La décision de la Cour suprême de casser le jugement rendu par les deux premiers ordres de juridiction concernant l’affaire Biram a été accueillie comme une véritable bouffée d’oxygène par l’ensemble des militants des droits de l’homme.
Si certains y voient un moyen de sauver les meubles d’autres parlent d’un véritable revers pour le pouvoir de Ould Abdel Aziz.
Pour certains juristes, même si la Cour suprême est juge de droit, il n’en demeure pas moins qu’elle puisse requalifier les faits. Dans la présente affaire telle a été le cas. En tout état de cause beaucoup parle d’une véritable victoire des droits de l’homme.
Petite notion sur les droits de l’homme
Si les droits de l’homme sont des valeurs universelles et garanties juridiques qui protègent les individus et groupes contre des actes et omissions commis principalement par des agents de l’Etat, la Mauritanie ne semble pas en faire une priorité malgré les mesures « cosmétiques » destinées à tromper la vigilance de la Communauté internationale.
En ce sens, les obligations de l’Etat s’articulent autour du respect, de la protection et de la réalisation des droits de l’homme. Le respect des droits de l’homme suppose essentiellement qu’il ne soit pas porté atteinte à l’exercice de ces droits. La protection est axée sur l’adoption de mesures positives visant à faire en sorte qu’autrui ne porte pas atteinte à l’exercice des droits. La réalisation des droits de l’homme exige des Etats qu’ils adoptent des mesures appropriées notamment des mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou éducatif pour s’acquitter de leurs obligations juridiques.
Une mauvaise qualification des faits
Selon Maitre Brahim Ould Ebetty et M Lo Gourmo la Cour Suprême a annulé la décision, au motif que le tribunal de Rosso et la Cour d’appel d’Aleg, se sont fondés sur une mauvaise qualification des faits, qui permettent l’emprisonnement de deux ans. « La Cour Suprême retient que la qualification ne peut être faite, que sur la base d’une disposition du code pénal, qui ne permet qu’une détention d’une période d’un an.
De ce chef, la Cour Suprême annule la décision. Mais dès lors que les détenus ont déjà fait plus d’un an, la Cour Suprême a ordonné leur libération immédiatement. Elle ordonne au procureur général de les remettre en liberté. Ce qui veut dire quoi ? Nous sommes aujourd’hui devant une situation assez intéressante. La Cour Suprême dénonce les décisions rendues par le tribunal deRosso et par la Cour d’appel d’Aleg. J’ai toujours dit d’ailleurs que cette cour d’appel est une juridiction créée pour la circonstance, pour exécuter les ordres ».
Ils considèrent que la, la Cour Suprême s’est ressaisie. « Espérons qu’elle continuera à le faire, pour qu’en Mauritanie il n’y ait pas de délit d’opinion. Biramet Brahim sont des détenus d’opinion. Ils ont tout simplement décrié un phénomène banni de par le monde et qui continue à exister encore en Mauritanie qu’est l’esclavage. Il avait organisé une caravane le long de la vallée, pour dénoncer l’esclavage dans le domaine foncier. Et voila, ils ont été arrêtés parce que les autorités ne voulaient pas d’eux. Aujourd’hui, la Mauritanie à travers la Cour Suprême, s’est ressaisie pour mettre fin à la détention de détenus d’opinion ».
La prédominance de l’exécutif sur les deux autres pouvoirs compromet sérieusement le principe de la séparation des pouvoirs qui est central dans toute démocratie.
Le lion n’a pas arrêté de rugir
A peine a-t-il respiré l’air libre que Biram Dah Abeid, a promis de poursuivre sa lutte avec la plus grande détermination et de débarrasser la Mauritanie du régime de Ould Abdel Aziz. Accueilli par une foule immense, Biram a loué les nombreux efforts des militants qui n’ont pas baissé les bras durant toute la durée de leur détention. « Brahim et moi, nous sommes fiers de sortir de prison. Malgré nos conditions de détention difficile, nous n’avons pas cédé à l’appel de l’obéissance», dit-il en substance.
Pour sa part, Balla Touré estime que : « La décision de la cour prouve que nous avons eu le droit d’organiser une marche contre l’esclavage foncier. Nous allons continuer le combat contre les expropriations des terres et contre toutes les formes de discrimination ». Concernant le rapport Alston décrié par les autorités mauritaniennes, Biram estime qu’il a d’ailleurs été tendre car la réalité est encore plus dure. Les conditions de vie des noirs en Mauritanie sont d’une extrême difficulté alors que le pays ratifie des conventions à tout va.
Aujourd’hui, tout le monde l’admet la situation des droits de l’homme est loin d’être reluisante et les autorités mauritaniennes multiplient les mesures qui sont aux antipodes de leur promotion et de leur protection. On doit cependant se réjouir de la détermination des militants des droits de l’homme de ne pas laisser l’Etat seul sur le ring.
Byou
Source : L’Eveil Hebdo (Mauritanie)