L’esclavage en Mauritanie : persistance des pratiques

Samory Ould Beye, Syndicaliste, activiste des Droits Humains et Leader d’Opinion

Ce phénomène odieux, banni dans le monde, malgré qu’il constitue un affront pour la communauté internationale, une insulte à l’humanité et une violation grave des droits de l’homme persiste encore en Mauritanie sous ses formes classiques que modernes. Pays qui constitue le dernier bastion de l’esclavage et ce en dépit de la déclaration universelle des droits de l’homme, de la charte des Nations Unies ainsi que la charte de l’OIT, ratifiées par la Mauritanie.

Face à ce phénomène, La Mauritanie depuis son indépendance à nos jours ne fait que duper l’opinion internationale en donnant l’impression que des efforts sont menés pour éradiquer les pratiques de l’esclavage, lesquelles pourtant sont restées profondément ancrées au sein d’une société rétrograde et réfractaire au respect des valeurs morales et fondamentales de l’homme.

Dans cette tentative malsaine de tromper la communauté internationale, l’Etat mauritanien dès sa naissance en 1960 à entrepris un ensemble d’actes et de mesures soit disant visant à éradiquer l’esclavage et ses séquelles ainsi que toutes les formes de discrimination et de racisme.

C’est ainsi qu’en 1961,une année après son indépendance, dans une perspective d’accéder au concert des nations et en vue de disposer d’un siège aux nations Unies, il inclue dans la constitution du pays des clauses qui interdises les pratiques de l’esclavage et toutes les formes de discrimination raciale ,déclarant aussi que tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs.

Or, ces principes n’ont jamais été appliqués en pratique, tous les actes pris en vue de l’éradication de l’esclavage sont transgressés et finissent par moisir dans les tiroirs sans qu’ils ne soient mis en œuvre, tout Ceci peut être démontré par ce qui suit :

1Le 20/06/1961, l’Etat mauritanien ratifie la convention n° 29 de l’OIT sur le travail forcé non rémunéré (l’esclavage).

Chapitre I-dispositions générales, article 5 qui stipule dans son deuxième et troisième paragraphe : « est interdite également, toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat de travail et dans laquelle une personne fournirait un travail ou un service pour lequel elle ne s’est pas offerte de son propre gré ».

Cette convention fondamentale de l’OIT ratifiée par la Mauritanie une année après l’indépendance compte tenu de son importance elle n’est ni respectée ni mise en œuvre. Les dispositions reprises dans le code du travail national, n’ont jamais eu de textes d’application permettant aux inspecteurs du travail de connaitre de cette question sensible.

2 –le 16 mai 1966 la lettre circulaire du ministre de la justice et de l’intérieur Mohamed Lemine Ould Hamoni sous le titre (disparition de l’esclavage) adressée aux autorités régionales et départementales de l’époque son préambule je cite :

« Mon attention est quotidiennement attirée sur la survivance des pratiques esclavagistes incompatibles avec la constitution de la république islamique de Mauritanie ». Cette lettre forme d’acte juridique, bien ficelée n’a pourtant pas résonnée chez les esclavagistes, dans une période où l’esclavage florissait en tant que richesse de grande valeur qui fait l’orgueil des maitres, richesse don de Dieu disent-ils oubliant que l’islam est venu pour libérer l’homme, bannir l’esclavage, assoir les bases de la justice, le respect des valeurs morales et spirituelles.

3– 25 janvier 1963 La loi n° 63.O23du instituant le code du travail national, interdit formellement le travail forcé non rémunéré ainsi que toutes pratiques contraires à la liberté d’embauche, article 3 du livre I du code du travail : « le travail forcé ou obligatoire non rémunéré désigne tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré » .

4-l’ordonnance du 9/octobre 1981 abolissant l’esclavage, intervenue après le mouvement de révolte des harratines contre leur statut et leurs conditions d’esclave et d’opprimé au début des années 1980 (naissance du mouvement ELHOR) : Organisation pour la Libération et l’Emancipation des Harratines de Mauritanie.

5-la loi foncière ordonnance n°83.127 du 5 juin 1983

Cette loi portant la réorganisation foncière et démoniale stipule en ses articles 1er et 3, l’article 1 la terre appartient à la nation et tout mauritanien sans distinction d’aucune sorte, peut en se conformant à la loi en devenir propriétaire, pour partie ;

Article 3 le système de la tenure traditionnelle du sol est aboli.

6-la loi n°200748 du 03 septembre 2007 criminalisant l’esclavage abrogée et remplacée par la loi incriminant et réprimant les pratiques esclavagistes voir les articles 1 et 2- article 2 : l’esclavage constitue un crime contre l’humanité, il est imprescriptible. Malgré la pertinence de ces dispositions, tous les mauritaniens témoignent que l’esclavage est encore pratiqué à grande échelle en Mauritanie et les nombreux cas récents décelés en (2O19, 2O20, 2O21 2O22) en est la preuve tangible irréfutable.

