Condamnations à la flagellation ou à la lapidation : de la schizophrénie de notre justice ou l’histoire d’un scandale et d’une honte judiciaires…
Les condamnations à la flagellation ne sont pas choses nouvelles chez nous. Mais ce que vous ne savez pas et ce dont tout le monde apparemment s’en fout, c’est qu’être condamné à être flagellé, en plus d’une peine de prison, signifie que vous resterez en prison même après avoir purgé votre peine d’emprisonnement. Si une femme ou un homme a été condamné(e), par exemple, à 3 ans de prison assortis d’une peine de flagellation, elle ou il ne pourra être libéré(e) à la fin des 3 ans au motif que sa peine n’a pas été totalement accomplie vu qu’elle ou il n’a pas été flagellé(e)! Et comme nous ne flagellons plus (mais que nous condamnons quand même à être fouetté…) la ou le condamné, sauf en cas de grâce présidentielle, ne sortira jamais… Bref…
Nous sommes bel et bien en train de nous mordre la queue, coincés entre les conventions que nous avons signées , conventions contre la torture et les traitements inhumains, entre notre propre protocole de lutte contre la torture et notre « religiosité » qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, toute confite en hypocrisie qu’elle est….
Dans ce grand écart permanent entre nos peurs, nos réalités, nos signatures, nos pragmatismes, nos aveuglements la place est laissée à l’hypocrisie et à l’absurde.
Car il s’agit bien d’absurdités…
Comment un juge peut-il condamner à quelques années de prison assorties d’une peine «physique» en sachant que la ou le condamné se trouve pris au piège?
Comment ne pas qualifier d’absurdes ces sentences?
Comment ne pas qualifier d’absurdes ces tribunaux qui condamnent à perpétuité, en toute conscience pour des motifs somme toute peu importants au regard de toutes les violences qui secouent nos sociétés ?
Comment ne pas s’indigner devant ce spectacle peu glorieux d’une justice qui en a perdu tout sens de la mesure et tout sens commun?
Et, surtout, comment ne pas s’indigner du grand silence de la société, elle pourtant si prompt à s’enflammer pour des célébrités mais devenue sourde et muette quand il s’agit des « petits », des sans nom, des sans pouvoir?
Car ces lois c’est nous. Elles émanent de nos hypocrisies. Elles émanent de nos silences.
Nous avons accepté le ridicule. Et à force d’acceptation nous avons fini par faire de ce ridicule une permanence.
J’entends peu de voix s’élever pour dénoncer cette schizophrénie. Peu. Tellement peu.
L’univers carcéral est si loin de nos préoccupations… L’univers de la Justice aussi.
Pourtant, dans nos prisons croupissent des femmes et des hommes qui devraient être libérés vu qu’ils ont purgé leurs peines d’emprisonnement. Et ils vont y croupir longtemps, suspendus à une éventuelle grâce… Ils vont y croupir dans l’indifférence générale. Ils attendent l’absurde : une peine de traitements inhumains (lapidation ou flagellation) qui ne viendra pas. Mais qui bloque toute libération…
Et le cercle se referme sur le bon sens et la ou le condamné…
Alors si nous trouvons normal qu’une personne condamnée pour adultère ou pour consommation d’alcool ou pour tout autre délit « méritants » (comme si fouetter ou lapider étaient des «mérites» moraux ) des châtiments cruels passe sa vie en prison au motif que sa peine consistant à être fouetté ou lapidé bénéficie d’une moratoire qui ne dit pas son nom, c’est que nous avons dépassé toute échelle de valeurs morales.
Je pense à KK condamnée à une peine de prison assortie de coups de fouets et qui est morte en prison car jamais libérée du fait que même si sa peine de privation de liberté était terminée, elle n’avait pas « purgé » toute la peine, à savoir subir la flagellation…cette flagellation non appliquée mais qui signifie perpet….
KK est morte en prison, condamnée à perpétuité par cette schizophrénie de la Justice…et sans bénéficier d’une grâce présidentielle… Elle est morte en prison…morte de la double peine absurde. Elle est morte alors qu’elle aurait dû pouvoir sortir au terme des années de privation de liberté auxquelles le juge l’avait condamnée…
Elle n’a pas dû comprendre, lors du verdict, qu’elle mourrait en prison… Ses proches non plus.
Elle n’a pas dû comprendre la perversité de la condamnation.
Le juge, lui, oui. Mais cela ne l’a pas empêché de prononcer, l’air de ne pas y toucher, une peine à perpétuité qui ne disait pas son nom….
KK est morte. Aucun journaliste n’a parlé d’elle. Aucune célébrité n’en a fait un combat. La vie a continué. L’injustice reste une injustice.
Scandaleux, mortifère, indigne….
Mariem mint DERWICH
Source: Le Calame