Détournements de cartes d’identité à l’état-civil ?

H.G. est une jeune mauritanienne d’une vingtaine d’années. Constatant diverses erreurs dans l’orthographe française de son nom sur sa carte d’identité et soucieuse d’assurer d’éventuelles études supérieures dans l’Hexagone, elle adressait, voici plus d’un an, un dossier à l’état-civil du Ksar, afin d’obtenir de nouveaux papiers exactement conformes à son acte de naissance. Une fois toutes les formalités accomplies – photo et empreintes digitales enregistrées audit service – elle lui remit son ancienne carte, en échange d’un reçu en bonne et due forme.

Mais jeunesse est souvent insouciante et, sans besoin immédiat de sa nouvelle carte, H.G. laissa passer plusieurs mois avant de songer à la récupérer. Jusqu’à, hélas, égarer le reçu a priori indispensable à cette fin. Courant Avril 2023, elle se rend à nouveau à l’état civil du Ksar pour y apprendre que sa nouvelle carte n’aurait, en fait, jamais été établie… faute, lui prétend-on, d’empreintes digitales ! Certaine, cependant, que celles-ci lui avaient été bel et bien prélevées, elle s’informe auprès d’un tiers qui lui conseille d’attendre la clôture des listes électorales pour vérifier sur le site de la CENI si son nom et son numéro de carte d’identité n’y sont pas inscrits.

Et voici qu’une semaine avant le scrutin, elle découvre qu’ils y figurent effectivement ! Depuis le 2 Février – soit deux mois avant les dernières affirmations de l’état-civil du Ksar… – au crédit d’un bureau de vote à Bennichab en Inchiri où elle n’a évidemment jamais mis les pieds. Elle relève toutes les coordonnées dudit bureau et retourne à l’état-civil du Ksar dont elle croise le directeur qui se contente d’opposer à sa plainte un cinglant  » pas de reçu, pas de discussion « . Et la demoiselle de s’adresser en suivant au commissariat le plus proche qui se dit pour sa part  » pas concerné  » et l’envoie à la mairie. Une dame adjointe au maire l’y écoute attentivement et lui recommande de se rendre au siège de la CENI.

 » Il te faut en parler directement au président de la commission « , l’y informe-t-on. Mais celui-ci est totalement débordé de travail en cette avant-veille d’élections. Pour finir, elle se retrouve devant un responsable des bureaux de vote. Celui-ci évoque de  » nombreux vols de cartes d’identité en divers bureaux d’état-civil « … sans préciser lesquels.  » On ne peut rien faire « , lui assure-t-il de surcroît,  » même pas bloquer le vote de la personne qui a usurpé votre identité. La seule solution, pour vous, est de déclarer la perte de votre carte dans un commissariat de police et de transmettre les références de votre déclaration à un service d’état civil qui désactivera votre carte et vous en établira une nouvelle.  »

Cas isolé ? Durant ces péripéties, H.G. a eu vent de quatre mésaventures analogues en son proche entourage. C’est déjà largement assez pour qu’une enquête approfondie soit diligentée, afin de mettre à jour les procédés et les éventuelles compromissions administratives qui ont permis de tels détournements.

BEN ABDALLAH