Seconde sortie de Salah Ould Hanana dans Al Jazeera : « En Mauritanie on entre dans l’armée pour prendre le pouvoir »

Seconde sortie de Salah Ould Hanana dans Al Jazeera : « En Mauritanie on entre dans l’armée pour prendre le pouvoir » Cette deuxième émission commence par la présidence de Mohamed Khouna Ould Haïdalla en 1980, une époque qu’il a décrite comme la plus sanglante de l’histoire politique en Mauritanie. Une époque caractérisée par des emprisonnements massifs, des tortures et le règne de la terreur qui n’épargna, selon Salah Ould Hanana, ni les Nassérites dont il était membre, ni les Baathistes. 

Salah déclare qu’à l’époque il était sur la liste des recherchés, ce qui ne l’empêcha pas en 1984 de passer le concours d’entrée aux écoles d’officier, cinq mois avant le fameux 12-12 qui marqua la chute de Haïdalla et l’arrivée au pouvoir de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya.

Pour Saleh Ould Hanana, Haïdalla était pourtant un homme pieux, avec à son actif, l’application de la Chari’a et son refus de tout lien avec le FMI et la Banque mondiale. Drôle de piété, dira le journaliste, qui lui fera remarquer qu’on ne peut pas être pieux en commettant des atrocités et qu’avant d’appliquer la Chari’a, il aurait mieux fait de sauver le peuple de la pauvreté et de la misère. 

Expliquant le coup d’Etat, Salah a évoqué des raisons intérieures et extérieures, avec une atmosphère exécrable qui régnait sur le plan national, avec la milice populaire et de renseignements que furent les fameuses Structures d’éducation des masses, les emprisonnements massifs qui avaient empli les prisons du pays et l’étouffement sur le plan des libertés. 

Sur le plan externe, il a évoqué la latitude de la France, foncièrement opposée à l’application de la Chari’a et outrée par le climat de violence excessive des droits, mais aussi le Maroc, qui voyait en Haïdalla, un allié du Polisario et de l’Algérie.

Aussi, dira-t-il, le coup d’Etat de Ould Taya a-t-il été planifié par la France qui a réussi à éloigner le commandant de la Garde à l’époque, un allié de Haidalla qui aurait pu compromettre le coup d’Etat et qui bénéficia d’une invitation de Paris, et d’autre part, les efforts de Mitterrand qui réussira à traîner Haidalla au sommet de Bujumbura. 

A l’époque du coup d’Etat qui constitua une véritable bouffée d’oxygène pour le peuple mauritanien, Saleh explique qu’il était encore à l’académie royale de l’Arabie Saoudite.

A son retour, il est nommé adjoint de chef de section à la 6ème région militaire. C’est pendant cette période qu’est survenu selon lui l’affaire du putsch manqué mené par des officiers négro-africains dont trois seront condamnés et exécutés sommairement.

Cet évènement sera suivi en 1989 par les douloureux évènements, « les années de braise », qui se poursuivront jusqu’en 1991, avec quelques 500 soldats négro-africains exécutés extra-judiciairement.

Pour faire comprendre ce clash intercommunautaire, Saleh Ould Hanana reconnaîtra l’existence de beaucoup d’abus, soulignant toutefois que le coup d’Etat manqué des officiers noirs était vrai. Selon lui, le mécontentement des Négro-africains de Mauritanie s’explique par le fait qu’ils se sentaient de plus en plus exclus de la gestion du pays et de l’administration sous le coup de l’arabisation.

« Ils se sentaient dépositaires de la colonisation française et de sa langue. A ce titre, ils étaient les véritables détenteurs de l’administration » dira Ould Hananaqui rappellera les évènements de 1966 comme premières manifestations de ce rejet de l’arabisation qui s’annonçait.

A la question du journaliste sur la proportion de la population négro-africaine enMauritanie, Salah répondit qu’il n’y a pas de recensement officiel à caractère ethnique en Mauritanie, mais qu’ils pensent qu’ils doivent représenter entre 10 à 15% de la population mauritanienne.

Sur les évènements de 1989, Saleh dira que tout est parti du Sénégal et qu’il y a eu réaction en Mauritanie, expliquant qu’au début, les foules ne s’en étaient pris qu’aux ressortissants sénégalais avant d’élargir leur pogrom contre tous les Noirs, étant entendu qu’on ne peut faire la différence, selon lui, entre les Négro-mauritaniens et les Sénégalais.

Sur ces motifs à s’engager dans l’armée, Salah dira que l’armée constituait l’un des moyens de prendre le pouvoir en Mauritanie. Et qu’ils pensent que les militaires sont des citoyens du pays, qu’ils partagent avec eux les mêmes soucis et les mêmes ambitions et qu’ils doivent gouverner.

Il sera cependant désarçonné par son interlocuteur qui lui rappellera que l’armée n’est pas faite pour diriger, mais pour défendre l’intégrité du pays. Ce qui va lui permettre de rebondir sur la décision de Ould Taya en 1991 d’établir la démocratie en Mauritanie, se demandant « quel est le militaire qui croit réellement à la démocratie ? ». 

Saleh trouve que l’ouverture démocratique de Ould Taya, sous la pression des courants politiques et du discours de Mitterrand à La Baule a permis beaucoup d’ouvertures, création de partis politiques, de syndicats, de journaux, etc. Il dira que les prisons que Haidalla avaient rempli ont été vidées, et qu’une certaine liberté s’était installée.

JOB
Source : L’Authentique (Mauritanie)