Dimanche 22 novembre 2015, une quarantaine de maires venus de tout le pays a débarqué à Aleg pour assister au lancement d’une initiative ayant pour objectif de redynamiser tout le dispositif juridique national afin de contribuer rapidement à l‘éradication de l’esclavage.
Au cours d’une réunion de concertation tenue à huis clos, les maires ont échangé sur la nécessité de leur implication effective dans ce combat afin d’apporter leur contribution pour son aboutissement.
Selon Mohamed Ould Soueidatt et Mohamed Ould Hmeimed, respectivement maire d’Aleg et d’Atar : « L’image de la Mauritanie a terriblement souffert des informations peu exactes que certains soi disant militants des droits de l’homme communiquent à travers des rapports alternatifs à la communauté internationale.
C’est sur la base de ces rapports que la Mauritanie est considérée aujourd’hui comme le pays le plus esclavagiste au monde dans lequel 300.000 personnes souffrent encore d’esclavage dans ses formes traditionnelles. Notre rôle et nos responsabilités nous interpellent afin de corriger ces donnés en nous impliquant réellement.
Pour cela, les conseils municipaux doivent travailler à la détection de tous les cas d’esclavage, à leur dénonciation et à leur présentation devant les tribunaux pour une application effective des lois et dispositions les criminalisant ».
Les maires mobilisés
Finalement, c’est une quarantaine de maires dont ceux d’Aioun, de Kiffa, d’Atar, de Chinguetti, de Boghé, de Bagodine, de Toujounine, du Ksar, de Riad entre autres qui ont fait le déplacement pour lancer cette initiative.
Les maires, écharpes aux couleurs nationales en bandoulière ont procédé devant une maison des jeunes pleine de monde aux modalités de lancement de leur projet de redynamisation des lois pour une éradication de l’esclavage.
Dans son allocution de bienvenue à ses pairs, le maire d’Aleg a rappelé l’objectif de la rencontre. Ensuite, un rapport de travail et d’enquête élaboré par une commission technique de la commune d’Aleg a été lu par le représentant des jeunes. Selon ce rapport, aucun cas d’esclavage n’a été retrouvé ni à Aleg ni dans ses environs.
Une déclaration dite d’Aleg a été lue en Arabe par le maire de Kiffa et en français par le maire de Bagodine, Bâ Bocar Soulé. Ensuite, le Maire de Riad, coordinateur de l’initiative a intervenu pour féliciter ses collègues pour avoir enfin décidé de se lancer dans la lutte contre cette abjecte pratique qui en plus de constituer un handicap majeur de développement est aussi une menace dangereuse à la cohésion sociale et à l’unité nationale. Plusieurs intervenants de la société civile, des personnalités politiques et des Imams ont aussi intervenu.
Les maires ont procédé à la signature du document intitulé officiellement Déclaration d’Aleg dans lequel ils s’engagent d’abord à tout mettre en œuvre pour la redynamisation de tout l’arsenal juridique afférent à l’esclavage et ensuite à lancer un vibrant appel à leurs autres collègues maires, au gouvernement, aux organisations nationales et internationales des droits de l’homme à se joindre à eux pour mener de vastes investigations visant à dénoncer tous les cas d’esclavage à travers le pays et leur poursuite devant les tribunaux pour une application réelle des lois.
Volonté Politique ?
Si sur le plan interne, le gouvernement mauritanien moissonne victoire sur victoire puisque comme on dit : « ceux qui comptent et ceux qui écrivent sont de lui », sur le plan externe, les choses ne semblent pas bien marcher nonobstant les déclarations de certains responsables, notamment le porte parole du gouvernement, la présidente de la Commission nationale des droits de l’homme et autres.
Les 40 résolutions des Nations Unies sur l’esclavage dont 20 concernent laMauritanie constituent une preuve éloquente que le pays se fait régulièrement tirer les oreilles par la communauté internationale.
La rencontre à Aleg de quarante maires essentiellement de l’Union Pour la République est un présage que le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz est dans la perspective de changer son fusil d’épaule par rapport à la problématique de l’esclavage.
Le déni systématique de son existence cède peu à peu le pas à une reconnaissance timide qui couperait, selon la logique du gouvernement, l’herbe sous les pieds de certaines organisations nationales des droits de l’homme, notamment IRA de Birame Ould Dah Ould Abeid qui n’a jamais été tendre vis-à-vis de l’Etat et dont les rapports et les sorties sont entre autres à l’origine de cette mise au banc de la Mauritanie.
Logiquement, la réunion d’Aleg est une confirmation tacite de cette nouvelle approche et d’une volonté politique de combattre en face l’esclavage. Etant entendu que les maires affiliés au parti/Etat ne peuvent jamais lancer une telle action sans avoir eu au préalable l’aval du président Ould Abdel Aziz.
Ce que confirme pratiquement le maire d’Atar qui déclare à qui veut l’entendre que la volonté politique d’éradiquer définitivement l’esclavage est réelle. Or, parmi les plus grands problèmes pour atteindre cet objectif, il y a la non application des lois. Depuis l’adoption de la loi 048/2007, seul un esclavagiste (Ahmed Ould Hassine) a été condamné à deux ans de prison ferme dans la célèbre affaire Saïd et Yarg. Il n’en purgera que trois mois.
Le temps que la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de l’esclavage, Gulnara Shahinian quitte le pays pour qu’un juge complaisant lui accorde la liberté provisoire (définitive en fait). Et que des centaines de dossiers d’esclavage sont pendants devant les tribunaux àNouakchott, à Atar, à Néma et autres juridictions nationales.
Sneiba El Kory.
Source : Le Calame (Mauritanie)