À défaut de s’entendre pour lancer des concertations consensuelles et inclusives – le processus fut unilatéralement interrompu il y a quelques mois – le gouvernement et les partis de l’opposition sont parvenus, après quelques tours de table, à un consensus autour de l’organisation des prochaines élections qui, il faut le reconnaître, pourraient être anticipées.
Un miracle ? C’est le moins qu’on puisse dire car le gouvernement, la majorité et leurs contestataires nous ont toujours étalé leurs divergences au grand jour. Entre forcing de celui-là et boycott de certains partis de l’opposition, quel a été le secret du ministre de l’Intérieur, accusé, quand il occupait le poste de dircab de faire la pluie et le beau temps ?
Son expérience dans la gestion des élections entre 2006-2007 ou la confiance de son ‘’frère’’, le président de la République ? Il a su, en tous les cas, accomplir ce premier pas… mais on l’attend pour la suite, surtout quand il s’agira de mettre en place une CENI et de passer aux opérations de vote. Saura-t-il laisser la main libre à celle-ci ? On l’espère, on l’espère…
L’accord signé entre le gouvernement et les partis politiques démontre combien l’opposition mauritanienne peine à se relever et à parler d’une même voix depuis l’élection d’Ould Ghazwani en Juin 2019.
Durant ces trois dernières années, c’est en petits groupes qu’elle a travaillé. Les partis représentés au Parlement d’un côté et le restant de l’autre. Avec de surcroît un Biram en cavalier seul. Du coup, le débat républicain est quasiment devenu inaudible, sauf sur la Toile.
La (trop ?) longue période de grâce accordée au Président a fortement accentué l’agonie de l’opposition. Conséquence, le gouvernement a pu arguer de la division de celle-ci pour interrompre un processus de dialogue pourtant très attendu des Mauritaniens qui espéraient y voir abordé l’essentiel de leurs problèmes avec, au final, des solutions consensuelles.
Tous les partis avaient réussi à concocter une feuille de route autour de thématiques très importantes pour l’avenir du pays :unité nationale dont on ne cesse de parler depuis des années sans énoncer de solutions qui satisfassent tout le monde ;résolution définitive du passif humanitaire (déportation des négros-mauritaniens vers le Mali et le Sénégal, exécutions extra-judiciaires de militaires négro-mauritaniens dans les casernes, etc.) ;réforme de l’enseignement, avec notamment la place des langues pulaar, soninké et wolof ;résolution de l’esclavage et de ses séquelles ; bonne gouvernance devenue urgentissime à régler après la décennie d’Ould Abdel Aziz et les accusations graves dont il est accusé ; indépendance de la justice, etc.
Ces questions polluent depuis des années la vie politique et la démocratie mauritanienne. Presque tous les acteurs de la scène politique et de la Société civile sont d’accord sur l’urgence d’y apporter des solutions consensuelles mais la volonté politique du système militaire qui gouverne le pays depuis 1978 a manqué. L’élection de Sidi ould Cheikh Abdallahi en 2007 avait pourtant entrouvert la porte et permis de rapatrier des milliers de mauritaniens déportés au Sénégal.
L’espoir fut stoppé net par le coup de force de Mohamed ould Abdel Aziz qui entendit, lui, noyer le poisson avec un accord signé à la sauvette, espérant solder ainsi la question dans un volet purement militaire. En vain. Puis la gabegie est venue miner plus encore le terrain.
On connaît la suite. Aujourd’hui, la question du passif humanitaire divise les partis politiques : ceux à leadership noir – dont certains n’arrivent toujours pas à se faire reconnaître par les autorités – en réclament le règlement avec celle de l’esclavage et de ses séquelles, d’autres traînent les pieds, quand ils ne donnent pas carrément dans le déni.
Passions préélectorales ?
En prenant le pouvoir, le président Ghazwani a cependant entamé dans la discrétion le règlement de ces dossiers. Si les tractations se poursuivent, les approches divergent. Le pouvoir qui a déclaré son intention de parvenir à une solution globale et définitive s’est ainsi retrouvé dans l’imbroglio des associations concurrentes, dont certaines réclament justice, fusse-telle transitionnelle, quand d’autres poursuivent des objectifs plus globaux.
On assiste, depuis quelques jours, au retour des démons de la division et de la haine, en particulier sur les réseaux sociaux. Occasion pour les extrémistes de hausser le ton et de prôner ici la répression, là la radicalisation, à l’instar du président de l’IRA.
Ce candidat potentiel pour la présidentielle de 2024 se dit menacé de mort par les sbires du régime. Nous abordons donc assez passionnément le premier virage des élections locales de 2023, avant la présidentielle de 2024.v L’intégration effective des langues nationales pulaar, soninké et wolof dans le discours républicain reste une revendication séculaire de leurs locuteurs. Apparemment décidé à y répondre en fondant une école républicaine visant à consolider l’unité nationale et la cohésion sociale, le gouvernement a fait adopter une loi d’orientation portant réforme du système éducatif.
Mais celle-ci est fortement contestée par les associations pour la promotion de ces langues nationales et l’Organisation pour l’officialisation desdites langues (OLAN) dont les observations n’auraient pas été prises en compte dans le texte. La solution à tous problèmes passe par la tenue d’un dialogue inclusif, ne cessent de clamer l’APP, les FPC, l’AJD/MR, l’UFP et consorts. Un dialogue que certains faucons du pouvoir se refusent toujours à entendre.
Avec l’accord obtenu il y a quelques jours dans la préparation des élections, tout porte à croire que l’examen des autres points de la feuille route des partis en vue du dialogue est reporté aux calendes grecques. Comme le dit le président d’un de nos partis politiques, « nombre de nos homologues ne sont préoccupés que par les élections, […] l’unité nationale et la cohabitation ne les intéressent pas ». Le ministre de l’Intérieur a découvert cette faille au sein de l’opposition et y a bâti son accord.
Très court terme, donc… Celui-là sera-t-il même appliqué de manière consensuelle ? La question mérite d’être posée dans la mesure où certains partis ont exprimé leurs réserves, notamment Tawassoul, alors que, non reconnus, d’autres ont été carrément laissés en rade… Bref, la marmite est bel et bien toujours sur le feu.
Dalay Lam
Le Calame