Entretien exclusif du Président Ould Ghazouani avec des médias nationaux

Interview de son Excellence Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Président de la République | PrimatureLe Président de la République, Son Excellence Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a accordé lundi soir une interview à cinq médias privés : l’Agence El Akhbar indépendante, Essahraa, Sahara Media, Cridem et le Rénovateur Quotidien. Les questions abordaient toutes les préoccupations de la vie nationale et, actualité oblige, aux questions qui font l’actualité internationale.

[Ici, vous trouverez les questions en français des journalistes de Cridem et Le Rénovateur ainsi que les traductions des questions/réponses des échanges en arabe avec les journalistes d’Al Akhbar, Sahara médias et Essahraa ]

Alakhbar : L’Inspection d’État a révélé des chiffres importants dans le domaine de la corruption, et il y a ceux qui affirment, sur la base des chiffres et des données, que la corruption a augmenté pendant les années de votre règne par rapport aux années précédentes, êtes-vous satisfait de vos efforts pour lutter contre la corruption ? Pensez-vous qu’elle a réellement reculé ou est-elle plus qu’elle ne l’était ? De quels indicateurs ou chiffres disposez-vous ? Pourquoi les rapports de la cour des comptes n’ont pas été publiés comme l’exige la loi ?

Mohamed Ould Cheikh Ghazouani : Avant d’entrer dans le détail de la réponse à cette question, je voudrais exprimer ma surprise devant l’indifférence de certains sur l’ampleur de l’effort consenti par la Cour des comptes, l’Inspection générale d’État et les autres organismes de contrôle, les révélations qu’ils ont fait concernant les déséquilibres de gestion sont-elles des preuves défavorables au gouvernement ou à son avantage. Si le gouvernement n’était pas déterminé à lutter contre la corruption, il n’aurait pas demandé à l’inspection générale de la dénoncer, et il n’aurait pas coopéré avec la Cour des comptes et ne lui aurait pas facilité la tâche.

La corruption et la fraude des fonds publics ou leur utilisation en dehors des objectifs pour lesquels ils sont destinés est un phénomène mondial, même les pays qui ont un système juridique, une pratique administrative et une longue expérience dans ce domaine ne sont pas épargnés.

Naturellement, je ne pense pas que vous vous attendiez à ce que je nie l’existence de ce phénomène chez nous pour deux raisons, premièrement, parce que cela est impossible dans n’importe quel pays du monde, comme je l’ai mentionné plus tôt, et deuxièmement, parce que je ne suis pas intéressé par les discours démagogiques qui dissimulent les réalités. Ce que je nie, c’est qu’elle s’est aggravée, c’est que sa propagation a augmenté au cours des quatre dernières années.

Contrairement à ce que suggère de votre question, l’ampleur des chiffres dont vous parlez ne constitue pas une preuve de l’aggravation de ce phénomène, mais indique plutôt de manière concluante l’efficacité et le sérieux du travail des organes de contrôle qui luttent contre cette maladie incurable qui se propage malheureusement dans le pays depuis plusieurs décennies. Comme pour toute maladie, plus le système de contrôle est performant, apparait la propagation réelle de la maladie.

Dès ma prise de fonction, j’ai pris l’initiative d’adopter une nouvelle approche de la lutte contre la corruption fondée sur l’institutionnalisation, la rigueur et la continuité, tout en veillant à ce que la lutte contre la corruption ne soit pas elle- même une corruption qui donne lieu aux règlements de comptes pour certains, et protège d’autres, le camouflage et l’aveuglement de la corruptions sont plus nuisibles dans des domaines particuliers.

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, je crois que nous avons fait des progrès significatifs dans la mise en place des bases d’une bonne gouvernance nécessaire à la préservation et à l’utilisation des biens publics au profit du citoyen et au développement économique et social du pays.

Je pense que vous et tout journaliste pouvez observer plusieurs choses qui se sont produites dans la dynamique de lutte contre la corruption, dont notamment la mise à niveau de l’inspection générale de l’État et le renforcement de son personnel et de son éthique à travers la prestation de serment, et que les rapports de la Cour des comptes, objet de votre question, sont publiés pour la première fois dans l’histoire du pays.

Dans ce contexte, j’ai demandé l’examen de la possibilité de publier son rapport tous les ans au lieu de tous les trois ans afin de prendre toutes les mesures appropriées à l’encontre des personnes accusées d’abus pendant qu’elles sont encore en fonction et de mettre fin sans délai aux déséquilibres et aux abus. ‎‎

Je profite de l’occasion pour présenter au public un aperçu du travail d’un seul des organismes de surveillance et de détection de la corruption, c’est l’organe que vous avez mentionné nommément dans votre question.

Le total des dépenses qui ont été contrôlées depuis le rattachement de l’inspection générale d’État à la Présidence de la République s’est élevé à 24 181 338 865 ouguiyas MRU, dont 2 569 094 307 Ouguiyas MRU a été constatées dans leur exécution (10,6 %), les erreurs de gestion constituant un préjudice financier aux dépens de l’État représentent (35 %) des erreurs de gestion détectées, soit 907 210 877 ouguiyas MRU.

Ce montant a été recouvré de différentes manières selon l’étape du transfert, y compris le recouvrement par paiement au trésor public si les sommes en question ont déjà été payées, le non-paiement dans le cas contraire, en plus d’obliger les contractants à réparer le défaut constaté dans les infrastructures contractées par l’État pour les réaliser. Il convient de noter que plusieurs des personnes figurant dans les rapports de l’inspection ont été transférées à la justice. ‎‎

Il est vrai que j’ai d’ailleurs recommandé que cela se fasse sans diffamation et loin de l’exploitation médiatique. De plus, je peux confirmer que je n’ai pas reçu de rapport final sur une institution avec des recommandations spécifiques à moins que je ne prenne immédiatement la décision appropriée, qu’elle soit administrative, juridique ou rationnelle.

