C’est Diallo Mamadou Bathia, ministre de la Défense, assurant l’intérim de son collègue de la Justice, qui a expliqué les tenants et aboutissants de cette réforme devant la représentation nationale.
Dans ses arguments, le responsable gouvernemental a rappelé «les fondements de la législation pénale mauritanienne, tirée du préambule de la Constitution, qui fait de la charia islamique la source de la loi» et dont l’article 5 proclame «l’Islam religion d’Etat».
A la lecture du texte portant la réforme, on note que les individus reconnus coupables d’apostasie seront condamnés à la peine capitale nonobstant un repentir.
L’article 6 du Code pénal, alinéa 2, modifié, rappelle-t-on, énonce: «tout musulman coupable de crime d’apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de 3 jours. S’il ne se repend pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat et ses biens seront confisqués au profit du Trésor public.
S’il se repend avant l’exécution de cette sentence, le Parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au premier paragraphe du présent article».
Le ministre a ajouté: les dispositions de l’article 6 alinéa 2 «sont en contradiction avec la doctrine malékite qui est celle de l’Etat. Le projet de loi intervient pour corriger ce dysfonctionnement».
Cette modification des dispositions de l’article 306 du Code pénal mauritanien intervient dans un contexte particulier, à la suite de poursuites pour «apostasie» engagées contre un blogueur du nom de Mohamed Ould MKheitir, au mois de décembre 2013.
Celui-ci a été condamné à la peine capitale par une cour criminelle en 2014. A la faveur d’un recours de la défense, cette sentence a été annulée par la Cour suprême, prononçant une peine correctionnelle de 2 ans (entièrement purgée pendant la détention préventive) en novembre 2017.
Cependant, le blogueur n’a pas retrouvé la liberté en dépit de la décision de la haute juridiction. Les autorités affirment qu’il est désormais placé «en détention administrative». La défense conteste cette mesure, estimant qu’elle n’est pas prévue dans la législation pénale du pays.
Depuis 2013, les milieux proches de la mouvance islamiste organisent régulièrement des manifestations de rue pour exiger l’exécution de Mohamed Ould M’Kheitir.
Ce contexte renvoie à une législation adoptée sous la pression de la rue. Ce que regrette ce spécialiste du droit, rappelant un vieux principe suivant lequel «la foule est l’ennemie du juge». Le même analyste réfute les arguments du ministre, en faisant remarquer au passage que la Constitution mauritanienne se réfère à l’Islam, mais rarement au rite malékite.
Il regrette également le «mauvais» timing choisi pour l’adoption de la nouvelle loi, au moment où Nouakchott abrite les assises de la 62e session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), dont le thème central porte sur l’abolition de la peine de mort.
Toutefois, à la décharge des autorités de Nouakchott, on peut rappeler que la Mauritanie observe un moratoire sur l’exécution des décisions de justice demandant la peine capitale depuis le 5 décembre 1987.
Par notre correspondant à Nouakchott
Cheikh Sidya
Source : Le360 (Maroc)