Lighthouse Reports qui est une structure pionnière du journalisme collaboratif travaillant avec les plus grands médias mondiaux pour réaliser des enquêtes approfondies dans l’intérêt public touchant notamment la migration, le climat, les conflits et la corruption, vient de publier une enquête approfondie qui pointe un doigt accusateur sur trois pays nord-africain et l’Europe qui selon ce rapport, finance et participe directement à des opérations clandestines visant à expulser des dizaines de milliers de personnes noires dans le désert ou des zones reculées en Afrique du Nord, pour les empêcher de rejoindre l’Union européenne (UE).
Sous couvert de « gestion des migrations », ces actions soulèvent de graves préoccupations en matière de droits de l’homme, particulièrement en Mauritanie.
En collaboration avec le Washington Post, Enass, Der Spiegel, El Pais, IrpiMedia, ARD, Inkyfada et Le Monde, cette enquête montre que l’Europe finance, et parfois participe directement, à la détention et l’expulsion systématique de communautés noires dans au moins trois pays nord-africains : le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie.
En Mauritanie, des migrants et réfugiés, parfois en route vers l’Europe ou établis légalement dans le pays, sont appréhendés en raison de la couleur de leur peau, chargés dans des bus et conduits dans des zones désertiques. Là, ils sont abandonnés sans assistance, sans eau ni nourriture, les exposant à des risques de kidnapping, extorsion, torture, violences sexuelles, voire la mort.
C’est ainsi qu’une vidéo filmée clandestinement montre des hommes en majorité noires dans un camion qui pénètre dans une unité de police et montre aussi un bus blanc de la police quittant le même lieu. Ensuite Idiatou, une jeune femme guinéenne, raconte qu’elle a été interceptée en mer alors qu’elle tentait de rejoindre les îles Canaries depuis la Mauritanie.
Emmenée dans un centre de détention à Nouakchott, elle a été photographiée par des policiers espagnols avant d’être forcée de monter dans un bus blanc vers la frontière malienne, où elle a été abandonnée prés de Guogui.
Les fonds destinés à ces opérations sont dissimulés sous des programmes de « gestion des migrations », mais l’enquête révèle que Bruxelles est bien consciente des abus et y participe directement
Des responsables européens ont exprimé des préoccupations concernant l’escalade des opérations dans la région contre les migrants subsahariens, mais nient que les fonds soient utilisés pour violer les droits fondamentaux. Toutefois, des sources internes admettent qu’il est « impossible » de contrôler totalement l’utilisation des fonds européens.
Cette enquête, la plus exhaustive à ce jour, révèle non seulement la connaissance de longue date de Bruxelles sur ces pratiques abusives, mais aussi son implication directe. Elle expose une réalité troublante où des fonds européens sont utilisés pour perpétrer des abus systématiques et racistes contre les migrants en Afrique du Nord, posant de sérieuses questions sur la responsabilité de l’UE en matière de droits de l’homme.
Le 23 mai 2024
Source : Le Quotidien de Nouakchott