Enfin, je réitère notre détermination à poursuivre et à approfondir les efforts de lutte contre la corruption, de manière rigoureuse et institutionnelle, avec la mise en œuvre des recommandations des rapports des organes de contrôle.

La corruption, de par sa nature même, sape les fondements du développement en gaspillant les ressources de l’État, en empêchant les projets d’atteindre leurs objectifs, en violant la justice distributive des richesses et les règles de l’État de droit, affaiblissant ainsi les bases de l’Etat de droit et la confiance des individus envers l’Etat et frappant de plein fouet le tissu social.

Concernant la première partie de votre question, en effet, pour moi, l’approche du calme politique entre les partenaires du pays est une conviction ferme, un choix fixe et une responsabilité nationale.

L’instabilité dont sont témoins de nombreuses régions du monde est principalement causée par la rupture des liens entre les partenaires du pays, la domination de la logique de l’exclusion et la création de conditions propices à la trahison, à la calomnie et à l’exclusion.

J’ai recherché dès le début le calme politique et social, et j’ai essayé de l’incarner en contact direct et en reliant la plupart des acteurs, partis, mouvements et personnalités juridiques. Dès le premier jour où j’ai assumé cette responsabilité, j’ai pris l’initiative de contacter tout le monde, sans exclure personne, et j’ai demandé à ma majorité politique et au gouvernement d’adopter un nouveau discours dans lequel il n’y a pas de place pour les injures.

Ma conviction est que grâce à des réunions directes, des discussions et des consultations calmes, et avec un peu de compromis et de flexibilité, nous pouvons nous mettre d’accord et unifier nos points de vue sur de nombreuses questions, et si cela n’est pas possible, nous pouvons nous comprendre et nous excuser mutuellement sur des sujets sur lesquels nous n’avons pas réussi à unifier les positions.

En bref, il est devenu clair que nous pouvons rivaliser pour servir le pays et non pour lui nuire. Comment une approche comme celle-ci peut-elle être décrite comme tuant l’action de l’opposition ?

Par conséquent, je peux confirmer que ce qui a caractérisé notre arène politique au cours des quatre dernières années de calme, de différence dans le respect et de différences de positions sans tension ni trahison, autant que c’était un serment et un engagement que j’ai pris envers moi-même, et que j’ai fait de gros efforts pour y parvenir, je considère cela comme un gain national pour nous tous.

Bien entendu, ce calme n’aurait pas été possible sans la volonté et la réponse de tous les partenaires et leur contribution efficace à la restauration de ce qui a été endommagé par l’atmosphère tendue qui a régné dans notre arène politique et sociale au cours des étapes précédentes. Ils ont mes sincères remerciements et ma grande gratitude. Je vous assure que je continuerai dans la même voie et ferai tous les efforts nécessaires pour maintenir la méthodologie d’ouverture et de consultation permanente avec toutes les parties prenantes.

Quant à la deuxième partie de votre question, qui concerne les restrictions des libertés et le non-respect des immunités constitutionnelles et juridiques, le facteur décisif sera nécessairement la véracité de ce qui s’est passé dans la réalité et le degré de respect des droits par rapport à chaque cas. Le droit de manifester, le droit de protester et le droit d’expression sont garantis par la constitution et les lois, mais en même temps ils sont réglementés, restreints et contrôlés par les lois.

Nous ne pouvons nier que l’objectif ultime pour nous tous est que notre État soit un État de droit et un État d’institutions. Seules perdurent les libertés garanties, protégées par les lois et protégées par les institutions. C’est ma conviction et j’ai travaillé pour l’incarner dans la réalité.

Votre question aurait été plus valable si vous aviez donné des exemples précis dans lesquels l’un de ces droits a été violé sans respect des procédures légales.

Il a été organisé plusieurs manifestations, marches et protestations diverses sans crainte ni harcèlement, simplement parce qu’il y a eu respect des procédures légales en vigueur.

En revanche, si l’organisation d’autres activités est interdite, c’est soit parce que les conditions légales ne sont pas réunies, soit parce qu’elles constituent une menace directe pour la sécurité et la tranquillité publiques.

Bien entendu, il n’est possible d’accepter, en aucun cas, des actions qui porteraient atteinte à la stabilité, à la sécurité, à la tranquillité ou au caractère sacré de la propriété publique et privée. Même si l’application de la loi s’accompagne de certaines violations, elles sont condamnées et rejetées.

Quant à la question du non-respect des immunités constitutionnelles et juridiques, je ne pourrai pas l’approfondir. En tant que chef du pouvoir exécutif, et par respect pour le principe de séparation des pouvoirs, j’ai tenu à éviter toute ingérence de ma part dans le passé, et je ne ferai aucun commentaire maintenant et je ne prendrai pas les décisions d’autorités indépendantes qui travaillent selon leur vision et leur compréhension pour exercer leurs pouvoirs légaux.

Alakhbar : Les partis politiques du pays – à quelques exceptions près, dont le parti au pouvoir – ont unanimement reconnu que les récentes élections législatives, régionales et municipales étaient truquées et qu’elles faisaient reculer l’expérience démocratique de plusieurs décennies, affecter l’image de la démocratie du pays, l’accumulation de son expérience et la crédibilité de ses institutions ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Ces élections ont été organisées après un dialogue politique global et sur la base d’un accord politique entre tous les partis nationaux, opposition et majorité. Elles ont été organisées et menées de manière participative, comme convenu par toutes les parties.

Ce qui a été confié au gouvernement et s’est engagé à le faire, c’est de fournir les conditions appropriées et les moyens logistiques nécessaires pour organiser l’opération dans les délais impartis. Je n’ai entendu aucun commentaire de votre part ou de qui que ce soit d’autre concernant cet aspect.

