Saharamedias/Nouakchott
Dimanche 4 Mai 2014
Notre Mauritanie a choisi un système démocratique présidentiel que les politiques essaient, en permanence, d’améliorer pour rendre possible une alternance démocratique pacifique ratée depuis 1978.
Les raisons du choix de ce système seraient liées à l’âge du pays, à sa population réduite, au taux élevé des analphabètes et des séquelles des anciens systèmes traditionnels (Emirats, Royaumes et Empires) avec lesquels les populations ont été gérées avant la mise en place récente de l’Etat central.
A ce égard, le pays tente, depuis 1986, de promouvoir, sur un plan incliné, une démocratie que certains veulent réduire à une forme clonée de ce qui s’applique en Occident alors que d’autres plaident plutôt pour une démocratie adaptée aux réalités spécifiques et complexes de notre société (une démocratie à la Mauritanienne).
L’objectif de cet article n’est pas de faire un diagnostic ou proposer des solutions sur fond de l’histoire et du droit constitutionnel, et moins encore sur celui de la sociologie ou de la relation entre l’ethnographie, l’ethnologie et l’anthropologie.
Il s’agit tout simplement d’essayer d’identifier les vrais obstacles à l’alternance démocratique chez nous afin d’éviter qu’on continue à jeter la faute sur le manque d’ouverture du pouvoir sur l’opposition, l’absence de conditions techniques de transparence des élections, la fraude, l’argent, le nombre et la durée des mandats, l’absence de neutralité de l’administration, particulièrement l’institution militaire, etc.
En plus d’une tentative de caractérisation des électeurs sensés partagé, par leur vote, les candidats à la présidentielle du 21 juin prochain, l’article publié hier (30 Avril 2014) dans Cridem et intitulé « Elections présidentielle : les électeurs de demain ? », était destiné à faciliter la compréhension de ce que nous pensons être les principaux obstacles à une alternance démocratique, à savoir une constitution inadaptée, une culture démocratique insuffisante, voire absente et enfin, une approche inappropriée, adoptée notamment par l’élite censée convoité le poste de Président de la République.
La constitution :
La Mauritanie a besoin de dépasser l’étape où la constitution est rédigée par des juristes dont l’effort s’est presque souvent limité à collecter des modèles de constitutions d’un ensemble de pays, à les compiler et à en faire sortir un document, souvent incompatible avec les réalités.
Une constitution construite en concertation avec toutes les sensibilités et sur la base d’un diagnostic approfondi de la société dans sa diversité et ses contradictions, a toute les chances de répondre aux multiples objectifs d’un pays moderne. La construction -et non la rédaction- serait donc la meilleure voie de disposer d’un texte auquel adhèrent tous les mauritaniens et de garantir, à celui-ci, la stabilité requise dans le temps.
La culture démocratique :
Ce problème d’insuffisance ou d’absence d’une culture démocratique, résulte, en grande partie, de l’effet des séquelles de l’histoire politique et sociale sur le comportement des mauritaniens et est à l’origine de la crise manifeste de leadership et de l’inadéquation de l’approche suivie dans l’exercice de la démocratie. Ces méfaits de l’héritage historique sont clairement visibles et fortement ressentis dans notre vision des choses et notre manière de penser, d’agir et de réagir au stimulus extérieur.
Dans la pratique, les mauritaniens, du plus grand leader politique au simple citoyen lambda, voient l’Etat à travers ses composantes sociales et leur répartition spatiale, et considèrent ainsi toute compétition politique comme une guerre traditionnelle mettant en jeu l’honneur des acteurs et incitant, après toute défaite, à la revanche.
Le caractère local des enjeux des élections municipales et législatives, l’importance relative qu’on accorde aux présidentielles et la répartition des voix entre les candidats, témoignent combien les mentalités rétrogrades conditionnent encore le comportement de nos citoyens lors des suffrages.
Dans le camp de la majorité présidentielle, on œuvre inlassablement pour pérenniser le pouvoir en place, c‘est-à-dire défendre un honneur convoité par les autres et préserver, le plus longtemps possible, des intérêts propres. L’essentiel pour cette majorité a toujours été l’organisation formelle d’une élection avec un minimum de respect des lois et procédures en vigueur; l’arrivée d’une nouvelle personne à la suite d’un coup d’Etat ou la réélection d’une autre pour un énième mandat, c’est Kif Kif. Tout ça, c’est l’alternance.
