Serions-nous capables de démentir un jour l’administrateur colonial français, Gabriel Féral qui a exercé à Kiffa au début des années « 40 », quand il a dit dans le » Tambour des Sables » que: « le seul régime qui sied aux Maures, c’est l’anarchie »?
Il est évident que la Mauritanie, à l’instar des autres pays d’Afrique, peut se tracer une autre voie, loin de l’anarchie, proche des principes de l’Islam, en s’inspirant d’autres modèles de développement, tout en sachant que l’exercice de la démocratie occidentale libérale ne serait d’un cache-misère, et pour elle et pour le reste de l’Afrique.
Sans doute l’Histoire donnera raison à l’ancien président français Jacques Chirac, comme c’était déjà le cas pour son concitoyen René Dumont, quand, à l’orée des indépendances africaines en 1960, cet écrivain a osé soutenir par des arguments tangibles que : « L’Afrique noire est mal partie ».
La publication de ce visionnaire a soulevé un tollé, particulièrement auprès des élites africaines en ces moments de bon aloi, d’espoir, et surtout de « fierté retrouvée ». Car nos braves figures de proue croyaient, au départ des colons, pouvoir amener leur continent à bon port, avec, tenez-vous bien, un héritage que leurs ancêtres ne leur ont point légué….
Et voilà que les maudites causes qui ont empêché l’Afrique de décoller au sortir de la domination coloniale, commencent à produire les mêmes effets qui risquent de plomber, encore une fois, l’aspiration des peuples africains à « savourer les dividendes » de la démocratie à l’occidentale, de surcroît libérale.
Le piège a marché il y a plus de soixante ans, la balkanisation de l’Afrique en Etats nains, l’orientation déséquilibrée de son économie (agriculture, élevage traditionnels) voulues par les colons, aidant. Ce même deal de marchands de tapis volants, n’en finit pas d’entretenir des inhalations chimériques chez nous, surtout depuis le diktat de la Baule du mois de Juin 1990, sous l’égide de l’ancien président français François Mitterrand. Ce même Mitterrand, avec un allant paternaliste qui a tenu un discours de type « Munichois » et qui a exigé d’une kyrielle de chefs d’Etats francophones, d’enclencher le pluralisme démocratique aussitôt, consécutif à la chute du mur de Berlin.
Pourquoi en ces temps difficiles l’aveuglement des pouvoirs africains les a-t-il pousser jusqu’à ignorer que l’Afrique a aussi ses propres réalités, autres que de vouloir les calquer sur les coutumes helléniques, ou hellénistiques voire judéo-chrétiennes.? Une civilisation donnée, dans un point du globe donné, est orientée vers un processus naturel constant destiné à finaliser les différentes étapes de son aboutissement, jusqu’à sa disparition inexorablement. La culture du monde occidental a abouti à la démocratie libérale. Ce qui n’est pas le cas dans plusieurs contrées du globe. Alors pourquoi l’Afrique doit-elle imiter indéfiniment l’Occident au risque de renier ses propres valeurs?
Si oui, expliquez-moi pourquoi qu’à chaque processus démocratique majeur (élections présidentielle ou législative ), il faut créer une CENI (commission électorale nationale indépendante) pour surveiller si ce ne sont le bourrage des urnes, les multiples fraudes ou le tripatouillage de la constitution et..et …et…?
C’est l’histoire du corbeau, qui en voulant imiter la marche du canard, sans y parvenir, a eu le mauvais réflexe d’oublier de sitôt la sienne. Alors, depuis cette expérience malheureuse notre corvidé ne fait que sautiller d’un point à un autre…Comme notre chère Afrique, incapable de s’inspirer de ses propres valeurs, afin d’inventer un modèle endogène, au lieu de reproduire ou d’imiter comme un artiste, aussi peu talentueux, l’inventivité des autres.
Jacques Chirac qui était un ami de notre continent, n’a pas eu tort quand il a dit que la » démocratie à l’occidentale n’est pas faite pour l’Afrique « . Certains rétorqueront que la démocratie n’est pas la fin de l’Histoire, qu’elle peut en être d’ailleurs que le commencement et qu’avec son apprentissage à long terme, sa pratique pourrait porter des fruits de moindres maux que la dictature ou l’autocratie.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la démocratie occidentale est inhérente à la civilisation occidentale aux plans ontologique, cosmogonique, ou encore de par sa weltanschauung depuis Périclès, le père de la démocratie radicale grecque, Thucydide, Platon (pour sa République) ou le magister Aristote( pour sa logique).
Dites-moi quel est l’africain qui peut revendiquer un ancêtre parmi ces grecs? La civilisation occidentale est née au bord de la méditerranée. Elle a son mode de vie, ses codes, (je suis même tenté de dire génétiques), ses valeurs cardinales. Elle place l’homme, le plaisir de l’homme ou l’épanouissement de celui-ci au cœur de ses préoccupations. Quand on voit une famille européenne dénudée sur une plage, en vacances ou en villégiature, ce n’est point de la dépravation, ni même de l’arrogance, encore moins le jeu de Satan. Non, loin de tout ça, c’est juste l’aboutissement d’une culture puisée d’un patrimoine,fruit d’un hédonisme ou d’un épicurisme qui ont prévalu depuis que le mythique Prométhée a volé le feu aux dieux.
Je défie une famille nucléaire africaine respectable de se promener, le papa en short, torse nu, la maman en maillot de bain, les filles en bikini, sur une plage à Nouakchott ou à Dakar !!! C’est inimaginable, parce que cela ne relève pas de nos coutumes ancestrales ou musulmanes. Contrairement en Occident où toute la libido de l’homme est investie sur la recherche du plaisir et l’évitement du déplaisir. On ne vit qu’une seule fois et il faut en profiter, selon le célèbre poème d’Horace du carpe diem (cueillir le jour).
C’est dans cet esprit des « lumières » que l’Occident a prétendu apporter au reste du monde « sauvage » sa civilisation; d’où l’idée de « coloniser .pour civiliser » Après la 2éme Guerre Mondiale, pour continuer d’avoir la main sur les anciennes colonies, il fallait créer un autre cadre légal qui jugule toute idée salvatrice chez les bougnoules que nous sommes, et qui soit toujours propice à la domination.
C’est ainsi que des slogans pompeux tels les droits de l’homme, la bonne gouvernance, le pluralisme démocratiques sont nés. Mais soyez sûrs qu’on peut bombarder l’Irak, détruire la Libye (pour déstabiliser le Sahel), tuer Saddam, Kadhafi, sans être capable de blâmer Israël qui extermine pourtant le peuple palestinien tous les jours depuis1948. On peut également stigmatiser et chasser les émigrés africains tout en accueillant les réfugiés Ukrainiens à bras ouverts.
Voilà que les astuces échafaudées par l’Occident pour défendre ses intérêts diplomatiques, économiques pour ne pas dire stratégiques ou civilisationnels, sont désormais connues du monde entier. La guerre en Ukraine et l’origine de ses causes inavouées, entre dans cette volonté de Moscou à sortir de cette unilatéralité imposée par l’Occident , pour bâtir un autre monde multipolaire. L’Occident ne fait que défendre ses intérêts, le reste du monde aussi, mais cette hypocrisie n’a que trop duré.
A/ Démocratie occidentale ou trompe l’œil ?
En dehors de la sphère africaine ou de quelques dictatures d’Amérique Latine, il est rare de voir les pays occidentaux imposer leur démocratie. Pourquoi n’imposent-ils pas leur modèle au Qatar, aux Émirats ou à l’Arabie? C’est que les instruments du FMI et la Banque Mondiale, en somme les officines de Bretton Woods ne sont orientées, tropicalisées que sur les ressources naturelles abondantes (fer, or, bauxite, uranium, pétrole, gaz etc…) du continent africain.
