Au sein de la justice, encore une fois ! » est la contribution que Me Ichidou, l’un des plus éminents avocats et doyens du Barreau mauritanien vient de publier. Il y énumère les tares qui expliquent les défaillances du système judiciaire et proposent quelques pistes de réflexion qui pourraient servir de solutions.
« Selon Me Ichidou, il n’y a pas de doute que la nomination de Me Brahim Ould Daddah (autre éminent avocat de la vieille école), à la tête du ministère de la Justice constitue un indice positif pour la réforme envisagée du système judiciaire en Mauritanie.
Selon Me Ichidou, cette réforme de la justice est d’ailleurs devenue un impératif car elle constitue la pierre angulaire de laquelle dépendent la sécurité nationale, la lutte contre la gabegie, le terrorisme et le crime organisé, mais aussi le développement économique et social, ainsi que la cohésion nationale, la construction et la consolidation de l’Etat de droit, et celle des institutions démocratiques justes.
Pour lui, le département, avec à sa tête Me Brahim Ould Daddah, dispose d’un homme qui connaît parfaitement ses rouages, car il dispose selon lui, des compétences requises, de l’expérience nécessaire, mais surtout de la probité et de la constance suffisante pour en soigner les dysfonctionnements.
Pour Me Ichidou, les réformes entamées par le Parquet sont à saluer, trouvant que cet organe judiciaire représente à lui seul la moitié de la Justice, car c’est lui qui enclenche l’action publique et c’est sur lui que repose l’obligation des moyens de la preuve.
Qu’il délaisse tous ses devoirs et prérogatives, il devient dès lors un instrument malléable aux mains du pouvoir politique, celles de la police et on ne sait encore de quelles autres mains.
Dans ce cadre, l’avocat trouve que la balance de l’équité que représente la justice s’en trouvera perturbé dans l’un de ses plus importants et de ses plus nobles organes qui détient un pouvoir extrême sur le sang, les biens, les libertés et les honneurs des gens.
Dans les observations qu’il dit avoir tiré du fonctionnement de la justice enMauritanie, Me Ichidou note les réalisations accomplies par le nouveau ministre, Me Brahim Ould Daddah, non sans relever des insuffisances qu’il faudrait combler dans un avenir qui soit le plus proche possible.
Et cela dans le souci de rétablir et de consolider l’orientation réformiste annoncée. L’avocat trouve cependant que la recherche d’équilibres tribaux, ethniques et régionaux, continuent de peser lourdement dans cet effort de réforme et représente un handicap majeur pour les décideurs.
Pour Me Ichidou, il faut mettre un terme définitif à ces anachronismes si réellement la priorité est d’établir la justice réelle entre les gens de sorte que l’action judiciaire ne puisse être influencée par aucune de ces contingences.
Celles-ci, selon lui, peuvent subsister dans tout autre domaine sauf en matière de justice, car le juge doit être nommé, d’après lui, pour ses compétences, ses connaissances, son intelligence, son intuition et la maîtrise technique de son métier, mais aussi pour sa probité, sa constance et son sens de la responsabilité.
Nul besoin dans ce cadre, souligne Me Ichidou, de rechercher d’autres critères, surtout si ces critères sont d’ordre sectaires, et n’en déplaise à ceux qui cherchent, selon lui, à justifier leur penchant gabegiste et leur forte opposition à toute réforme de la justice.
Ainsi, cette nouvelle orientation bâtie sur les valeurs nobles aurait transparaît lors du mouvement des magistrats opérés par le Haut conseil de la Magistrature tout dernièrement et dans la réforme de l’institution du parquet et qui ont privilégié justement les équilibres tribaux, ethniques et régionaux sur les critères de compétence
Me Ichidou trouve par ailleurs que le nouveau Procureur général fait partie certes des meilleurs magistrats du pays, de par ses connaissances et son expérience, mais il serait une partie prenante active dans la crise et les dissensions qui minent le monde judiciaire depuis le 3 août 2005 autour justement de la réforme de la justice.
Il serait le responsable exécutif, selon Me Ichidou, du hold-up et du sabotage qui a visé l’Ordre national des avocats en fin juin 2002. Cette action aurait conduit, selon Me Ichidou, à l’émergence d’un groupe ripoux d’avocats et de magistrats adeptes de la gabegie.
Evoquant le rôle de l’instruction, Me Ichidou se demande jusqu’à quand les juges instructeurs continueront à vivre en appendice à l’ombre du parquet, obéissant à ses ordres et se soumettant à ses humeurs, transformant la procédure pénale en une simple marchandise qu’elle reçoit et retransmet à volonté, anéantissant les efforts de tous les acteurs intermédiaires.
L’avocat de se demander si en définitive, le ministère de la Justice et la Cour Suprême ne disposent pas dans leur carquois secret d’un remède capable de corriger les graves dysfonctionnements qui gangrènent cet important pilier du système judiciaire et dont le rôle dans l’administration de la vérité est essentielle dans toute justice.
Et l’inspection judiciaire ? Selon Me Ichidou, on a toujours voulu la figer dans son rôle d’appareil inerte sans aucun apport au point que certains ont même réclamé sa suppression et l’orientation de ses ressources qui lui sont destinés ailleurs.
Et l’avocat de souligner que si réellement on voudrait lui faire jouer le rôle qui lui est dévolu, il appartiendra au nouveau ministre de créer les mécanismes nécessaires à cette renaissance en partant du principe que sans contrôle basé sur la récompense et la sanction, il n’y aura pas de véritable réforme.
Que dire du ministère de la Justice lui-même ? Il serait le cœur du mal. Pas de réforme sans la réforme de l’administration centrale du ministère de la justice. Ainsi, la réforme de la justice passerait, selon Me Ichidou par l’existence d’une volonté politique sans faille, celle qui fait passer, au centre de ses priorités, la réforme de la justice avec pour date butoir, l’année 2016 prise comme « Année de la Justice ». L’objectif serait d’obtenir un bon ministre de la Justice, un bon président de la Cour suprême, un bon Procureur général, un bon Inspecteur général.
Un bon ministre de la Justice aux yeux de Me Ichidou, signifie un ministère de la Justice organisé, actif, plein de vitalité et bon à tous les niveaux, qui réponde aux courriers, aux demandes écrites, aux appels téléphoniques, qui n’organise pas des réunions routinières ou des conférences bidons et qui n’engage pas des projets fictifs.
JOB
Source : L’Authentique (Mauritanie)