A force de vouloir prendre sa revanche, on voit souvent notre opposition brûler les étapes en concentrant ses efforts sur l’accès au fauteuil présidentiel au lieu de viser comment rendre directement des services aux populations. Cette approche est responsable de la crise de leaderships qu’on ne cesse d’évoquer à chaque échéance électorale.
Pour beaucoup de mauritaniens, l’opposition devrait prioritairement travailler pour faire connaitre, par leur action et le résultat de leur gestion, une élite capable de gagner la magistrature suprême. Le meilleur terrain de leur préparation serait les organisations socioprofessionnelles et de droit de l’homme, le corps des avocats, les conseils municipaux et le parlement.
Ici, les ‘’projets de Présidents’’ devraient se distinguer par le combat et le sacrifice au profit de leurs organisations, leur mode de gestion dans les communes et puis la qualité de leurs contributions au niveau de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
Des programmes politiques, économiques, sociaux et culturels adéquats et un arsenal juridique issu de cette constitution et compatible avec sa forme et son esprit, seraient suffisants tant pour traiter et résoudre les détails de développement d’une société unie, solidaire et complémentaire que pour parvenir à une meilleure démocratisation générale de la vie du pays.
A qui il plait de jeter à l’armée la faute de l’échec (relatif) de notre expérience démocratique, ils doivent savoir que d’autres qualifient cette armée de ‘’soupape de sécurité’’. Pour ceux-ci, faute de voir les conditions réunies pour une vraie démocratie, dont notamment des hommes politique de poigne, les forces armées et de sécurité interviennent souvent pour débloquer une situation désespérée ou éviter le chao.
A propos, il semble aussi que depuis l’avènement de la lutte contre le terrorisme (2001), les militaires ayant accédé à la présidence dans leurs pays bénéficient, en contrepartie de l’efficience de leur contribution, du soutien de la communauté internationale.
Dans tous les cas, il est quand même temps pour Notre élite politique de se rendre compte que la présidence d’un parti politique, le diplôme, la grandeur de la famille et l’importance des fonctions administratives occupées, ne sont pas les plus déterminants dans le choix des électeurs.
Autrement, ils doivent épouser une stratégie qui leur permettra de disposer, dans le long terme, d’une génération d’élus et d’électeurs capables de garantir une véritable alternance démocratique.
Quant au court terme, il est malheureusement davantage constaté que les tares que nous trainons de notre propre histoire, font que le seul candidat valable pour le peuple, c’est encore l’Etat, c‘est-à-dire un candidat déjà au pouvoir ou cautionné par ceux qui disposent de cet Etat, par ailleurs distributeur de la richesse (Etat-providence).
Le fossé est alors trop grand encore entre le désir de réussir une alternance démocratique pacifique et l’existence de leaders politiques auxquels les mauritaniens en auraient confiance au point de leur léguer, à travers les suffrages, leur destin.
Bref, il est difficile de déloger, par les urnes, un président déjà en place et entouré par les forces déjà identifiées dans l’article précédent relatif aux ‘’électeurs de demain’’. Et est plus difficile encore pour des démocrates, ne serait-ce que moralement, de vouloir déloger un locataire d’un Palais présidentiel par une voie méprisable, non orthodoxe et contraire aux principes sacrés de la démocratie rêvée par tous.
Hélas, acceptons à l’opposition, comme à la majorité, que la solution réside surtout dans le ‘’PEUPLE’’. Ce peuple que Mohamed Ould Abdel Aziz continue de draguer depuis sa campagne électorale de 2009 en se déclarant ‘’Président des pauvres’’ et en promettant ‘’une Mauritanie nouvelle’’, construite à partir d’abord, d’une liberté extrême d’expression et une suppression des tabous et ensuite, des résultats de la lutte contre la gabegie et les prévaricateurs, d’un processus de changement de la classe politique, de la promotion des infrastructures de base et d’une distribution du fruit de la croissance économique qui privilégie les couches les plus démunies.
Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb