[Réédition] Le catalogue des exclusions des Haratine

Extrait de la thèse « L’abolition de l’esclavage en Mauritanie et les difficultés de son application », Mohamed Yahya Ould Ciré

2) Le catalogue des exclusions des Haratine

Les Haratine dans leurs rapports avec les Maures font l’objet  de diverses exclusions. Nous en retiendrons certaines qui nous paraissent être les plus significatives.

Certaines de ces exclusions stigmatisent les Haratine, il en est ainsi de leur noms. D’autres, nous intéressent du fait que les Maures justifient l’esclavage par l’Islam, en même temps qu’ils pratiquent des discriminations, à l’égard des Haratine, contraires aux principes de l’Islam telles que l’impossibilité d’être imam, d’aller à la Mecque, de faire la prière aux morts, etc. Ces pratiques témoignent de l’instrumentalisation de la religion dans le but de préserver les intérêts des Maures.

a) Le stock des prénoms

Les Maures ont des prénoms particuliers pour les Haratine. Le mépris inhérent à la pratique de l’esclavage fait que dès que les esclaves sont capturés ou achetés, des prénoms spécifiques leur sont attribués. Ces prénoms, en eux-mêmes, suffisent pour les identifier. Ces prénoms sont ainsi différents de ceux des esclavagistes ou des personnes de condition libre.

Les prénoms réservés aux esclaves mâles sont, Bilal, Werzeg, Imigine, Moïsse, Mousse, M’bareck, M’boïrick, Boïlil, Maâtalla, Saâleck, Sweïlick, Saïd, Breïkë, Messaoud, El Keïhil, Haïmir, Meïloud, etc.

Pour le sexe féminin, on retrouve des prénoms comme M’Barke, M’Boïrike, M’Bïyirke, Khweïdim Allah, Khadim Allah, Jabha Allah, Aïcha, Meïmouna, Coumba, Coumboïtte, Saalke, Ukneeïba, Sweïleme, Saalme, etc.

La capture violente ou l’achat des esclaves, suivis des prénoms imposés, constituent le deuil de la liberté et de l’origine: “D’où, pour les descendants d’esclaves, la difficulté insurmontable à dépasser la mort sociale originelle et  à se faire connaître comme personne à part entière.”[1]

Les prénoms sont une marque indélébile. Par leurs prénoms les esclaves sont enfermés dans leur statut à vie. C’est la première étape de leur dépersonnalisation. C’est aussi du racisme parce que par ces prénoms, les Esclaves sont automatiquement différenciés des Maures.

A suivre


[1] Roger Botte «De l’esclavage et du daltonisme dans les sciences sociales » in Journal des africanistes, Editions  société des Africanistes, 2000,  p.12.