La Commission électorale nationale indépendante a supervisé l’ensemble du processus. Cette commission, comme vous le savez, a été constituée sur la base d’une proposition présentée par tous les partis, dans laquelle l’opposition et la majorité étaient représentés à parts égales. Personnellement, bien que la loi m’ait donné le choix parmi 22 propositions qui m’ont été présentées, j’ai accepté les choix des parties tels qu’ils ont été présentés et je n’ai pas exercé mon droit de modifier l’arrangement.

Il est naturel que certaines parties puissent être insatisfaites des résultats obtenus et puissent, parfois, constater des violations et des transgressions, mais celles-ci restent toujours sujettes à correction par les organismes compétents et autorisés.

De manière générale, ce qui a été évoqué n’est pas de nature, selon la Commission électorale nationale indépendante et les autorités judiciaires compétentes, à remettre en cause la crédibilité de ces élections.

J’insiste sur le fait que ce que j’ai dit ci-dessus ne signifie pas qu’il n’y ait pas de défauts, mais ils ne répondent pas, selon les informations dont je dispose, à la description mentionnée dans votre question.v Au contraire, je crois qu’il faut décrire les choses telles qu’elles se sont produites, tirer des leçons utiles des lacunes enregistrées et tout cela doit être une incitation à améliorer notre système électoral et à valoriser l’expérience accumulée de nos institutions démocratiques. Pour notre part, nous resterons prêts à tout ce qui contribuera à consolider et développer nos mécanismes électoraux de manière consensuelle.

Alakhbar : L’attention commence à se tourner vers les élections présidentielles de l’année prochaine. Qu’avez-vous préparé pour ces élections après que votre majorité ait été désintégrée – ou affectée – par le dossier décennal ? Attendez-vous que les gens reprennent confiance en vous ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : En soumettant votre question précédente, vous avez mentionné que nous avons tué l’opposition par le calme, alors que cette question signifie l’incapacité de maintenir la majorité !!!

Ce discours, qu’on a pu qualifier de contradictoire, circule dans l’arène parmi d’autres discours à des fins de propagande, et j’aurais refusé qu’un journalisme sérieux le répète. La vérité est que l’opposition est vivante et présente et exerce son rôle de critique et d’orientation, et que la majorité est également plus forte, plus harmonieuse et cohérente que jamais.

D’un autre côté, il est reconnu que les élections sont le seul indicateur de la confiance et de la satisfaction du peuple à l’égard de son régime et de son gouvernement, ou l’inverse. Je crois que les résultats des récentes élections municipales, régionales et parlementaires ont clairement répondu à ces questions qui ont été fréquemment posées avant et pendant la campagne électorale.

Nos citoyens sont intelligents, conscients, analysent, comparent et tirent leurs informations de la réalité, et eux seuls décident – par le biais d’élections – à qui faire confiance. En dehors de cela, il existe une propagande qui ne trouve aucun fondement dans la réalité.

En revenant aux résultats des élections, nous constatons que la majorité dont vous parlez renforce sa représentation aux niveaux municipal et régional et au Parlement. Ceci si l’on adopte le critère politique purement électoral. Quant à la confiance du peuple mauritanien, qui m’a été accordée lors des dernières élections présidentielles, j’ai œuvré à la renforcer à travers des efforts continus visant à :* Mettre en œuvre un modèle de développement à caractère social, à travers lequel il a été décidé de favoriser les segments les plus pauvres et les plus vulnérables,

* Renforcer la cohésion sociale par une stratégie de synergie et de lutte contre l’exclusion, et en lançant l’École Républicaine dans laquelle tous nos enfants étudient le même programme, sous le même toit, devant le même enseignant et dans le même uniforme.

* Renforcer le climat de calme, de concertation et de respect que nous avons instauré avec tous les acteurs politiques et sociaux,

* S’efforcer de réparer les griefs et de rendre justice à tous ceux qui ont été lésés par une injustice avérée.

* Travailler à tout ce qui permettrait de renforcer et de consolider l’institution et d’accorder et respecter les pouvoirs de tous les cercles de gestion,

* Introduire la digitalisation dans les pratiques administratives quotidiennes afin de simplifier les démarches, d’améliorer le service et d’assurer la transparence,

* Accorder la plus grande importance à la préservation de la sécurité et de la tranquillité du citoyen et à la défense des biens territoriaux du pays,

* Renforcer la présence de notre pays dans les forums internationaux et renforcer notre rôle central dans la région

Alakhbar : Un grand nombre de Mauritaniens souffrent de la faiblesse ou de l’absence des services de base et sont également confrontés à des conditions de vie difficiles. Certains estiment que la principale raison de la hausse croissante des prix dans le pays est l’absence d’autorité en matière de contrôle et de surveillance ; ils étayent leurs dires par le fait que le marché local est toujours affecté par la hausse des prix mondiaux, sans qu’il ne le soit jamais par leur baisse. Ils parlent également de l’influence des hommes d’affaires sur la marche des services publics dont ils tirent les ficelles. Comment voyez-vous la réalité vécue de tous les citoyens ? Quelles sont les mesures que vous avez prises pour l’améliorer ?

Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazouani : Cette question est vraiment importante, même si sa formulation a été influencée par une propagande qui manque de fondement. Ce n’est un secret pour vous que, malheureusement, nous sommes un pays qui importe la plupart de ses produits alimentaires et de ses besoins de consommation, et donc notre niveau de prix est conforme à celui du monde.

Nous nous souvenons également tous de la pandémie (Covid-19) qui a frappé le monde au début de ce mandat, qui a entraîné l’économie mondiale dans une récession et une dépression majeures, avec une hausse des prix et une rupture des chaînes d’approvisionnement.

En outre, la guerre a éclaté entre la Russie et l’Ukraine, ce qui a aggravé et compliqué davantage les choses, car elle a directement conduit à une pénurie de produits alimentaires de base et d’intrants industriels et à une augmentation significative de leurs prix ainsi que du prix du carburant.