Et pour mieux exploiter ces richesses, les occidentaux exigent leur démocratie ,en prônant la « bonne gouvernance », les droits de l’homme, la libre entreprise..; un subtil moyen destiné à « pacifier l’espace public » pour que leurs firmes et leurs sociétés puissent engranger le maximum de bénéfices sur le dos des indigènes. L’Occident a peur des « dictateurs » et des « autocrates » qui peuvent souvent s’avérer être de vrais patriotes, prêts à défendre les intérêts supérieurs de leurs nations, tels Vladimir Poutine ou Xi Jinping de la Chine Populaire.
L’exercice de la démocratie en Afrique est le cheval de Troie des occidentaux qui consiste à contrôler et à maintenir les élites et les peuples africains sous leur domination, afin de les empêcher de s’épanouir. Un exemple, on condamne le coup d’Etat au Mali et on tolère celui survenu au Tchad. Pire, depuis le 24 février 2022, date à laquelle la Russie a envahi l’Ukraine, il ne se passe un jour sur les plateaux des télévisions françaises, sans qu’on souhaite le changement de régime au Kremlin, soit par voie de coup d’Etat, soit par assassinat, ou mort subite, ou autre révolution de palais etc…
Ce n’est pas pour les beaux yeux des africains que les occidentaux exigent d’eux l’exercice démocratique. Non et non. .Pour mieux exploiter le continent et faire de « bonnes affaires », les firmes occidentales ont besoin d’un minimum de stabilité. Pendant que nos parlementaires et nos partis politiques se chamaillent sur la création de la CENI, les listes électorales, ou comment endiguer la fraude etc…nos matières premières sont exportées à moindre frais vers le « monde libre ».
La diversion n’a que trop duré et l’Afrique qui ne manque pas de sagesse ancestrale, qui a ses coutumes, ses us, doit inventer un modèle de développement inhérent à sa vision du monde. Car l’Afrique n’est pas tombée du ciel, elle a sa propre civilisation qu’elle doit adapter à son mode de vie, tout en balisant son propre chemin. Certes cela n’est possible qu’avec des dirigeants patriotes, peu portés sur l’argent du contribuable.
B/ Le modèle occidental a ses limites:
Le modèle occidental, calqué sur les réalités africaines a montré ses limites. Certes, au départ on pouvait bien s’inspirer de la démocratie libérale, à savoir un homme, une voix. Mais comment peut-on parler de démocratie au Togo, au Cameroun où depuis plus de 30 ans il n’ y a a pas d’alternance? Quelle différence entre ces deux présidents Eyadema et Biya et l’autocrate de la Corée du Nord, Kim Jong-Un ? Au moins, lui il assume.
En Mauritanie, les séquelles vivaces du tribalisme et du clanisme nous rapprochent plutôt de l’anarchie. Mais a-t-on besoin d’un démocrate quant à l’application de la justice, de la bonne gouvernance ou de la moralisation de la chose publique? En république islamique de Mauritanie, on a juste besoin de rendre possibles les préceptes de l’Islam, tels : tu ne mentiras point, tu ne tueras point, tu ne voleras point…..
Nul besoin d’être démocrate quand on veut raser le carrefour Madrid à Nouakchott, déplacer les bourses de voitures aux alentours, afin de donner un joli visage à notre capitale. Nul besoin d’être un démocrate quand on peut équiper nos hôpitaux en instruments indispensables, nos écoles en fournitures, nos villes en électricité et en eau suffisantes etc…A quoi sert la démocratie à l’occidentale quand tout va mal?
Nous avons nos valeurs, nous aussi, imbibées de notre sainte religion et qui nous prodiguent les bons enseignements indispensables à l’édification cette fois d’un Etat de droit où chaque citoyen se sentira intégré, épanoui, loin des chants de sirène mercantiles de l’Occident.
Mais encore faut-il que les africains osent renier ce complexe originel à l’égard de toutes ces contrées lointaines et se muer enfin de compte en dignes fils salvateurs de leur continent rabougri, souffreteux, et surtout martyrisé des siècles durant. Car la démocratie occidentale libérale appliquée aux réalités africaines n’est qu’un trompe l’œil, juste une copie, autrement, une asymptote de l’originale./.
Ely Ould Sidahmed Ould Krombele