La décision que vient de prendre le président de l’APP par rapport au projet de dialogue entre le pouvoir et l’opposition pourrait constituer un tournant grave dans l’histoire politique du pays. Le couperet est tombé : Messaoud Ould Boulkheir, ira à ce dialogue… que cela ne convienne pas à ses camarades de l’opposition ou à la majorité écrasante des leaders de son parti… !
Nous ne voulons pas discuter du choix de l’homme, qui a certes pris de l’âge aujourd’hui. Nous n’irons pas accompagner certains analystes quand ils soutiennent que l’homme, désormais habitué aux fastes, est dominé par un pragmatisme aveugle.
Nous croyons-nous, de notre devoir de partager avec le lecteur des réflexions, certes subjectives, mais qui reflètent le désarroi de la plupart de ceux qui ont eu à accompagner le combat de Messaoud.
Sans oser prononcer le mot « trahison », la plupart de nos compatriotes, toutes
tendances confondues, sont atteints d’une myopie visiblement incurable de voirMessaoud capituler, mains et pieds liés, face au pouvoir de Ould Abdel Aziz, et face aux militaires geôliers de la grande cause de la démocratie en Mauritanie.
La décision de Messaoud de s’asseoir autour d’une même table avec le pouvoir actuel est semblable à la présence d’une perle de diamant qui se retrouve dans une motte de sel. C’est Obama à la table de Yaya Diamé de Gambie. C’est le chacal qui fume le calumet de la honte au coin du feu du singe. C’est le Chat affamé qui discute avec une souris dodue ! Le contraste est assez effarant.
Quelque part, nous nourrissons le regret de voir l’homme liquider sa cause dans un moment d’inattention fatale. Quelque part, nous flairons une trahison pas nécessairement réfléchie, mais très lourde de conséquences.
Cette maudite « démission » et la neutralisation de la frustration légitime de ceux dont Messaoud était le porte-voix semblent avoir été longtemps préparées. L’acte« I » a commencé il y a quelques années, jsue après le départ de Ould Taya, quand les intrus, infiltrant la mouvance émancipationniste, ont mis main basse sur le directoire de Messaoud.
Ensuite, ce courant s’est vite vu noyauté par un autre plus nocif et mieux armé pour liquider la cause de l’opposition. Messaoud sera mis en cage par les Nasséristes qui le sépareront d’abord de ses compagnons négro-africains et ceux d’El Hor, avant de faire subir plus tard à son discours politique des séances accélérées de toilettage.
Le reste n’était qu’une question de temps et d’opportunité. L’occasion s’est présentée entre les deux-tours de l’élection présidentielle : Messaoud, leader incontestable des masses oubliées, marginalisées et opprimées, lèvera sans tourner le regard derrière lui, le drapeau de la soumission.
Avec cette capitulation, c’est un nouveau chapitre sombre de la page du combat des opprimés qui s’était ouvert. « Ils nous volent notre symbole, comme ils nous ont volé notre démocratie. Ils nous arrachent notre rêve, comme ils ont spolié la volonté de notre peuple à les vomir et à rejeter leurs méthodes, leurs symboles et toutes leurs incarnations…
Ils recrutent le plus prestigieux de nos combattants pour nous combattre. Ils embrigadent le leader pour que plus jamais il ne serve à l’opposition ! » Tels étaient les cris de détresse qui fusaient dans les rangs des militants depuis l’annonce de la nouvelle d’adhésion de Messaoud au Système en 2007.
Aujourd’hui, les formations de l’opposition ne demandent pas la « lune ». Ce qu’ils veulent de lui, est son adhésion à leur cause qui consiste à les accompagner dans leurs légitimes revendications de cueillir du pouvoir, des engagements écrits qu’il respectera les décisions prises lors du dialogue ! L’homme n’est pas à mesure d’accompagner ses camarades, parce que ses « partenaires » rejettent les attentes de l’opposition.
Avec cette nouvelle « capitulation » qui va l’amener à quitter ses amis de l’opposition pour se jeter dans les bras du régime actuel, Messaoud conservera, sans nul doute, ses fonctions de président du conseil économique et social. Avec tout ce que cela suppose comme avantages…. Il fera partie des « hommes qui comptent auprès du Système », mais le symbole, en lui, va définitivement mourir.
L’homme descendra désormais au même niveau que les autres. Ceux qui s’étaient vendus dès les premières heures du cri étouffé de l’émancipation. En d’autres termes, il remet la fleur arrachée de sa dignité et les cris de sa révolte trahie, à ceux qui l’ont roulé dans la farine et froissé pendant près de trente ans !
Que Messaoud se détrompe. Les idées fondatrices de sa cause et de sa vision pour une Mauritanie progressiste, moderne et égalitaire ne pourront jamais faire bon ménage avec les habitudes trop ancrées des obscurantistes devenus ses alliés par la magie d’on ne sait quelle tactique.
L’homme était peut-être trop dangereux dans sa fougue militante et dans sa révolte consciente et déterminée pour qu’il soit laissé évoluer dans le camp naturel qui était le sien : celui de l’opposition, celui du changement.
Les termes de l’accord liant désormais Messaoud et Ould Abdel Aziz nous importent très peu, car nous sommes sûrs qu’ils ne seront pas respectés, au mieux des cas, qu’ils seront respectés ponctuellement. Non pas par mauvaise intention, mais par sclérose et roublardise du système toujours en place. Nous pensons toutefois que l’homme pouvait attendre évoluer les choses pour s’exprimer. Malheureusement, c’est désormais, trop tard…
De nombreux observateurs soutiennent que la perte de Messaoud est pareille à la mort du Che Guevara en Bolivie à la fin des années 60. La mémoire du messie des révoltés reste encore vive. Sera-t-il de même pour celle de Messaoud dans cinquante ans ? Nous l’aurions bien voulu. Lui, a choisi le camp des autres. Là-bas, les symboles meurent en silence, dans l’oubli, l’humiliation et l’anonymat. Comme les oiseaux qui se cachent pour mourir !
Amar Ould Béja