Civils ciblés, opposants traqués, libertés bafouées : l’année 2023 a été « terrifiante » pour les droits de la personne, selon Human Rights Watch. Et un système de deux poids, deux mesures contribue à l’impunité, a dénoncé l’organisme, qui publiait jeudi son rapport annuel de la situation dans 100 pays. Points saillants.
Israël et Gaza
« La menace à notre humanité commune est partout », a commenté la directrice exécutive de HRW, Tirana Hassan, dans une conférence de presse vidéodiffusée. Elle donne l’exemple de la recrudescence des hostilités au Proche-Orient suivant l’« assaut terrifiant » du Hamas en Israël. Des crimes de guerre qui n’occultent pas ceux d’Israël, insiste-t-elle. HRW accueille d’ailleurs favorablement la procédure à la Cour internationale de justice, qui doit déterminer si un génocide a été commis contre les Palestiniens de Gaza. « La situation sur le terrain est suffisamment grave pour mériter un examen minutieux », a dit Mme Hassan.
Ukraine et Russie
Le deuxième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine approche à grands pas. Depuis quelques semaines, les bombardements se sont intensifiés sur le pays. « Au fil des ans, les forces russes ont commis des crimes de guerre et d’autres atrocités en Ukraine », a commenté Rachel Denber, directrice adjointe pour l’Europe de HRW. Elle cite des attaques de civils et le recours à la torture contre les populations occupées. L’année 2023 a aussi été marquée par la destruction du barrage de Nova Kakhovka, dont les conséquences dévastatrices pourraient se faire sentir pendant des années.
Soudan
« Le conflit qui ne fait pas les manchettes est celui du Soudan, s’est désolée Mme Hassan. La souffrance humaine qu’on voit au Darfour est immense. » Depuis le déclenchement d’une guerre entre deux généraux rivaux en avril dernier, plus de 12 000 personnes seraient mortes au Soudan, selon l’ONG Acled – un bilan qui pourrait être largement sous-estimé. La reprise des hostilités était pourtant prévisible, faute d’obligation de répondre de ses actes pour les crimes passés, selon HRW. « Le Darfour est l’exemple le plus illustratif de ce qui pourrait arriver en 2024 si les gouvernements ne commencent pas à prendre au sérieux l’obligation de rendre des comptes », a averti Mme Hassan.
Hors frontières
Le taux de répression transnationale a atteint un niveau « alarmant », écrit HRW. Des gouvernements traquent des dissidents ou des critiques de leur régime dans d’autres pays. Le meurtre d’un chef sikh en Colombie-Britannique a suscité de nombreuses réactions quand le premier ministre Justin Trudeau a fait état d’informations « crédibles » sur un « lien potentiel » entre l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar et le gouvernement indien. Le rapport de HRW cite aussi les gouvernements du Rwanda et de la Chine au nombre des régimes prêts à intimider et faire taire leurs opposants à l’extérieur de leurs frontières.
Chine
La répression s’est accentuée en Chine, avec des « politiques abusives contre les Ouïghours et autres musulmans turcs à Xinjiang qui constituent des crimes contre l’humanité », note le rapport de HRW. Le gouvernement exerce un contrôle serré sur sa population. Il a imposé une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020 – et les poursuites lancées en vertu de cette disposition avaient un taux de condamnation de 100 % au moment de la rédaction du rapport de HRW. « De plus en plus, nous voyons un étouffement sur Hong Kong et sur ses militants », a remarqué Mme Hassan.
Afghanistan
Les femmes et les filles vivent une situation de plus en plus difficile en Afghanistan. Les arrestations récentes et les détentions arbitraires pour des infractions présumées au code vestimentaire des talibans inquiètent la mission des Nations unies au pays, qui a sonné l’alarme jeudi. Des femmes ont été arrêtées la semaine dernière parce qu’elles portaient un « mauvais hijab ». Si la persécution des femmes, des personnes LGBTQ+ ou des minorités est importante dans ce pays en crise humanitaire, Mme Hassan garde espoir, notant des actes de résilience de militantes.
« Outrage sélectif »
Trop de gouvernements modulent leur indignation face aux violations des droits de la personne en fonction des alliances et des intérêts, dénonce HRW. « L’outrage sélectif envoie le message que la vie et la dignité de certains peuples ont plus d’importance que celles d’autres », a souligné Mme Hassan. Dans son rapport, HRW cite la répression grandissante en Inde, où la situation s’est détériorée pour les minorités et la liberté d’expression. Mais devant l’intérêt économique, des leaders n’hésitent pas à dérouler un tapis rouge au premier ministre indien, Narendra Modi.
Canada
Le Canada fait partie des 100 pays étudiés. Avec ses émissions élevées de gaz à effet de serre, il contribue à la crise climatique, qui a des répercussions sur le respect des droits de la personne ailleurs dans le monde. Il doit aussi en faire plus contre les entreprises canadiennes qui bénéficient de violations des droits de l’homme à l’étranger, que ce soit dans des mines ou dans des usines soupçonnées d’avoir recours au travail forcé de Ouïghours en Chine, note le rapport, soulevant aussi les défis pour le respect des droits des Premières Nations.
– Avec l’Agence France-Presse
Source : La Pressa.ca (Canada)