7l’AGENCE TADAMOUNE

Crée pour soit disant le développement et assistance aux populations des ADWABAS, née sous la demande insistante de la communauté internationale demandant au gouvernement mauritanien la mise en place d’une structure, forme d’office, d’un haut commissariat ou d’Agence qui aura en charge la politique de développement économique et social de la population harratines (anciens esclaves), structure qui sera dotée des moyens aux hauteurs des taches ciblées.

L’Etat mauritanien ne s’est pas fié des recommandations de tous les intervenants, il crée l’Agence Tadamoun et lui confère plusieurs autres missions, déviant ainsi de sa mission initiale comme fut le cas de TAAZOUR qui elle a pris un virage 90° dans le sens opposé de sa mission annoncée au départ lors de la campagne électorale présidentielle, mais ça fait partie des duperies.

8la feuille de route devenue loi votée par le parlement au mois d’Aout 2015.

Cette feuille de route mise en place en collaboration avec les experts des Nations Unies qui constitue un cadre logique bien élaboré, prévoit entre autres ce qui suit :

1°-condition d’accès à la terre : devenue expropriation des terres des paysans ;

2°– l’exécution des décisions de la justice : choses qui n’ont jamais eu lieu et les dossiers ne cessent de s’accumuler au niveau des tribunaux sans qu’ils ne soient traités .;

3°– créer et garantir le suivi des structures d’enseignement des enfants des anciens esclaves : alors que la situation de l’enseignement des enfants harratines est chaotique (voir dans les adwaba ;

4°- encouragement de l’entreprenariat des victimes de l’esclavage : si ce n’est, l’exclusion et la discrimination systématique aucune promotion ;

5°– l’éducation obligatoire : une loi sans objet, les enfants, particulièrement ceux des harratines sont visibles à la longueur de la journée dans les poubelles ou les rues, mendiants ;

6°- dans ce cadre l’Etat n’a jamais mis en place des projets de développement économique et social au profit des anciens esclaves, pour leur insertion et intégration dans le circuit économique et social du pays ;

– la politique de discrimination positive : devenue politique d’exclusion et de discrimination de manière flagrante et éhontée.

La liste est longue et les exemples sont les mêmes mais, malgré cela, on parle de l’éradication de l’esclavage dans le pays et on présente à l’opinion nationale et internationale une image tout à fait triquée.

°-Dans le cadre d’une politique d’accompagnement au plan économique et social objet de plusieurs recommandations, l’Etat n’a rien fait, malgré la nécessité urgente de mettre en place une politique d’appui et d’assistance à travers des financements des petits projets, la formation professionnelle de base, dotation en matériel horticole pour un développent humain durable dans les zones ADWABA, En plus des structures d’accueil et d’insertion pour fin de leur autonomisation et en vue de leur assurer le libre accès à la terre.

En conclusion

L’esclavage persiste encore en dépit de l’arsenal juridique et institutionnel produit depuis la loi cadre à nos jours qui, malheureusement n’a abouti à aucune avancée, faute de l’absence d’une volonté politique réelle et aussi, absence de l’Etat de droit et de citoyenneté qui remplit sa mission régalienne au service de tous sans distinction aucune.

Car l’Etat esclavagiste n’en faisait que tromper la communauté internationale et déjouer tous les plans et les solutions préconisées ou proposées, pour s’en limiter aux choses de façade notamment campagnes médiatiques dilatoires et trucage des réalités en vue du maintien vivace, l’esclavage et ses séquelles ,condamnant ainsi la communauté harratine qui au plan démographique représente plus de 5O % de la population à rester confinée sous le joug de leurs maitres ou anciens maitres vivant l’atrocité des pratiques hideuses et abjectes de l’esclavage dans ses formes classiques que modernes.

Cette situation accentuée par le système politique exclusiviste et féodal, basé sur la discrimination et l’exclusion systématique des harratines, lesquels aujourd’hui revendiquent leur reconnaissance au plan constitutionnel en vue de l’affirmation de leurs droits politiques économiques et sociaux dont ils en sont privés .

Tout cela constitue des violations et manquements sévères aux principes fondamentaux des droits de l’homme et aux valeurs morales ainsi que les notions de base du respect de la dignité humaine.

Enfin j’appelle à la conscience nationale et à toutes les personnes éprises de paix et de justice en vue d’agir en faveur de la cause de la communauté harratine brisée dans son âme et réduite à l’esclavage dans ce monde libre ou chaque être humain aspire à la liberté, à la quiétude, au bien être et à la jouissance de ces droits fondamentaux dans le respect de sa dignité humaine et c’est là une aspiration légitime .

Nouakchott, le 24/03/2022