contemporaine. En principe, la situation est simple : Un président qui finit son ultime mandat et constitutionnellement hors-jeu. Mais dans la réalité, les faits sont beaucoup plus complexes, puisque beaucoup d’indicateurs semblent rendre évidente sa volonté manifeste de ne pas quitter le pouvoir en 2019.
Maintes fois au cours de la dernière campagne électorale des régionales, législatives et municipales, l’homme aura demandé, à ceux qui réclamaient un troisième, voire quatrième mandat, de donner une majorité absolue à l’UPR au prochain Parlement. Avec cette saillie, significative : « Nous pourrions même fonder, alors, une monarchie ». Qu’Allah rende sourd celui qui n’entend que par ses oreilles, nous dit un adage populaire.