Quand Abdel Fetah El-Sissi avait mis fin le 3 juillet 2013 au pouvoir du président démocratiquement élu en Egypte, le Frère Musulman Mohamed Morsi, la rumeur avait couru vite sur l’inspiration mauritanienne, avant que la certitude, tirée de la déclaration de certains hommes de presse et d’acteurs politiques égyptiens, ne vienne confirmer que le putsch du 6 août 2008 perpétré par le général Mohamed Abdel Aziz en Mauritanie contre le président démocratiquement élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi avait bel et bien servi de déclic et de faire-valoir au général Al-Sissi d’Egypte.
Aujourd’hui, le putsch survenu au Burkina Faso ne manque pas d’inciter les analystes à faire de nouveau le parallèle avec ce qui s’était passé en 2005 enMauritanie.
Si l’Egypte de Sissi a su profiter de la belle réussite du putsch mauritanien d’août 2008, le Burkina de Kafondo et de Zida n’a pas su quant à lui s’inspirer de la belle réussite de la transition démocratique mauritanienne de 2005 à 2007. Du coup, les Mauritaniens ont aussi bien appris des Burkinabé qu’il est dangereux de chercher à se débarrasser du BASEP ou du RSP, noms donnés à ces unités spéciales, super entraînées, super équipées et super bien payées, chargées de la protection de la sécurité présidentielle.
En voulant soulever toutes les questions qui fâchent au cours d’une transition, affaires Thomas Sankara et Norbert Zongo, poursuites contre l’ancien présidentBlaise Compaoré, chasse aux anciens dignitaires, entre autres, le pouvoir transitionnel du président Michel Kafondo n’a pas su apprendre des sages leçons de la transition mauritanienne, laquelle avait relégué toutes les questions qui fâchent, Passif humanitaire, esclavage, unité nationale, cohabitation, jusqu’à la mise en place d’un pouvoir démocratiquement élu.
D’autre part, le colonel Zida, un ancien du RSP est allé trop vite en besogne, en démissionnant prématurément de l’armée et en voulant par la suite liquider son ancienne unité en cédant au populisme primaire, se voyant déjà futur président en l’absence des candidats les plus sérieux, exclus pour délit de complicité avec le régime déchu. C’est surtout, l’éviction à la course présidentielle burkinabé de tous les anciens dignitaires, dont l’épouse du général Diendéré, l’actuel homme fort du pays, ainsi que les éventuelles conséquences de l’enquête sur la mort de Sankara, qui auraient signé l’arrêt de mort du Conseil National de Transition (CNT).
Aujourd’hui, une médiation africaine menée par le Sénégalais Macky Sall et le Béninois Yayi Boni est à pied d’œuvre pour rapprocher les points de vue et trouver une porte de sortie. On se croirait revenu en 2008 en Mauritanie, lorsque le FNDD était sorti dans la rue pour exiger le retour de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, exactement comme l’opposition burkinabé réclame aujourd’hui le retour de Michel Kafondo. C’est la même réaction également, du côté de la communauté internationale, dénonciation, condamnation, exigences du retour immédiat à la constitutionnalité, et patatri patatra.
A la place de Macky, c’est Abdoulaye Wade qui était venu dare-dare àNouakchott, et tout le ballet africain, avec Lamamra ; Saïd Djennit…Puis, il y eutDakar et le général Aziz qui se dépouille de sa tenue de général pour se rhabiller en civil, pour battre en fin de compte tous les opposants réunis dès le premier tour de l’élection présidentielle de juillet 2009. Malheureusement, le même scénario risque de se reproduire au Burkina Faso. Nous ne savons pas encore quel sera le «Dakar » burkinabé et quels engagements y seront signés…Mais ce général Diendéré-là n’a pas la tête de quelqu’un qui va lâcher le pouvoir. Et le scénario Mauritanie sera calqué exactement, jusque dans ses moindres notes.
Infréquentable maintenant, le général Diendéré pourra bientôt fouler le perron de l’Elysée et se faire recevoir à Washington. Le réalisme occidental n’a jamais, sur ce point, fait défaut.
CHEIKH AIDARA
Source : L’Authentique (Mauritanie)