Le mouvement manufacturier a également été touché, et le mouvement du transport maritime l’a été plus particulièrement, ce qui a augmenté les coûts de livraison de ces produits et matériels dans notre pays, et en a haussé les coûts, ce qui signifie naturellement une augmentation des prix.

Ces crises ont frappé en plein cœur les plans économiques et de développement dans tous les pays et en ont entravé le déroulement. Les grands pays au potentiel énorme (sans comparaison avec notre pays) ont aujourd’hui de grandes difficultés à faire face aux effets de ces crises : les taux de croissance diminuent, le niveau du déficit et de la dette augmente et la hausse des prix aussi et chaque jour. Alors que dire de notre pays, dont nous connaissons tous le niveau des potentialités et des capacités pour faire face à des crises de cette ampleur ?

Cependant, nous ne sommes pas restés les bras croisés : malgré les effets négatifs de toutes ces crises successives, le gouvernement a su mobiliser des ressources très importantes et est intervenu à temps par un ensemble de mesures. Sans elles, la situation aurait atteint un niveau encore plus dangereux et beaucoup plus difficile.

Au début de la crise du Corona, vous vous souvenez tous que j’avais donné instruction au gouvernement de mettre en œuvre un vaste plan pour faire face à la pandémie et à ses effets sur les citoyens en général et sur les groupes les plus nécessiteux en particulier.

Parmi les mesures les plus importantes prises à cette époque :

• Financement d’un vaste programme d’acquisition d’équipements de santé et de médicaments nécessaires à la prise en charge des patients.

• Création du Fonds spécial de solidarité sociale et de lutte contre le Corona,

• Lancement d’un vaste programme de cash transferts qui a bénéficié à 396 000 familles.

• Prise en charge de la facture d’eau des familles pauvres de Nouakchott (pendant deux mois) et des zones rurales (toute l’année), et 2 055 communautés rurales et 192 000 familles en zone urbaine ont bénéficié de cette prise en charge.

• Exonérations fiscales pour certaines activités économiques (secteur informel) et pour les produits alimentaires de base,

• Soutien de certaines autres couches vulnérables à travers : le doublement des indemnités de retraite, la prise en charge des patients atteints de cancer et d’insuffisance rénale et le versement de subventions mensuelles à ceux-ci,

• La prise en charge de l’assurance maladie de 620 000 personnes,

• la préservation de l’approvisionnement du pays en fournitures de base et médicaments tout au long de la pandémie.

Le gouvernement a également pris très tôt de nombreuses mesures coûteuses pour faire face aux effets de la crise de la hausse des prix, notamment après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne.

L’une des plus importantes de ces mesures est la mise en place d’une centrale publique pour l’achat de denrées alimentaires, en cas de besoin. Cette centrale a acquis de grandes quantités de denrées alimentaires, d’aliments pour bétail et d’engrais afin de stabiliser les prix sur les marchés nationaux.

Afin d’avoir une idée de l’ampleur des efforts entrepris pour atténuer les effets de ces crises, notamment sur les familles aux revenus les plus faibles, le coût des dépenses à caractère social sur la période 2020-2023 s’élève à (623) milliards d’ouguiyas anciennes.

A cela s’ajoutent les dépenses régulières du budget, comme les salaires, le fonctionnement et les investissements, qui ont connu, à leur tour, des augmentations significatives, notamment le poste des salaires, pour augmenter le pouvoir d’achat. Les salaires des fonctionnaires sont passés de 156 milliards d’ouguiyas en 2019 à 242 milliards en 2023.

Parallèlement à ces mesures, nous avons élaboré un plan stratégique visant à renforcer la sécurité alimentaire et à atteindre l’autosuffisance pour certaines cultures agricoles prioritaires. Jusqu’à présent, ce plan a porté l’indice national d’autosuffisance en riz à 89 % et la production nationale de céréales à environ 542 000 tonnes. Nous faisons des progrès prometteurs dans le domaine de la culture maraîchère et des travaux sont en cours pour construire des dizaines de barrages, aménager des canaux d’irrigation et des milliers d’hectares.

Sahara Média : Dans votre programme électoral, vous avez accordé une grande place à la composante sociale, et même après votre arrivée au pouvoir, votre attention sur cette composante était clairement visible, et elle s’est accentuée avec la pandémie (Covid-19) et les répercussions de la guerre en Ukraine, êtes-vous satisfait du résultat ?

Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazouani : En effet, comme je l’ai mentionné plus tôt, nous accordons une grande attention et un intérêt particulier aux groupes à faible revenu et vulnérables. En fait, je ne suis pas convaincu par une stratégie de développement qui ne prend pas en compte la nécessité d’aider les groupes économiquement vulnérables à faire face aux pressions de la vie quotidienne et celle d’augmenter cette aide chaque fois que les conditions financières de l’État s’améliorent.

Il faudra du temps pour récolter les fruits des réformes structurelles visant à parvenir à un développement qui profite à tous les citoyens. En prévision de cela, les groupes économiquement vulnérables doivent être placés dans des conditions qui les aident à attendre le succès des réformes entreprises pour améliorer leur vie.

Forts de cette conviction, nous avons travaillé au cours des quatre dernières années, autant que possible, pour intégrer ces groupes économiquement et socialement, améliorer leurs conditions de vie et renforcer leur accès aux services de base.

A cet effet, nous avons créé la Délégation générale à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion « Taazour » et la Caisse nationale de solidarité d’assurance maladie et lancé plusieurs autres programmes au profit des franges les plus nécessiteuses.

Dans ce contexte, il est possible de souligner quelques chiffres qui illustrent l’attention que le gouvernement accorde aux groupes aux revenus les plus faibles.

