Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, rappelant que l’esclavage « n’a pas sa place dans notre monde », a ainsi dénoncé ces violations flagrantes des droits de l’homme qui « peuvent constituer des crimes contre l’humanité ».
L’indignation internationale face à des pratiques inhumaines est autant légitime que bienvenue dès lors qu’elle porte les ONG et activistes anti-esclavagistes dans leur combat sur le long terme.
Un fléau ancien et très documenté en Libye
Est-ce un phénomène nouveau ? Non, l’esclavage a toujours existé en Libye, et ce bien avant l’intervention militaire multinationale en 2011 à laquelle la France a pris part et qui a conduit à la chute du régime de Mouammar Kadhafi puis à une guerre civile qui dure encore aujourd’hui.
Ces événements, à la source d’un grand vide sécuritaire dans le pays, ont cependant aggravé les conditions de vie des migrants noirs, qui sont le fruit de la prégnance de la négrophobie dans les pays arabes.
L’ONG Walk Free Foundation, spécialisée dans la lutte contre l’esclavage, y estimait en 2016 le nombre d’esclaves à 71 000 mais le chiffre pourrait être bien en-deçà de la réalité face au grand flux de migrants subsahariens passant par la Libye.
« Voilà des années que les témoignages abondent et des années que la situation empire sur les routes de l’exil. (…) La situation actuelle, notamment les ventes aux enchères, comme celle qu’a pu filmer CNN, est également connue et largement documentée. Ces dernières années, les ONG et les journalistes qui s’intéressent au sujet ont relayé des dizaines de témoignages sur ces horreurs », rappelle RFI.
« En avril dernier, quelques mois après l’ONU, c’est l’Organisation internationale pour les migrations elles-mêmes, l’OIM, qui publiait un rapport sur des « marchés publics aux esclaves » actifs dans toute la Libye. Mais à l’époque, comme les témoignages recueillis par la presse ou les travailleurs humanitaires les années précédentes, ce rapport n’avait pas fait beaucoup de vagues. »
Le cas emblématique de la Mauritanie
Surtout, l’esclavage est un phénomène global. Près de 46 millions de personnes en sont victimes selon Walk Free Foundation, qui compte aussi bien les cas de travail que de mariages forcés. Les deux tiers des victimes (62 %) vivent dans la région Asie-Pacifique, l’Inde prenant la tête de ce sordide classement avec 18 millions de personnes sur une population totale estimée à 1,3 milliards d’habitants.
L’Afrique, particulièrement dans les zones de conflit, n’est pas en reste. Prenons le cas emblématique de la Mauritanie, connue pour être l’un des Etats les plus esclavagistes au monde. Le Global Slavery Index a estimé en 2016 que 43 000 personnes (soit 1,06 % de la population) vivent dans des conditions d’esclavage moderne ou traditionnel en Mauritanie.
Les données restent cependant difficiles à obtenir. Le World FactBook de la CIA affiche de son côté le chiffre de 20 % de la population mauritanienne qui serait maintenue en esclavage, la plus importante proportion au monde par rapport à sa population (4,3 millions d’habitants).
Porter le combat sans attendre d’images
L’esclavage n’a été aboli qu’en 1981 tandis que la première loi réprimant l’esclavage n’a été votée qu’en 2007. Cependant, le fléau demeure répandu. Des militants sont actuellement en prison pour leur activisme contre l’esclavage.
Abdallahi Mattalah et Moussa Biram ont ainsi été condamné à trois ans de prison en 2016. « Nous sommes en train de payer le prix fort de notre lutte pacifique contre l’esclavage et la discrimination en Mauritanie », a fait part Moussa Biram dans une lettre ouverte paru au Monde le 13 novembre.
« Après 500 jours de détention, Abdallahi et moi restons plus que jamais engagés à réaliser notre rêve de vivre dans une Mauritanie sans esclavage, sans racisme ni discrimination. Une Mauritanie juste et équitable. Soutenez-nous dans ce combat ! » Cet appel se doit d’être écouté et relayé à travers le monde, sans avoir à attendre d’images illustrant des réalités déjà bien documentées.
Par Hanan Ben Rhouma