23-07-2017 – RMI-Info
La citoyenneté: ce terme est utilisé dans des contextes divers. On parle souvent de « bon citoyen », « une manifestation citoyenne », et « crise de citoyenneté », ce qui donne le caractère très flou de son explication.
Cependant, le terme de citoyenneté peut être défini comme des prérogatives et des obligations qui sont propres aux populations. Parmi ces prérogatives et obligations figure le droit de participation à la vie politique. En ce sens, un citoyen est donc « une entité de la population ayant des prérogatives et des responsabilités vis-à-vis de ses compatriotes ».
Autrement dit, être citoyen c’est jouir de ses droits et s’acquitter de ses devoirs envers son peuple. Un bon citoyen se définit par son caractère civique et son comportement vertueux vis-à-vis de ses semblables.
Ce civisme et ces vertus s’acquièrent par le biais de l’éducation. Il appartient donc à l’école de la république de jouer ce rôle. La citoyenneté implique une éducation basée sur des valeurs de la république telles que la civilité, qui se traduit par le respect à l’égard des autres citoyens, le civisme qui se caractérise par le respect des lois de la république et des règles de la société et aussi l’engagement du citoyen dans la vie quotidienne. Le civisme nécessite d’agir pour que l’intérêt collectif l’emporte sur l’intérêt personnel. Enfin vient la solidarité qui est un marqueur de la fraternité. Ces valeurs constituent le fondement de la citoyenneté. Les populations conçoivent la citoyenneté à travers ces valeurs.
Or, il apparaît que les jeunes mauritaniens ont une autre conception de la citoyenneté. Aujourd’hui, la conception de citoyenneté dans l’imaginaire populaire des jeunes mauritaniens est très réductrice. La citoyenneté en Mauritanie se résume à la possession des papiers administratifs. Cette conception erronée de la citoyenneté est devenue malheureusement monnaie courante en Mauritanie, et elle partagée par beaucoup de jeunes, ce qui explique en partie le déferlement de la jeunesse mauritanienne face à l’enrôlement biométrique mis en place par le gouvernement et qui a exacerbé la crise de la citoyenneté qui existait déjà.
Cette crise remonte aux années 86 jusqu’à 2005, date à laquelle commençait à émerger au sein du pays le profil de deux types de mauritaniens. Le premier qui avait toutes les sortes de privilèges de l’État : des privilèges par rapport à l’octroiement des bourses d’Etat, aux sélections dans les concours nationaux et aussi à un certain traitement sophistiqué par les administrateurs de l’Etat.
Pour rappel, je me souviens en 2004 lorsque je faisais l’examen de l’entrée en 6ème, concours national qui termine les études primaires pour la rentrée en cycle secondaire, il y avait un fils d’un commandant militaire dont je tairais le nom qui avait passé les épreuves dans de meilleures conditions que les nôtres. Le second qui retroussait ses manches pour réussir les examens et gagner sa vie dans la dignité. Cette situation a conduit certains jeunes de la nouvelle génération à se considérer comme des « citoyens de second zone » c’est-à-dire des mauritaniens non considérés par l’Etat. Chemin faisant, quelques années plus tard, ces derniers commencent à adopter des postures révoltantes et des discours victimaires envers des hommes politiques qu’ils accusent d’être responsables de leur sort.
A cette période, on commence à observer chez ces jeunes une certaine allergie face aux discours politiques une méfiance voire un sentiment apathique à la vie politique et aux hommes qui les animent. Ce sentiment d’hostilité à l’égard du politique continue de se propager dans le pays, ce qui explique aujourd’hui le faible niveau de politisation des jeunes mauritaniens. On entend par «politisation» l’intérêt et l’attention accordés au fonctionnement du champ politique. En Mauritanie, on peut observer chez ces jeunes un désintérêt total et une inattention à la politique. Un désintérêt et une inattention qui se traduisent par une indifférence totale aux événements politiques actuels. En l’occurrence, au referendum envisagé par le gouvernement mauritanien.
De plus, avant ce projet de referendum, beaucoup d’évènements politiques ont marqué la scène politique nationale, notamment le dialogue national initié en septembre 2016 par le gouvernement. Ce dialogue nonobstant son rejet par les partis politiques qui aujourd’hui forment l’opposition a pu se tenir. C’était l’occasion pour les jeunes de formuler leurs revendications et d’exposer leurs doléances au gouvernement, puisque ce dernier avait dit qu’il était ouvert aux discussions sur toutes questions en trait avec le vivre ensemble des mauritaniens. Malgré tout, cette jeunesse n’a pas été au rendez-vous. Pourtant, leur présence pourrait désamorcer la bombe de la crise par le biais des discussions entre les jeunes et les décideurs politiques. Mais la jeunesse s’est engouffré dans sa caverne et a laissé s’agrandir un sentiment d’apathie politique florissante.
Cette apathie politique est liée à une hostilité croissante vis-à-vis du système politique et à un manque de politisation chez ces derniers. Aujourd’hui, le nombre de jeunes qui connaissent les noms de leurs ministres ou députés se compte sur le bout des doigts. La méconnaissance des noms des hommes politiques qui forment le gouvernement actuel est un indicateur du niveau de politisation de jeunes mauritaniens.
Face à cette crise de citoyenneté et de sentiment d’apathie politique florissante qui gangrène le pays, le mieux serait de réapprendre la jeunesse, la citoyenneté et la responsabilité qui y est attachée. C’est le rôle qu’a essayé de jouer le mouvement du 16 Avril. Ce mouvement composé de jeunes issus de divers milieux, de la société civile, d’artistes, d’étudiants et de diplômés chômeurs a fait un travail remarquable sur le terrain. Il est parvenu à réunir la majeure partie des jeunes mauritaniens autours de l’essentiel : des questions de société, telles que le chômage, la santé, l’éducation, l’emploi etc. La survie de ce mouvement donnera naissance à une jeunesse mauritanienne avertie et consciente de son devenir.
Wane Cheikh Oumar dit Almamy Wane
Chercheur en Santé Publique à Paris Sud