Ainsi, 210 000 élèves ont bénéficié de cantines scolaires, les frais des patients atteints de maladies rénales et des nécessiteux (840 patients) ont été pris en charge, et 845 familles s’occupant d’enfants polyhandicapés ont été soutenues par des cash transferts mensuels réguliers de 20 000 mille anciennes ouguiyas.

Des cartes d’invalidité ont également été distribuées à 5 384 personnes handicapées bénéficiant de soins spéciaux et continus, et une assistance sociale a été fournie à 3 357 personnes atteintes de maladies chroniques par le biais de transferts monétaires réguliers.

Les projets de logements sociaux progressent dans toutes les capitales de wilayas, à l’exception de Nouakchott et Zouerate, à travers les travaux de construction d’environ 2 300 logements sociaux et la distribution de terrains aménagés et équipés de tous les services, dont le dernier en date est « Hayat jedida » (Nouvelle Vie) dans le secteur 22 à Tarhil dans la moughataa de Riyad.

Aussi plus de 1,5 million de citoyens ont bénéficié de programmes de Taazour, notamment de cash transferts, d’aide alimentaire et d’assurance maladie. De même, des centaines de milliers de citoyens bénéficieront des services de la Caisse Nationale de Solidarité et d’Assurance Maladie, dont les activités débuteront les semaines à venir. Même si les résultats dans ce domaine sont importants et très positifs, je ne peux pas dire que je suis satisfait de ce que nous avons réalisé jusqu’à présent. Je ne serai satisfait que lorsque chaque citoyen mauritanien aura la capacité de subvenir à tous ses besoins de manière autonome grâce à ses revenus issus d’un travail décent.

Mais je suis optimiste quant à l’avenir et convaincu que nous serons en mesure d’atteindre tous nos objectifs et ambitions de développement.

Sahara Média : l’une des choses les plus importantes que vos adversaires vous reprochent est ce que des mauritaniens appellent « le recyclage de fonctionnaires dans les postes ». Existe-t-il un mécanisme spécifique de nomination ? Et quels sont les critères selon lesquels vous choisissez les fonctionnaires ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : La nomination est soumise à des normes techniques et professionnelles qui tiennent compte des besoins des établissements publics dans le domaine des ressources humaines.

L’expérience est un avantage et non un inconvénient, et quiconque n’est pas empêché par des obstacles juridiques, nous pouvons, sans hésitation, bénéficier de son expertise et de son expérience.

Sahara Média : plusieurs projets d’infrastructures que vous avez lancés lors de votre premier mandat ont connu des retards et des arrêts. Votre mécontentement à ce propos a été évoqué à plusieurs reprises et les mauritaniens ne cessent de se demander : le Président s’est-il vraiment mis en colère ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Nous avons déployé de grands efforts dans le domaine des infrastructures au cours de la dernière période de ce mandat et beaucoup a été accompli dans ce domaine.

Par exemple, en ce qui concerne les infrastructures administratives ont été réalisées, comme le siège de l’Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel, de deux complexes ministériels, de 12 conseils régionaux et d’importantes infrastructures dans le secteur judiciaire.

Au niveau du secteur éducatif, un vaste programme a été lancé visant la construction de 3 600 salles de classe, dont 2 300 salles de classe sont déjà achevées.

Des travaux sont actuellement en cours pour construire des institutions pour le compte de l’enseignement supérieur, telles que l’École nationale d’administration, de journalisme et de magistrature, et un nouveau complexe universitaire pouvant accueillir plus de 11 000 étudiants, ce qui augmentera la capacité de l’université pour atteindre 25 000 étudiants, l’École supérieure du commerce, l’Institut supérieur de numérisation et l’École de formation professionnelle et technique.

Mais, également, dans d’autres domaines comme l’énergie, le pétrole et le gaz, en plus de l’extension de l’Institut supérieur d’enseignement technologique et l’École d’enseignement technique et de formation professionnelle pour la construction et les travaux publics à Riyad.

Au niveau du secteur de la santé, la construction de l’hôpital Sélibabi d’une capacité de 150 lits a été achevée, en plus de 20 centres de santé internes et de 28 points de santé.

Les travaux progressent également dans la construction des hôpitaux d’Aleg, d’Aïoun et de Tidjikdja, l’extension et l’équipement du Centre Hospitalier et le Centre national des spécialités.

Dans le domaine routier, 700 km de routes ont été achevés et réhabilités, et les travaux progressent sur 1 450 km supplémentaires.

Des travaux sont également en cours sur 3 ponts construits pour la première fois dans la capitale Nouakchott (pont de Bamako, pont Hay Saken et pont Carrefour Madrid), en plus du pont qui reliera la Mauritanie au Sénégal dont les travaux sont en état avancé.

Par ailleurs, des travaux sont actuellement en cours sur plus de 140 grands projets d’investissement dont le coût de réalisation dépasse les 500 milliards d’ouguiyas, sachant qu’il est prévu que les travaux s’achèvent avant la fin avril prochain.

ll est vrai que j’ai exprimé à plusieurs reprises ma désapprobation quant au rythme auquel progresse la mise en œuvre de certains projets en raison de plusieurs facteurs, ce qui m’a obligé à demander au gouvernement d’exiger des entreprises exécutantes de prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter les délais contractuels, et j’assure personnellement le suivi quotidien de la mise en œuvre du grand portefeuille de projets.

Sahara Média : Monsieur le Président, après quatre ans au pouvoir, vos convictions ont- elles changé? Quelle est la différence entre un candidat et un président ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Je crois que ce sont les circonstances et le cadre général qui peuvent changer entre deux étapes, pas la personne.

Les exigences et les contraintes de la réalité ne sont pas forcément les mêmes dans les deux étapes.

L’une des convictions que j’avais lors de ma candidature, et qui s’est consolidée avec la pratique, est que la démocratie, la concertation, la justice sociale, la sécurité et les institutions constituent des constantes nécessaires pour parvenir au développement souhaité et construire un État stable.

