Des secrets de la Françafrique au cœur d’enquêtes très contrariées. Les jeux troubles de la France en Côte d’Ivoire émergent de plusieurs dossiers judiciaires.
Convoquer pour interrogatoire Gérard Longuet, ancien ministre de la Défense, et la Général Jean Pierre Palasset, numéro 2 de la DGSE et ex-patron du dispositif militaire français Licorne en Côte d’Ivoire : voilà la demande formulée récemment par l’avocat de l’artiste franco-ivoirien Sidiki Bakaba. Lequel se trouve au cœur d’une sombre affaire politico-diplomatique impliquant Paris et Abidjan.
Ancien haut responsable de la culture en Côte d’Ivoire sous la présidence de Laurent Gbagbo, aujourd’hui citoyen français, ce cinéaste a été convoqué en juillet par une juge parisienne pour répondre d’accusations telles que menaces de mort ou meurtre, des actes qui auraient été perpétrés il y a plus de cinq ans contre des partisans de l’actuel président Ouattara.
Il les conteste énergiquement, soulignant qu’il a été grièvement blessé par les hommes du régime.
En Côte d’Ivoire, Bakaba est inculpé depuis 2012 de…vol, viol, assassinat, tribalisme, xénophobie, pillage, et génocide !
« La procédure, qui, faute de preuves, menaçait de péricliter, vient d’être subitement réactivée », souligne son avocat, pour des raisons politiques. L’histoire met en évidence l’intense activité judiciaire que suscitent, depuis des années, les affaires franço-ivoiriennes, ainsi que l’opacité de ces dernières.
En effet, le pouvoir en place ayant été installé en 2011 (au terme d’élections houleuses » avec l’aide musclée de l’armée française, certains dossiers restent confidentiels. Ce qui ne favorise guère la recherche de la vérité, comme le montrent d’autres affaires…
L’encombrant ami des djihadistes
L’attentat islamiste perpétré sur la plage de Grand Bassam, le 13 mars, a causé la mort de 19 personnes, dont 4 français. L’enquête se heurte au mutisme des services de renseignements tricolores.
L’un des protégés de nos barbouzes dans la région, le mauritanien Moustapha Chafi, entretenait aussi d’excellents rapports avec l’algérien Moktar Belmokhtar, qui a revendiqué la tuerie.
Il est aujourd’hui placé sous la protection du régime ivoirien.
BIEN MAL ACQUIS SELECTIFS
Dominique Folloroux, l’épouse française du président Ouattara, fut jadis la conseillère de Félix Houphouët Boigny, qui lui confia en son temps, la gestion de son immense fortune immobilière. Or « le père de la Nation » ne distinguait pas toujours sa cassette personnelle de celle de l’Etat.
Les magistrats français qui ont enquêté sur les investissements dans l’hexagone de diverses présidences africaines, n’ont heureusement, pas importuné cette compatriote.
LES MYSTERES DE BOUAKE
En 2004, neuf soldats français perdent la vie à Bouaké, quand la ville, proche de la zone tenue par les rebelles du Nord, est bombardée par des avions de Gbagbo.
Les pilotes biélorusses, aux commandes lors du pilonnage sont arrêtés par des ivoiriens…, puis relâchés, car la France « oublie » de les réclamer. La justice exige, en vain, certaines informations classifiées figurant dans les archives de la Défense et de la DGSE.
DELIT DE PATRONYME
Citoyen français, Michel Gbagbo, fils de l’ex-président, a été emprisonné et torturé sans raison durant deux ans, après la chute de son ex-président de père. Une enquête française a conduit, en 2015, à l’émission d’un mandat d’amener au nom de Guillaume Soro, ancien chef des rebelles, devenu président de l’assemblée nationale.
Celui-ci, en visite à Paris le 7 décembre 2015, refuse son interpellation en invoquant l’immunité diplomatique, sa visite étant « liée à la COP21 ». Un gros mensonge, cautionné par les autorités françaises et le Quai d’Orsay.
DES MORTS SANS IMPORTANCE ?
Le 31 mars 2011, Philipe Rémond, enseignant français, est tué dans un hôtel de Yamoussoukro tombé aux mains des partisans de Ouattara. Il avait dénoncé avec virulence le rôle de la France en Côte d’Ivoire.
La version officielle – « tué d’une balle perdue » – n’a pas été remise en question par une enquête judiciaire. Même apathie après la mort, le 4 avril 2011, de deux hommes d’affaires, Yves Lambelin et Stéphane Frantz di Rippel, menacés, eux, par les hommes de Gbagbo.
De profundis ?
Jean François Julliard
Source : Ivoirebusiness (Côte d’Ivoire)