Le gouvernement français est sur le collimateur des défenseurs des droits de l’homme mauritaniens, en l’occurrence, le mouvement IRA et ses avocats belges.
Ils accusent Paris d’ignorer les nombreuses plaintes portées contre certains fonctionnaires mauritaniens accusés d’exécutions extrajudiciaires dans les années 90 et d’actes de tortures.
Ces derniers continueraient ainsi à se rendre en France en mission, pour des villégiatures ou des soins, sans inquiétudes. C’était lors d’une conférence de presse animée le jeudi 22 juin dernier au Parlement européen à Bruxelles.
Nouakchott serait certainement en mauvais termes avec l’ancien et puissant président de la Commission européenne, Louis Michel, pour que ce dernier charge avec autant de hargne la Mauritanie, «accusée de toujours entretenir l’esclavage», pointant du doigt non seulement l’Etat mauritanien mais aussi la résignation des victimes.
On se rappelle des attaques virulentes que la presse mauritanienne (voir le blog de X Ould Y : http://x-ould-y.blogspot.be/2006/12/louis-michel-est-un-corrompu.html) avait décoché contre Louis Michel, l’accusant de corrompu, lors de sa visite à Nouakchott le 27 octobre 2006 en tant que membre de la Commission européenne sous José Manuel Barroso. A la suite de ses déclarations lénifiantes envers le CMJD, Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Alliance populaire progressiste (APP) et farouche opposant, avait répliqué : «si les observateurs européens sont de la même trempe que Louis Michel, alors il n’y a rien à espérer d’eux».
Ainsi, le 22 juin 2017, lors de la conférence de presse animée au Parlement européen par les avocats Me Georges Henri Beautier et Me William Bourdon, en compagnie de Birame Dah Abeid, président du mouvement IRA, Louis Michel s’est-il rebiffé quand l’Union européenne fut accusée de soutenir «une faction de l’extrême droite mauritanienne, esclavagiste, qui domine les franges défavorisées » ou lorsque le contribuable européen est invité à être plus vigilant car son argent servirait à «engraisser et solidifier un système politique dépositaire d’idées suprématistes et antidémocratiques en Mauritanie». Il a répliqué sèchement «l’Union européenne finance des projets et des programmes de développement en Mauritanie mais ne soutient pas financièrement ni ne donne de l’argent directement à l’Etat mauritanien».
Nonobstant cette offensive institutionnelle enclenchée contre le gouvernement mauritanien, par une approche financière et économique tendant à lui couper les cordons de la bourse européenne, et celle lancée contre la France pour son laxisme, Birame Dah Abeid et les deux avocats de la Fondation pour l’Egalité des Chances en Afrique, Me Beautier et Me Bourdon, ont également contre-attaqué en déposant une énième plainte contre des fonctionnaires mauritaniens auprès du Parquet de Paris.
Ils comptent ainsi sur les dispositions de la loi sur la compétence universelle pour épingler des «tortionnaires » mauritaniens nommément cités dans une plainte que les avocats ont reçu des victimes. Il s’agit principalement des 13 détenus d’IRA qui avaient été arrêtés lors de l’affaire dite «Affaire Gazra Bouamatou». Cinq de ses ex-prisonniers sont d’ailleurs à Bruxelles pour rencontrer la société civile, les élus et journalistes en Europe, notamment en France, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Italie et en Espagne.
Cette nouvelle plainte en France viendrait ainsi s’ajouter, selon les avocats, à celles déjà déposées auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et auprès des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, notamment le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants.
Pour l’instant, Nouakchott accuse le coup. Selon plusieurs observateurs, la Mauritanie pourrait bénéficier encore de la «compréhension» de son allié français, notamment sous le mandat commençant du nouveau président de la République Emmanuel Macron. En effet, l’axe Nouakchott-Paris semble s’ouvrir sur un nouveau type de rapport plus pragmatique, basé sur les intérêts de Paris notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme au Sahel et les prospections de la société Total.
Contrairement aux gouvernements précédents qui se sont succédé à l’Elysée, les problèmes sociaux internes à la Mauritanie pourraient bien passer en second plan. La preuve, l’accusation portée par IRA contre le consul de France à Nouakchott. Ce dernier est accusé d’avoir entravé le voyage de cinq militants d’IRA, victimes de tortures, qui devaient se rendre à Bruxelles pour témoigner devant le Parlement européen. Ce qui les a obligés à se rendre à Dakar.
Cheikh Aïdara
Depuis Bruxelles