‎Essahraa : le feuilleton du procès de l’ancien Président, et certains de ses collaborateurs concernés par le « dossier de la décennie » se poursuit, au milieu de discussions ici et là sur des médiations pour y mettre fin. D’abord, êtes-vous au courant de ces médiations? Les accepteriez-vous si elles existent ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : L’une des choses que je considère importantes et fondamentales dans la construction d’un Etat de droit est le respect du principe de la séparation des pouvoirs.

Je voudrais ici rappeler ce que j’ai promis au peuple mauritanien en matière d’engagement en faveur de la séparation des pouvoirs, de la consolidation des valeurs démocratiques et du renforcement de l’état des institutions.

Et ce dossier, comme vous le savez, a commencé avec une commission d’enquête parlementaire, et le Parlement est une autorité indépendante, et plus tard, l’affaire a été soumise à l’autorité judiciaire, qui est également une autorité indépendante, et il n’appartient, donc, pas au Président d’intervenir.

Dans le travail de l’une ou l’autre autorité, la Constitution ne me permet pas de refuser, accepter ou contrôler la marche à suivre ou la médiation dans ce dossier, le pouvoir judiciaire étant seul l’autorité compétente.

‎Essahraa : vous avez dit, il y a quelques jours, que vous laissiez votre dossier de candidature pour un second mandat entre les mains du peuple. Après cela, plusieurs initiatives sont sorties vous demandant de vous présenter. Avez-vous pris la décision de vous présenter ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Il est vrai que j’ai dit que l’affaire était entre les mains du peuple mauritanien, et en particulier de ma majorité politique. La priorité maintenant est au travail, et chaque chose se décide en son temps.

‎Essahraa : Des coups d’état, ou tentative de coup d’état ont été opérés récemment dans plusieurs pays africains. Quelle est votre position par rapport à ces coups d’État ? Les institutions continentales et régionales ont- elles réussi à y remédier ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : En réalité, tout cela doit être vu dans un contexte plus large lié aux circonstances et aux crises difficiles et sans précédent auxquelles font face tous les pays du monde, en particulier dans notre région africaine.

Cela reflète, d’autre part, la capacité des pays à réagir de manière appropriée et à absorber les effets négatifs et multidimensionnels de ces circonstances et crises.

D’une manière générale, la position de la Mauritanie est constante, et elle a été exprimée à plusieurs reprises. Elle consiste à rejeter les changements de régime par des moyens anticonstitutionnels et à considérer les méthodes démocratiques comme la seule voie d’alternance du pouvoir.

Notre approche n’est pas d’interférer dans les affaires intérieures de pays indépendants, et nous travaillons dans des cadres régionaux et internationaux afin d’établir la légitimité et de maintenir la paix dans la région.

Essahraa: la question palestinienne est d’actualité aujourd’hui. Les pays occidentaux ont clairement exprimé leur soutien et leur alignement avec Israël dans cette guerre, tandis que certains pays arabes ont fait des déclarations timides au moment où d’autres sont restés silencieux. La Mauritanie est le pays d’éloquence, comme on dit, pourriez-vous nous exprimer, dans un langage éloquent et clair, votre position sur cette question ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : D’une manière générale, la position de la Mauritanie est constante, et elle a été exprimée à plusieurs reprises. Elle consiste à rejeter les changements de régime par des moyens anticonstitutionnels et à considérer les méthodes démocratiques comme la seule voie d’alternance du pouvoir. Notre approche n’est pas d’interférer dans les affaires intérieures des pays indépendants, et nous travaillons dans des cadres régionaux et internationaux afin d’établir la légitimité et de maintenir la paix dans la région.

‎Essahraa : La question palestinienne est actuellement au cœur des discussions. Les pays occidentaux ont clairement exprimé leur soutien et leur alignement avec Israël dans cette guerre, tandis que certains pays arabes nous ont fait des déclarations timides tandis que d’autres sont restés silencieux. La Mauritanie est un pays d’éloquence, comme on dit, pourriez-vous nous exprimer, dans un langage éloquent et clair, votre position sur cette question ?

Mohamed Ould Cheikh Elle Ghazouani : La position est extrêmement claire, car les dirigeants et le peuple mauritaniens soutiennent le droit du peuple palestinien frère à son État indépendant avec El Qods- Est comme capitale, conformément aux résolutions des Nations Unies, à la légitimité internationale et à l’Initiative arabe.

Nous sommes solidaires de ce peuple qui subit un génocide sans précédent et poussé à l’exode au vu et au su du monde. Je l’ai déjà dit et répété à plusieurs reprises.

Nous avons contacté tous les milieux diplomatique afin de mettre fin, et immédiatement, à cette folle guerre, mais, aussi, pour fournir l’aide humanitaire urgente. Parallèlement à cela, nous soutenons tous les efforts visant à lancer une nouvelle et sérieuse dynamique de paix qui conduira le plus rapidement possible à une solution permanente permettant l’établissement d’un État palestinien indépendant dans lequel le peuple palestinien peut jouir de la sécurité.

 

CRIDEM : Monsieur le Président, vous abordez la dernière année de votre mandat. Dans quelle situation économique et financière aviez-vous trouvé le pays lorsque vous arrivez au pouvoir en 2019 ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : J’ai trouvé le pays dans une situation difficile et les énormes effets négatifs de la crise COVID survenue sept mois après notre accession au pouvoir, conjugués aux dramatiques conséquences de la guerre en Ukraine, ont rendu la situation encore plus difficile : à la fin de 2020 le taux de croissance était de -0,9%.

Devant cette situation, nous nous sommes engagés dans une démarche visant, dans le court et le moyen terme, à :

– Remettre l’économie sur le sentier de la croissance,

– Préserver les équilibres budgétaires et monétaires,

– Réduire le niveau d’endettement,

– Renforcer la confiance des partenaires et des investisseurs en notre pays.

