Biram Dah Abeid, militant anti-esclavage mauritanien, est incarcéré sous de fausses accusations depuis août 2018.
Son travail de plaidoyer pour la minorité mauritanienne Haratin, dont près de la moitié vit de facto en esclavage, en a fait une cible pour le gouvernement qui condamne régulièrement les militants des droits de l’homme en prison pour des crimes qu’ils n’ont jamais commis. L’arrestation de M. Abeid a également été intentionnellement organisée pour l’empêcher de respecter les délais d’inscription aux élections nationales, ce qu’il avait prévu de faire.
Des organisations telles que Freedom United ont lancé une pétition en faveur de sa libération dans le but d’accroître la sensibilisation et la pression internationale sur le gouvernement mauritanien. L’article ci-dessous a été publié par The Independent :
Biram Dah Abeid a été réveillé par un choc à 5h30 du matin par la police qui l’a emmené dans une cellule de prison sordide et sans fenêtre. Mais il n’a pas été surpris.
Le jour de son arrestation le mois dernier [7 août 2018] était également la date limite fixée par la commission électorale pour que les candidats puissent s’inscrire aux élections nationales du 1er septembre.
Il n’y a aucun avantage politique à assumer le rôle de militantisme anti-esclavagiste en Mauritanie. Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), peut le confirmer, à ses dépens. Depuis qu’il a annoncé son intention de se porter candidat à un poste politique pour mener à bien son programme anti-esclavagiste, Abeid et ses collègues ont été persécutés.
Le mois dernier, la communauté anti-esclavagiste célébrait la libération de deux militants et membres du conseil de l’IRA, Moussa Bilal Biram et Abdellahi Matalla Saleck, d’une prison saharienne éloignée où ils étaient détenus depuis deux ans. Leur arrestation, en juin 2016, est intervenue un mois après la libération de M. Abeid de son dernier séjour en prison en mai 2016. Une large coalition d’individus et d’organisations s’est réunie pour dénoncer l’injustice de sa détention.
Plus de 370 000 personnes ont signé une pétition sur Freedom United et des appels ont été lancés dans le monde entier pour obtenir sa libération. Finalement, la Cour suprême a statué en faveur de son deuxième appel et a réduit l’accusation initiale à une infraction mineure qui entraînait une peine d’emprisonnement maximale d’un an, pour laquelle il avait servi presque deux fois
Depuis la libération d’Abeid en 2016, ou plutôt pendant ses deux années de liberté, il a ajouté deux autres récompenses à sa collection pour son activisme anti-esclavagiste, notamment en étant un héros du trafic d’êtres humains par le Département d’État américain. A Washington DC, recevant le prix, les autorités mauritaniennes ont accusé plusieurs de ses collègues de l’IRA d’avoir pris part à une manifestation organisée et les ont accusés d’incitation aux émeutes et de violente rébellion contre le gouvernement.
Lentement, les militants ont été libérés jusqu’à ce que deux d’entre eux, Moussa Bilal Biram et Abdellahi Matalla Saleck, restent en prison. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention de ces militants était en violation du droit international.
En dépit de sa grande visibilité, il n’ya aucune raison de croire qu’Abeid se débrouillera mieux dans son traitement. Il a fallu un appel du président du barreau mauritanien pour obtenir un petit tapis et une moustiquaire dans la cellule de la prison délabrée et sale. Le 13 août, il a été transféré à la prison centrale de Nouakchott, inculpée de tentative d’agression et de menace de violence. Abeid conteste les réclamations, qui, selon les critiques, se sont multipliées.
Abeid n’était rentré au pays que quelques jours après son retour des États-Unis où il avait participé à un briefing au Congrès sur la question de l’esclavage au Sahel. Et Abeid connaît bien son sujet. Fils d’esclave, il est un Haratin, un groupe minoritaire qui subit une discrimination telle que la moitié de la population Haratin du pays vit comme des esclaves avec des descendants «hérités» par leurs propriétaires.
Le remaniement que représente Abeid pour tenter d’obtenir un poste politique semble trop lourd à gérer pour les autorités. Sous la coalition Sawab-IRA, il avait l’intention de se présenter aux élections nationales et de tenir des réunions publiques dans la capitale du pays, augmentant ainsi sa part de soutien populaire. Le gouvernement a été de plus en plus pressé de s’attaquer à l’un des derniers systèmes mobiliers au monde, en adoptant une nouvelle loi en 2015 et en créant un tribunal spécial de l’esclavage.
Cependant, la situation globale est décevante. Peu de cas ont été entendus, seules quelques poursuites ont abouti et le message principal est que la lutte contre l’esclavage vous amènera du mauvais côté de la loi.
Abeid est clairement pas facilement réduit au silence. Cependant, s’attaquer à ce système d’esclavage en Mauritanie exige un niveau de bravoure exceptionnel pour ceux d’entre nous qui vivent dans des pays où le leadership politique est en train de s’attaquer à l’agenda anti-esclavagiste. Une fois encore, son cas requiert une attention internationale, ce qui, selon toute vraisemblance, révélera que les accusations portées contre lui ne sont pas fondées, conduisant inévitablement à sa libération. Toutefois, si, en tenant Abeid après les élections, le gouvernement en place apaisait les voix dissidentes et les nouvelles prises de position, il saluerait le succès de ses actions.
Article traduit par IRA-Mauritanie
Source : UNPO