Le chef de l’Etat, Ahmed Ould Abdel Aziz, est rentré dans une spirale répressive, sa seule réponse face à une contestation grandissante. Ainsi le président Aziz a accusé sénateurs, syndicalistes et journalistes d’avoir perçu de l’argent de son propre cousin, l’ancien patron des patrons mauritanien réfugié au Maroc, Mohamed Bouamatou. A ce titre, ces paisibles citoyens sont désormais poursuivis par la justice.
Dernière trouvaille, le conseil des ministre mauritanien vient de créer un établissement public au nom imprononçable EGBGSCRAC (Etablissement de Gestion des biens gelés, saisis et confisqués et du recouvrement des avoirs criminels) dont le but n’est pas de traquer les milliards de dollars d’argent public qui se sont évaporés chez les proches du régime, mais de saisir les biens d’un adversaire politique, Bouamatou justement, qui emploie des milliers de mauritaniens dans un pays en proie à une crise économique sans précédent..
Résultat: la société civile mauritanienne est entrée en dissidence et les réseaux sociaux sont devenus une caisse de raisonnance des innombrables dons et actions humanitaires de l’homme d’affaires mécène devenu l’ennemi public numéro un.
Tout aussi grave pour la pérennité d’Ahmed Ould Abdel Aziz, les soutiens internationaux sont aujourd’hui plus que clairsemés, alors que la Mauritanie est brouillée avec son voisin marocain, critiquée par la diplomatie américaine pour refuser l’accès du pays à des militants américains anti esclavagistes, ignorée par la France et au plus mal avec le Qatar.
Comment faire confiance à un chef de l’Etat qui ne survit que par la duplicité, élu président des pauvres il y a neuf ans pour transformer aujourd’hui les écoles en commissariats et s’enrichir lui et son clan? Jusqu’à ce titre de général que le colonel Aziz s’est octroyé au mépris de toutes les rêgles de promotion dans la carrière militaire.
Contestation toute !
Reconnaissons le, le colonel Aziz avait montré un certain doigté dans la gestion de son opposition dans les années qui ont suivi son accession au pouvoir en 2008. Cette époque est clairement révolue.
A l’époque, le très charismatique leader anti esclavagiste, Biram, dont le président mauritanien avait habilement fait son principal opposant lors de l’élection présidentielle de 2014, est entré dans une opposition sans concession. Ce qui attise les braises de la révolte ethnique qui couve en Mauritanie entre les descendants d’esclaves et une partie de l’élite maure, un héritage dramatique qui mine la société mauritanienne.
Surtout, le ton se durcit au sein des partis d’opposition traditionnels, qui jusqu’à présent n’attaquaient guère le pouvoir sur le terrain de la dilpidation des ressources et des tricheries en matière des droits de douane. Ce qu’ils font maintenant, non sans courage.
Enfin les événements de cet été ont montré qu’au coeur même du pouvoir, une majorité de sénateurs, nommés avec la confiance du chef de l’Etat et traditionnellement conservateurs, s’est élevée courageusement contre les dérives d’un chef de l’Etat qui cherche à réformer la constitution à tort et à travers. Et cela pour mieux la piétiner demain, lorsqu’il s’agira d’imposer un troisième mandant, en 2019, proprement anti constitutionnel.
Cette défection des élites traditionnelles rappelle les derniers temps du régime de Ben Ali quand au sein même du RCD, le parti alors au pouvoir en Tunisie, les proches du Palais de Carthage ont commencé à critiquer la rapacité de Leila Trabelsi, l’épouse du chef de l’Etat devenue la Régente d’un régime en perdition. Les régimes ultra autoritaires ont besoin de quelques alliances au sein de la société pour se survivre. Il semble que le bon colonel Aziz soit un peu isolé par les temps qui courent.
Oasis… salafiste
Pour masquer ce bilan désastreux, le président Aziz a toujours fait valoir à l’extérieur que la Mauritanie reste un pays stable où, contrairement à ses voisins, aucun attentat n’a eu lieu depuis 2011. Mais à quel prix! Il est temps à Paris où beaucoup d’experts s’interrogent d’analyser les recettes mises en oeuvre par Nouakchott.
En matière sécuritaire, le régime mauritanien a conclu un véritable pacte non écrit avec le diable salafiste. Le président Azis laisse des imams rétrogrades, formés dans des écoles coraniques financées par l’argent du Golfe, distiller dans les mosquées leur vision réactiopnnaire de la société.