Grace à la persistance dans l’effort et à la qualité de la conception et de la mise en œuvre de notre politique économique nous avons pu :

– Renouer avec la croissance (6,4% en 2022). – Préserver les équilibres budgétaires et extérieurs.

– Réduire le taux de notre endettement extérieur de 27 points, le ramenant de 70% en 2019 à 43% en 2022, grâce aux importants efforts que nous avons entrepris dans ce sens, dès notre accession au pouvoir.

– Renforcer la confiance des partenaires et des investisseurs (les investissements directs étrangers (IDE) ont triplé sur les trois dernières années ; passant de 500 millions USD en 2019 à 1,5 milliard USD en 2022).

Pour renforcer et inscrire ces résultats dans la durée nous avons, à notre initiative, engagé un important programme avec le FMI visant à assurer un accompagnement de haut niveau à la mise en œuvre de réformes structurantes.

CRIDEM – Ces jours-ci, il y’a une polémique autour du projet de loi relatif à la lutte contre les violences faites à la femme et à la fille qui a été rejeté deux fois par le Parlement. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazoauni : Fort des valeurs de l’Islam, qui garantissent aux femmes tous leurs droits, dans le respect et la dignité, et conscient de la nécessité d’une pleine participation des femmes à la construction du développement du pays, nous avons, tout au long des années écoulées, veillé à :

• La consolidation de la participation politique de la femme ;

• La mise en œuvre d’un vaste programme d’autonomisation des femmes ;

• La mise en application des textes juridiques protégeant les femmes contre toutes les formes de discrimination.

Le draft de projet de loi, objet de votre question ; parce que il ne s’agit en fait que d’un draft ; est très différent du projet de loi sur le genre qui fut rejeté par le Parlement en 2017 et retiré volontairement par notre Gouvernement en 2019.

En fait, ce draft de projet de loi auquel vous faites référence a pour objectif, de réfléchir aux mesures les plus à même à préserver davantage la dignité des femmes et de les protéger contre les violences de toute sorte.

Mais, je n’ai pas besoin de vous rappeler que la Constitution stipule que la CHARIA ISLAMIQUE est la source des lois en Mauritanie.

En conséquence, je vous rassure, et à travers vous, l’opinion publique nationale, que tout texte de loi qui enfreint, ne serait-ce que de manière infime ou collatérale les préceptes de notre Sainte Religion, est un texte qui viole la Constitution, dont je suis le garant, et ne pourrait donc, d’aucune manière, être approuvé ou introduit par le gouvernement.

CRIDEM : Récemment, la Mauritanie a fait savoir à BP, qui exploite le projet gazier GTA, de respecter ses engagements. Quelle garantie avez-vous reçu afin que cette protestation ne soit pas juste un cri dans le désert ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Tout d’abord, nos relations avec tous nos partenaires sont régies par la transparence et la permanence de la concertation.

Nous tenons régulièrement des réunions de travail avec nos partenaires et nous recherchons ensemble les solutions aux défis communs et réitérons toujours la nécessité pour chacune des parties de respecter scrupuleusement ses engagements contractuels…

Comme vous le savez, nous somme partenaires avec BP dans deux champs gaziers. Il s’agit du champ GTA que nous partageons avec notre voisin le Sénégal et du champ de BIR ALLAH.

Pour ce qui est du GTA, les engagements auxquels vous faites allusion se rapportent essentiellement aux points suivants:

– le respect du calendrier du FIRST GAS de la phase 1 du projet,

– la maîtrise des coûts du projet,

– la mise en œuvre de la (les) prochaine (s) phase(s) devant ramener le plateau à 10 MTPA (million de tonnes par an) dans l’horizon le plus proche.

Par rapport au premier engagement, et malgré le retard accusé du fait de la Covid19 et de la sous – performance de certains sous-traitants, BP s’est engagé à faire le maximum pour accélérer les travaux restants, et prévoit un début de production à la fin du premier semestre de 2024.

Par rapport au second engagement, l’Etat, à travers la SMH, suit l’évolution et la pertinence des coûts et de tout nouvel engagement.

Par rapport au troisième engagement, nous œuvrons pour une rapide concrétisation du concept de la phase 2 et coordonnons avec le Sénégal, à travers nos sociétés nationales respectives, à ce sujet.

S’agissant de BIR ALLAH, nous avons signé avec BP un contrat de partage de production en octobre 2022 qui comporte plusieurs phases agencées avec des jalons de suivi.

Le prochain jalon est prévu à la fin du mois courant.

Globalement, nous pensons que les objectifs stratégiques des États et des sociétés étrangères sont alignés et consolidés par le dialogue et la concertation permanente.

CRIDEM : Monsieur le président, plus de 8 500 jeunes mauritaniens sont arrivés aux Etats-Unis illégalement en 2023. Les départs continuent, malgré les assurances du gouvernement. Comment comptez-vous répondre à cette hémorragie ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Les jeunes ont toujours été au cœur de mes priorités.

Je suis conscient des situations de vulnérabilité qui marquent une partie de cette population du fait des défis auxquels ils font face comme le chômage et la migration qui sont des phénomènes universels.

Pour faire face à ces défis, notre jeunesse est appelée à tirer profit du potentiel économique important et diversifié dont dispose notre pays et qui offre de nombreuses opportunités d’emplois dans des secteurs prometteurs, tels que l’agriculture, la pêche, les bâtiments et travaux publics ainsi que les services.

Afin que nos jeunes profitent de ce potentiel et des opportunités qu’il offre, ils doivent se libérer de toutes les mentalités et stéréotypes stigmatisant certaines professions et métiers.

Je leur lance, ici, un appel solennel afin de se défaire de ces mentalités qui font obstacles à la bonne mise en œuvre de nos stratégies visant le plein emploi et que nous combattons dans le cadre de notre vision globale de développement intégré de la jeunesse.

