Suspendue par deux fois – à la suite des coups d’État de 2005 et de 2008, entrecoupés d’une brève parenthèse démocratique –, elle a été ressuscitée en 2009, après l’accord de Dakar.
Elle a connu deux révisions. En 2006, la règle – non modifiable – d’un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une fois et assorti d’un serment, est consacrée.
En 2012, après le Printemps arabe, à l’issue du dialogue entre la majorité et quelques partis d’opposition (l’Alliance populaire progressiste de Messaoud Ould Boulkheir, El-Wiam, Sawab…), sont posées plusieurs bases de la coexistence ethnique, sociale et politique : diversité culturelle, répression de l’esclavage, accès des femmes aux mandats électifs, droit à l’environnement et interdiction des coups d’État.
Le « dialogue national inclusif » d’octobre 2016 annonce de nouvelles modifications. Le projet de révision interpelle d’abord par son contexte. Le « dialogue » n’a pas pleinement mérité son nom : une frange importante de l’opposition (dont le Front national pour la démocratie et l’unité et le Rassemblement des forces démocratiques d’Ahmed Ould Daddah) n’y a pas pris part, faute d’accord avec le pouvoir sur ses conditions.
Celle-ci en rejette les conclusions et s’oppose à toute révision « unilatérale » de la loi fondamentale. Cette absence entame la légitimité des discussions, mais n’annihile pas le pouvoir constituant, puisqu’une révision de la Constitution est juridiquement possible tant qu’elle épargne les matières « intangibles » (le régime des mandats présidentiels, notamment) de son article 99, justement consacré à la révision.
Le choix de la procédure a cependant suscité un débat, certains juristes considérant qu’un vote des deux chambres doit précéder le référendum ou la convocation du Parlement en congrès (art. 99), d’autres estimant un référendum direct « également » possible (art. 38).
En l’espèce, l’article 99 est bien plus approprié, mais, en raison de son inspiration française et algérienne ainsi que de ses propres caractéristiques (art. 40), la Constitution « n’exclut pas » l’article 38, surtout si le Sénat est en cause.
Le gouvernement a, semble-t-il, opté pour un référendum (art. 99). Gageons qu’avec la suppression du Sénat, la controverse n’aura plus lieu d’être.
Le monocamérisme simplifie la procédure législative, avec à la clé des économies de budget et de temps.
Le projet de révision prévoit en effet la suppression du Sénat, renouant avec le système monocaméral des Constitutions de 1959 et de 1961. Les prérogatives du Parlement ne sont pas en cause. Le monocamérisme simplifie la procédure législative, avec à la clé des économies de budget et de temps. En Mauritanie, il se justifie par la similitude de comportement et de vote des deux chambres.
En outre, la diminution du nombre de parlementaires – 201 pour 3 millions de citoyens ! – permettra d’introduire plus de proportionnelle à l’Assemblée, dont le président assurera l’intérim du chef de l’État et où seront désormais représentés les Mauritaniens de l’étranger.
Si elle supprime le Sénat, la réforme prévoit la création de conseils régionaux. Proches du citoyen, avec un corps social et ethnique plus diversifié que les communes créées en 1986, les régions renforceront la décentralisation et le développement local, à condition que l’État leur en accorde les compétences et les moyens.
La compétence du Conseil constitutionnel sera étendue au contrôle des lois par voie d’exception, et le nouveau mode de désignation de ses membres fera opportunément une petite place à l’opposition démocratique.
Le Haut Conseil islamique, la Haute Cour de justice et le Conseil économique et social seront touchés par un remue-ménage dont l’ampleur est pour l’heure inconnue. Le drapeau et l’hymne national prendront une forme plus « patriotique » – une mesure symbolique qui reste très controversée. Hélas, les rapports entre président et gouvernement ne seront pas réajustés.
En dépit de multiples amendements et des appels à l’avènement d’une IIIe République aux contours imprécis, les grandes lignes du système constitutionnel ont tenu. Le dialogue de 2016, mais aussi le débat informel concomitant, a révélé l’attachement des Mauritaniens à leur Constitution.
Ahmed Salem Ould Bouboutt