J’ai eu à connaître le Président Moustapha Ould Mohamed Saleck dans les années 70, lorsqu’il était Gouverneur de la région du Brakna dont je suis originaire. C’était un gouverneur très compétent et très proche des populations. Un homme propre et honnête qui veillait toujours lui-même à trouver des solutions aux problèmes de la région et de ses habitants.
Lorsqu’il a été nommé chef d’état-major de l’armée nationale et qu’il préparait, avec ses camarades officiers, le changement du 10 Juillet 1978, nous avions été approchés en tant que Mouvement politique clandestin (MND). Nous avions alors signifié que nous ne pouvions soutenir de coup d’état quelle qu’en soit la raison.
C’était contraire à nos principes et à nos valeurs. Notre seule voie possible pour arriver au pouvoir était la politique. Néanmoins, nous avions promis de taire la démarche en cours et d’attendre de voir le programme politique de la nouvelle équipe, une fois au pouvoir, avant de la juger, et ensuite de décider ou non de la soutenir.
En réalité, nous étions essentiellement en contact avec certaines personnes intermédiaires civiles qui, pour un certain nombre d’entre elles, étaient des militants Bathistes de l’époque. De notre côté, il y avait Mahjoub Ould Boya qui, bien qu’issu de notre Mouvement, avait décidé de soutenir, seul et à titre personnel, cette initiative.
Malgré cela, ma conviction est qu’à l’époque, absolument rien ne pouvait sauver la Mauritanie du désastre causé par la guerre du Sahara, sauf un coup d’état qui mettrait fin au régime, alors en place, toujours plus déterminé que jamais à continuer une politique aussi dangereuse pour le pays. Il n’ y avait alors plus aucune autre issue.
Les mauritaniens sont tous unanimes sur le fait que l’implication de la Mauritanie dans le conflit du Sahara était une erreur monumentale, et par conséquent, cette erreur incombe à celui qui l’a commise et non à ceux qui ont réussi à la corriger.
Je pense donc que la contribution du mouvement du 10 Juillet dans l’histoire de la Mauritanie est d’avoir mis un terme à la guerre. Et ce mérite revient principalement à feu le Président Moustapha Ould Mohamed Saleck qui a bien conduit ce changement historique et salvateur.
Je précise également qu’à l‘époque, il n’y avait que lui qui faisait l’unanimité des officiers et qui avait la capacité de les réunir autour de lui pour conduire le pays vers la paix.
Cependant, je considère que certains des officiers supérieurs qu’il avait impliqués dans la gestion des affaires du pays, et qui n’étaient d’ailleurs ni parmi les vrais instigateurs, ni même des exécutants de ce changement, l’ont empêché par la suite de tenir tous les engagements pris le 10 Juillet 1978.
Ce sont les mêmes qui avaient écarté des officiers sincères et décidés à traduire dans les faits les trois grands engagements du Comité militaire, à savoir : l’instauration de la paix, le redressement de la situation économique du pays et, enfin, la mise en place d’institutions réellement démocratiques.
Ce sont d’ailleurs ces trois engagements qui nous avaient poussés à soutenir l’action menée par le Président Moustapha. Mais, comme je viens de le souligner, il n’avait pas totalement les coudées franches pour réaliser son Programme et c’est pourquoi, il finira par démissionner du pouvoir.
Enfin, il faut dire que l’homme tenait sincèrement à rassembler, non seulement tous les officiers supérieurs, mais aussi l’ensemble des acteurs civils du pays, autour de ces trois objectifs nationaux majeurs.
Il estimait qu’avec le maximum de consensus national, le programme de transition pourrait être accompli de la meilleure manière. Cela est vrai, mais à condition que tous ceux qui prennent part à ce consensus soient animés de la même volonté et de la même sincérité.
Ce qui ne fut, malheureusement, pas le cas lors de la constitution du Conseil consultatif national que l’homme avait mis en place en vue de bien préparer la transition vers un système démocratique pluraliste.
Source : Rédaction Cridem