Depuis plusieurs semaines, des jeunes et des femmes, partisans du leader de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) battent le pavé dans les rues de Nouakchott. Des manifestations réprimées par les compagnies de police anti émeutes à coups de grenades lacrymogènes, matraques et interpellations plus ou moins prolongées, avec des protestataires refusant de céder à l’intimidation.
Ces marcheurs du lundi qui ont en effet décidé de braver hebdomadairement les forces de l’ordre et leur arsenal répressif, pour protester contre la détention prolongée dans la prison d’Aleg, du prix des Nations Unies (ONU) pour les droits de l’homme de décembre 2013, et candidat arrivé deuxième à l’issue du scrutin présidentiel du 21 juin 2014, dont ils exigent la libération.
Par ailleurs, les militants et sympathisants de l’organisation anti esclavagiste réprouvent fortement l’attitude des autorités judiciaires et au-delà du pouvoir, engagés dans un entêtement « stupide » consistant à refuser au leader du mouvement abolitionniste une évacuation vers une structure hospitalière deNouakchott, alors que son état de santé enregistre une constante dégradation depuis plusieurs semaines.
Cette bataille menée au niveau de la rue publique apparaît comme l’écho de la tournure notée dans la gestion judiciaire du dossier au cours des derniers jours.
La défense tire la sonnette d’alarme
Ainsi, cette semaine, le collectif des avocats de la défense a envoyé une correspondance au ministre de la justice pour attirer son attention sur le cas du célèbre détenu de la maison d’arrêt de la capitale du Brakna.
« Bien mal en point depuis quelques mois, le président de l’IRA, Biram Ould Dah Ould Abeid, continue de souffrir dans sa cellule à la prison d’Aleg ou il purge une peine de deux ans en compagnie de son adjoint, Brahim Bilal Ramdhane.
Alité depuis un mois, Il souffre le martyr jour et nuit du fait d’un mal qui ne cesse d’empirer dans l’indifférence totale et sans avoir accès à d’autres soins quelques sédatifs qu’il prend de temps à autre ».
Citant des spécialistes, maître Brahim Ould Ebetty et ses confrères expriment«la crainte de complications » à défaut d’une prise en charge adéquate exigée par l’état du malade.
Dans sa correspondance, le collectif des avocats de la défense rappelle que«Biram Ould Dah Ould Abeid avait été évacué en urgence vers l’hôpital régional d’Aleg le 25 août 2015, suite à une crise de douleur à la jambe droite. Là, il fut examiné par le Directeur Régional de la Santé et deux autres médecins accompagnés d’un radiologue.
Unanimes, ils déclarent sans ambages que les moyens à leur disposition à Alegsont insuffisants pour permettre de poser valablement un diagnostic. Il leur faudrait notamment lui passer un scanner. Dans l’attente d’un examen, les médecins prescrivent au malade des calmants qui se révèlent vite insuffisants pour atténuer des douleurs de plus en plus insupportables ».
Un avis médical tranché auquel le parquet n’a donné aucune suite. Le feuilleton médical sur fond de détention se prolonge avec de nouveaux épisodes renvoyant tous à une constante : la dégradation de l’Etat de santé du leader antiesclavagiste, avec des douleurs à divers endroits (jambe droite, dos….) obligeant le ministère de la justice à dépêcher une équipe de neurologues qui jugent « préoccupante la situation du patient » et se prononcent en faveur d’une évacuation médicale vers Nouakchott.
Autant d’éléments, avis et constats en dépit desquels les autorités campent leur position, déplore la défense.
Nouvelle dimension nationale
Après le prix des Nations Unies, diverses distinctions internationales et le score réalisé au scrutin présidentiel du 21 juin 2014, la condamnation et la détention du leader de l’IRA semble lui conférer aujourd’hui une nouvelle dimension.
Une plus grande stature au niveau nationale comme en témoigne les manifestations désormais hebdomadaires du lundi.
La politique, à l’image de la nature, a également « horreur du vide ». La longue absence de Messaoud Ould Boulkheir de la scène politique assimilée à « une démission » par rapport à un combat historique, l’inactivité générale des autres dirigeants de la mouvance HARATINE et la disparition récente de l’un des leaders les plus charismatiques des rédacteurs du manifeste d’avril 2013,Mohamed Said Hamoudy, laisse désormais grand ouvert un large boulevard de reconnaissance politique au militant antiesclavagiste incarcéré.
Pourvu que le décryptage de la nouvelle donne pousse les autorités à traiter le cas du leader de l’IRA avec plus de souplesse et d’intelligence, afin d’en finir avec une patate de plus en plus chaude qui divise l’opinion nationale après avoir fortement écorné l’image du pays au niveau internationale.
Mohamed Mahmoud Ould Targui
Source : RMI Biladi (Mauritanie)