Cette vision qui est centrée sur la création d’emplois et d’opportunités pour les jeunes, sur la formation technique et professionnelle qualifiante, la promotion de l’entreprenariat et le renforcement de l’accès aux secteurs productifs créateurs d’emplois et de revenus, tels que l’agriculture, l’élevage et la pêche.

Je suis persuadé qu’en facilitant l’accès des jeunes à des financements adaptés et de long et moyen terme, et en développant les outils d’accompagnement de l’entreprenariat jeune, nous arriverons à inverser la courbe du chômage et à amorcer une nouvelle dynamique de l’implication des jeunes dans le processus de développement économique et social de notre pays.

Aussi, capitalisant sur nos acquis dans ces domaines, nous comptons lancer, les semaines à venir, un vaste programme de promotion de l’emploi des jeunes par la valorisation des opportunités agricoles.

Le Rénovateur Quotidien : Monsieur le président, la Mauritanie est très riche sur le plan des ressources économiques mais très appauvrie par des décennies de pillage des deniers publics qui gangrènent l’administration. Malheureusement, les auteurs de ces crimes sont rarement envoyés en prison, s’ils ne sont pas tout simplement récompensés par des postes juteux. La traduction devant la justice de l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz augurerait-elle de la fin de l’impunité ?

Mohamed Ould Cheikh EL Ghazouani : La gabegie, depuis des décennies, endigue, par ses effets destructeurs, le développement économique et social de notre pays.

C’est incontestable et je vous l’accorde.

Ce phénomène est d’ailleurs universel. Aucun pays n’y échappe quel que soit la force de ses institutions et la richesse de son expérience en matière de bonne gouvernance.

Cependant, je rejette entièrement la tacite insinuation de votre question qui laisse sous-entendre un laxisme de notre part dans la lutte contre ce phénomène.

En effet, dès les premiers jours de notre mandat, nous avons entrepris de mettre en place une nouvelle stratégie de lutte contre la gabegie et la corruption, institutionnalisée et marquée par la rigueur et le refus systématique de la partialité et du règlement des comptes.

Vous ne pouvez pas ne pas avoir constaté l’important regain de dynamisme dans la lutte contre la gabegie et la corruption que traduit, entre autres,

– Le rattachement de l’Inspection Générale d’Etat à la Présidence de la République et son renforcement en terme de moyens et en ressources humaines qualifiées,

– La mise à jour de la cartographie des risques en matière de gestion,

– Le renforcement des inspections internes,

– La modernisation du code de passation des marchés,

– la publication pour la première fois des rapports de la cour des comptes, et j’en passe.

D’autre part je peux vous assurer que chaque fois que nous avons reçu, dans sa version définitive le rapport de contrôle d’une structure, nous avons immédiatement pris les dispositions et mesures qui s’imposaient.

Tous les responsables impliqués ont été sanctionnés suivant la gravité des faits qui leur sont reprochés. Parfois la sanction fut administrative, d’autre fois les concernés se sont retrouvés devant la justice.

Certes, cela se faisant sans tapage ni publicité, mais il se faisait systématiquement et rigoureusement.

Je voudrais maintenant en guise de conclusion à ma réponse rappeler que le combat contre la gabegie et la corruption doit être le combat de tous : les imams, les leaders d’opinion, les responsables politiques, la société civile…

Nous devons ensemble travailler à reformer les mentalités pour améliorer le rapport du citoyen à la chose publique.

Pour ma part, je vous réaffirme ici ma ferme volonté de lutter contre la gabegie et compte sur votre soutien à tous pour remporter ce combat, car, pour nous, il n’y a pas d’autre alternative.

Le Rénovateur Quotidien : Monsieur le Président, au terme de votre premier quinquennat et à quelques mois de la prochaine élection présidentielle comptez-vous rempiler pour un second mandat ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani : Cette question nous a été déjà posée et vous avez eu certainement connaissance de notre réponse. Servir mon peuple est toujours pour moi un honneur.

Le Rénovateur Quotidien : Des voix continuent de s’élever dans certains milieux des droits de l’homme et largement à travers les réseaux sociaux, mettant en cause l’enrôlement biométrique à « double vitesse » qui bloque l’accès à l’état civil à la majorité des négro-africains établis en Mauritanie et à l’étranger sans exception, dans les bureaux des registres sécurisés. Cette situation est également dénoncée régulièrement par les victimes des événements de 1989 revenus du Sénégal ou encore restés dans ce pays. L’Etat mauritanien n’a -t-il pas un devoir de redevabilité vis-à-vis de ces milliers de citoyens privés de leurs droits ?

Mohamed Ould Cheikh El Ghazoauni : Je dois rappeler que dans le cadre de l’opération d’identification des populations, j’ai engagé, lors du conseil des ministres tenu le 12 juillet dernier, le Gouvernement à davantage d’implication dans la campagne de sensibilisation pour assurer la réussite de l’opération d’enrôlement des populations.

Dans le cadre de nos efforts visant à rapprocher l’administration des citoyens afin qu’ils bénéficient de l’ensemble des services administratifs dans la célérité, l’équité et la transparence, nous avons tenu à ce que cette campagne qui vient compléter le processus démarré en 2011, aille vers les populations qui ont des difficultés à accéder à l’état-civil lequel est un droit fondamental de tout citoyen et dont dépend la jouissance de nombreux droits.

Le Gouvernement est résolument engagé à mettre en place tous les moyens nécessaires afin que l’opération soit couronnée de succès.

Cette campagne qui couvre toutes les communes du pays, est conduite suivant un processus qui associe les imams, notables, et autres personnes ressources. Elle a permis jusqu’ici l’enrôlement de plus de 238.000 personnes et je peux vous assurer que tout sera mis en œuvre pour que chaque citoyen mauritanien soit biométriquement enrôlé.

Le 31 octobre 2023
Tiré de Cridem