En échange, cette fraction religieuse radicale n’investit pas le champ politique. En 2013, ce sont ces imams inféodés au régime qui se sont élevé contre toute intervention des forces mauritaniennes dans l’opération militiare “Serval” menée par la France dans le Nord-Mali contre les djihadistes. Et Aziz n’a pu qu’obéir à l’oukaze de ces forces qu’il protège. Jusqu’au moment, programmé, où il sera leur obligé.
En revanche, la voie est ouverte désormais pour le pouvoir mauritanien d’une alliance étroite avec les Séoudiens. Quelques cinq cent soldats mauritaniens viennent de partir combattre au Yémen.
En échange de cette chair à canon, les Séoudiens se sont montré généreux en matière de prèts et d’aides. Ce qui a permis au général Aziz de gâter les forces armées mauritaniennes, son principal soutien, tant en matière de soldes que d’équipements. Du coup, le général se croit fort.
Sauf qu’au sein de son armée, le président mauritanien a soigné particulièrement sa garde présidentielle, le Basep, quelques centaines d’hommes qui ne doivent fidélité qu’au chef de l’Etat et qui ont mis les doigts et même le bras entier dans le pot de confiture.
Mais l’histoire de la Mauritanie est jonchée de coups d’état successifs. Il n’est pas sur que le bon président Aziz ai su satisfaire l’ensemble des revendications de la troupe qui au quotidien, subit elle aussi les effets de la crise économique. On a vu au Burkina avec l’ex président Blaise Campaoré les limites d’une telle garde prétorienne qui cristallise les frustrations, y compris au sein de l’armée régulière.
Une économie sinistrée
En matière de corruption, devenue avec Aziz un sport national, nos confrères du «Monde Afrique » ont révélé que la SEC, la puissante Bourse américaine, mettait en cause les relations des proches de la Présidence mauritanienne avec le groupe canadien Kinross, gestionnaire des mines d’or du pays. Cette procédure désormais publique entache la crédibilité du régime aux yeux de ses principaux partenaires occidentaux, à savoir les Américains.
L’enrichissement ne profite qu’à une infime minorité. Le rapport annuel 2015 du Fonds des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), avait révèlé que les trois quarts des mauritaniens vivent dans une extrême pauvreté. Selon la FAO, 71,3% des mauritaniens vivent avec moins de deux dollars par jour. 23,5% parmi ceux-ci vivent avec moins de 1,25 dollars par jour.
Une image dégradée
Quelle image un tel régime peut conserver sur le plan international? Ahmed Ould Abdel Aziz, que les Français à l’époque de Sarkozy et de Hollande, ont perçu comme un allié fidèle contre le djihadisme, apparait plus de plus enplus évanescent. Jamais la Mauritanie n’est intervenue aux cotés de la France au Mali; le maigre contingent envoyé en Centrafrique s’est fait discret, préjugeant mal de la participation de la Mauritanie au fameux G5, ce regroupement régional tout juste créé pour lutter contre le terrorisme.
La rengaine usée du “rempart ultime contre le terrorisme” avait été déjà celle des présidents égyptien et tunisien Moubarak et Ben Ali dont la crédibilité, sur le tard, fut totalement entamée, comme l’est d’ores et déjà celle d’un Aziz qui ne fait plus guère l’unanimité à Paris.
Le quarteron « des amis de la Mauritanie» qui tentent de redorer l’image de ce régime affaibli, n’est plus constitué constitué de l’ex star vieillissante de l’anti-terrorisme, Jean Louis Brugière, de deux ou trois élus en mal d’exotisme, d’un colonel Peer de Jong spécialiste de… l’Asie, et d’un obscur avocat devenu récemment “l’ambassadeur” privé du régime en France, Jemal M. Taleb, qui défendait jadis le clan de Leila Trabelsi et qui aujourd’hui fait de la retape pour le régime mauritanien dans “la lettre du Continent”où l a ses entrées et dans quelques loges maçonniques en perte de vitesse (1).
Du linge un peu usé pour défendre “Notre ami Aziz”….
(1) “Mondafrique” reviendra sur le parcours du représentant d’Aziz à Paris, Jemal M. Taleb, qui a su infiltrer quelques cercles du pouvoir français alors que Nicolas Sarkozy et François Hollande étaient encore au pouvoir.
Par Nicolas Beau
Source : Mondafrique