Abdessalam Horma : Le candidat Maitre Birame Dah Abeid a été arrêté pour des raisons politiques dont les signes et les causes sont manifestement apparents. Son arrestation intervient justement après des tentatives répétées de la part du pouvoir, visant à enfreindre son choix politique et électoral lorsqu’il a décidé de les mener à partir du Parti Sawab.
Ce choix historique a, notons le, imposé une équation politique nouvelle dont l’importante dimension sociale a ouvert des nouveaux horizons militants capables de menacer la structure politique du pouvoir et celle de ses institutions fondées sur l’injustice, la marginalisation et l’esclavage.
C’est donc après avoir échoué dans leurs efforts visant à empêcher sa candidature, qu’ils ont procédé à son arrestation de la manière dont tout le monde a pris connaissance.
Il est actuellement dans la situation d’un candidat aux élections, arrêté pour des raisons politiques et en conséquence privé de façon injuste, de la liberté qui lui permet de mener personnellement sa campagne au même titre que tous les autres candidats.
Et malgré toutes ces machinations et ces embûches, opposées à sa candidature, tous les indices donnent actuellement le président Birame comme le plus fort et le plus apte, parmi les candidats à la liste nationale, à attirer les voix des masses populaires sur toute l’étendue du territoire national, chose que la campagne de notre parti insiste à matérialiser inchaa Allah à travers la volonté et la détermination de ses militants et la sincérité et la pertinence de son message politique et sociétal.
-A qui profite cette arrestation de Birame ? Quel est l’intérêt pour le gouvernement que vous suspectez d’avoir ordonné l’arrestation et la détention de votre candidat, quelques jours avant le démarrage de la campagne électorale pour le scrutin du 1er septembre prochain ?
-Comme on le sait, on ne peut pas s’attendre à un comportement normal de la part des systèmes qui reposent sur le pouvoir individuel, surtout quand ils vivent leurs derniers jours où leurs crises entament leurs phases finales et leurs comportements se caractérisent par les esprits tendus et les réactions émotionnelles.
Le système a peut-être supposé que l’arrestation d’un candidat qui représente une menace réelle, quelques jours avant le démarrage de la campagne pourrait perturber la mobilisation de son camp et troubler le fonctionnement de sa campagne.
Mais le système n’a pas pris en compte que cet acte conduira au contraire, à dévoiler j’injustice du pouvoir et les façons illégales dont il traite ses opposants politiques, ce qui inciterait davantage l’opinion à se mobiliser contre ses politiques et accélérerait le rythme de déchirement auquel on assiste aujourd’hui même au sein du propre camp du pouvoir et de son parti.
-Si, comme vous le dites, l’objectif du pouvoir était d’empêcher Birame de se faire élire député, le 1er septembre, comment expliquez-vous la décision de la CENI de valider sa candidature? Serait-elle suffisamment indépendante pour s’opposer aux intentions du pouvoir ?
-Malgré nos réserves sur la C E N I, qui a été constituée suivant un processus duquel ont été écartées plusieurs forces d’opposition, et malgré nos réserves portées sur bon nombres de ses agissements caractérisés par le tâtonnement et le manque d’expérience, nous considérons que son traitement pour le dossier du candidat Birame n’a pas atteint le niveau qui fait qu’elle obéit à la volonté du pouvoir pour rejeter le dossier d’un candidat qui a rempli toutes les conditions requises et qui est considéré parmi les candidats les plus influents, au niveau national, aussi bien sur le plan politique que sur le plan populaire, et surtout un ancien candidat à la magistrature suprême qui a obtenu, rappelons-le, d’importants résultats malgré la fraude et le blocus imposé à sa campagne et à celle des opposants.
-En désignant Birame tête de liste de votre coalition, ne vous attendiez-vous à ce qui lui est arrivé dans la mesure où vous savez bien qu’il est, depuis bien longtemps dans le viseur du pouvoir ?
-Le candidat Birame s’est présenté à la tête d’une liste nationale dans le cadre d’un accord politique assez large qui s’inscrit dans le long terme et dont l’objectif consiste à:
1- Mettre en place un système politique régi par une constitution dont le respect et l’application rigoureuse constituent les garanties concrètes qui empêcheraient toute dérive pouvant conduire aux pratiques du pouvoir individuel qui représente le drame de notre pays.
2-Imposer une rupture totale avec le passé politique et économique dans lequel notre pays est égaré depuis bien longtemps – l’esclavage et ses séquelles étant ses manifestations les plus importantes.
Et nous étions convaincus depuis le premier jour de la signature de l’accord, qu’il ne sera pas le bienvenu pour le système qui le combattra par tous les moyens dont il dispose. Mais nous, en tant que forces d’opposition, nous aspirons à imposer nos choix à travers l’action militante conforme aux lois et règlements en vigueur et c’est dans ce cadre que nous participons aujourd’hui à ces élections, déterminés à consentir les sacrifices nécessaires face à un système connu par l’usage de la répression, l’emprisonnement et le blocus comme seuls outils de traitement de ses opposants.
-Si comme vous le souhaitez Birame est élu demain député, pensez-vous qu’il retrouvera la liberté?
-Nous sommes convaincus que le candidat Birame trouvera sa liberté, pas parce que tel ou tel l’a octroyée mais parce ce que c’est un droit naturel dans un monde où les prisons se détruisent et les organisations des droits de l’homme se renforcent. Il obtiendra sa liberté avant ou après son élection, c’est tout comme, dans les deux cas je pense que ce nouveau épisode l’incitera davantage à poursuivre la voie qu’il s’est tracée pour lui-même. Et il demeure en tout cas du devoir de tous les nobles de se ranger de son côté et de le soutenir dans la campagne d’injustice qu’il subit chaque jour sous une novelle forme.
-Quelle évaluation vous faites des réactions des acteurs politiques et de la société civile de l’arrestation du président Birame ?
-En réalité, nous savons très bien que la majeure partie des acteurs dont vous parlez subit actuellement ou a subi par le passé l’oppression du pouvoir. Et nous demeurons malheureusement incapables de créer un mécanisme qui nous permet de faire face ensemble à notre oppresseur commun.
Et je pense quand même que les réactions de ces forces n’ont pas atteint le niveau escompté face à la dimension d’un acte comme l’arrestation d’un candidat que le pouvoir cherche à soustraire d’une campagne en cours pour l’isoler des autres candidats et régler ses propres comptes avec lui.
-Que répondez-vous à ceux qui ont qualifié votre alliance avec IRA de « contre nature »?,
Les gens, qui ont tenu ces propos, les ont tenus soit motivés par la rivalité, soit tout simplement par stupidité politique, soit poussés par les deux en même temps. D’aucuns voient aujourd’hui à quel point la confiance entre les différentes composantes de notre tissu social faiblit et s’effrite au moment où notre transition démocratique trébuche, et ceci en l’absence d’un pouvoir qui dispose d’un minimum de volonté et de vision qui lui permet de traiter les grands dossiers avec le niveau de responsabilité et de sagesse requis.
Cette situation impose aux forces nationales ayant un rôle historique ou actuel de conjuguer leurs efforts pour soigner une plaie saignante, mais une plaie dont le traitement est possible pour ceux qui disposent de la volonté, du désir et de la sincérité nécessaires, et je pense que tel est justement le cas des deux côtés concernés par cette initiative: le parti Sawab avec ses racines idéologiques progressistes, son histoire militante et sa présence politique, et le mouvement national soutenant le candidat Birame Dah Abeid avec ses orientations militantes, sa résistance et ses sacrifices révolutionnaire de taille.
Il s’agit d’un accord politique national pour une Mauritanie en harmonie, en sécurité et en accord avec elle-même, une Mauritanie qui se partage la richesse, la justice et l’égalité et qui s’auto-garantit la sécurité et l’équité loin de toute tutelle. Je pense que la responsabilité de la réalisation de ces idéaux incombe aux partis, aux militants et aux forces nationales sérieuses qui ne doivent pas s’attendre à des solutions de la part des côtés officiels qui n’ont guerre apporté une solution équitable à une quelconque de nos principales causes.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source : Le Calame (Mauritanie)