Le 10/09/2021 – Mohamed Chighali
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Mohamed Ould Abdel Aziz se débat dans des problèmes qui empoisonnent sa vie de « criminel » notoire mis en examen. Répondant à une question que lui posait un de nos confrères lors de l’une de ses « maladroites »conférences de presse, avant de le répéter à RFI, « je suis riche, oui, et j’ai de l’argent. Mais je mets au défi quiconque de prouver que j’en ai pris dans les caisses du Trésor, les caveaux de la Banque Centrale ou que je me suis fais corrompre ». Mieux : « je mets même au défi l’actuel Président de le prouver ! ». La suite, on la connaît…
Effectivement, l’ex-président de la République est riche et même très riche. Mais à l’entendre ainsi rabâcher, on a comme l’impression qu’il cherche à dire aux Mauritaniens et, à travers eux, à la Justice, que la provenance de sa richesse ne regarde personne. Et que personne n’est en droit de chercher à la connaître. Ni les enquêteurs de la police, ni les trois juges du Parquet en charge du dossier des crimes économiques et financiers dont il est accusé.
L’ancien président des pauvres et des riches confondus pose quand même une équation difficile à résoudre à tous les curieux d’apprendre comment a-t-il pu constituer une telle immense fortune pendant les dix années de son règne. Le message que veut adresser Ould Abdel Aziz aux Mauritaniens, des citoyens qui croupissent au-dessous du plus bas de la pauvreté aux politiciens qui l’ont porté au pouvoir, en passant par les policiers et les juges, est limpide : « Vous m’avez élu et réélu, je vous en suis très reconnaissant. Le reste ne vous regarde pas ». Mais, même s’il n’a aucune considération pour les Mauritaniens, pour ceux qui l’ont élu, pour ceux qui l’ont accompagné dans ses pillages tous azimuts et même pour ceux qui l’ont combattu, il semble oublier que ce pays a des partenaires, des bailleurs de fonds qui ont mis la main à leur poche pour envoyer de quoi assurer de l’eau propre à la consommation de tous, construire et équiper des infrastructures scolaires et médicales, assurer l’accès de chaque foyer à l’énergie, etc.
Présomption de culpabilité
Ould Noueiguedh était riche. Très riche même. Abdallahi ould Abdallahi était riche. Très riche. Très riche. Isselmou ould Tajeddine était et est encore riche. Très riche. Ould Abass était riche, très riche. Mais personne ne s’est jamais interrogé sur l’origine de leur fortune respective. Simplement parce qu’ils sont des commerçants, des hommes d’affaires qui exercent des activités à des fins d’enrichissement. C’est pourquoi ni la police des crimes économiques, ni le Parquet général, ni les citoyens de ce pays ne s’interrogent, a priori, sur l’origine de leur argent : c’est le leur, pas celui de l’État.
Si maintenant Ould Abdel Aziz nous demande de la fermer, il faut bien qu’il nous explique pourquoi nous le devrions. Il joue à l’innocent sur lequel s’acharne « politiquement » la Justice. Ses avocats disent, avec d’ailleurs une certaine insolence, que les magistrats de ce pays et ses juges d’instruction ne savent pas lire ses textes de loi. Mais il ya tout même une chose sur laquelle on peut tous être d’accord, nous les pauvres, les avocats d’Ould Abdel Aziz, les enquêteurs de la police et les magistrats : si l’ex-Président ne se souvient pas que les quarante-six milliards déjà récupérés par le pôle d’enquête lui appartiennent, cela veut dons dire donc que cet argent ne lui appartient pas.
Auquel cas le peuple est dans son plus légitime droit de considérer que cet argent lui appartient. L’enquête semble d’ailleurs donner raison à ce peuple. Erreur ? Qu’Ould Abdel Aziz qui nous demande de la « fermer » « l’ouvre »donc pour prouver que cet argent n’appartient ni au peuple ni à l’État, ni au contribuable.
Oui, comme disent ses avocats, il ya bien dans les textes qui régissent notre loi la présomption d’innocence, un droit inaliénable à tout accusé tant que sa culpabilité n’est pas établie. On n’a pas besoin de sortir de l’Académie suisse de Neuchâtel pour le savoir. Mais moi qui ne suis qu’un simple administrateur des greffes sortant de l’ENA, (ici à l’ilot C), je veux bien rappeler à maître Ichidou qu’à lire cette disposition de la loi dans l’autre sens, la présomption de culpabilité est confirmée – d’elle-même, par évidence – tant que l’accusé n’est pas en mesure de prouver son innocence.
Client indéfendable
Il serait plus à l’avantage de maître Ichidou et de son collège d’avocats défendant ce qui devient chaque jour de plus en plus « indéfendable » qu’ils tiennent une réunion avec les proches de leur client pour les enjoindre de ne pas envenimer une situation déjà très difficile. La brigade de gendarmerie royale de Bouznika (Maroc) a été saisie d’un vol dans une voiture appartenant à l’épouse de l’ex-président mauritanien (voir encadré). S’étant déroulée hors de nos frontières, l’affaire aurait pu passer en fait divers, si la victime de ce cambriolage n’y avait pas perdu – excusez du peu – 2,7 millions de dirhams, soit la bagatelle de 94.500.000 MRO.
Peut-être même que si le vol avec effraction n’avait pas eu lieu, la victime ne se serait pas souvenue de cette somme colossale « oubliée »… dans le coffre de sa voiture !Si Leïla Trabelsi de Mauritanie se balade au Maroc avec autant d’argent dans le coffre de sa voiture, à l’instar des 40.000 euros qu’elle détenait dans un sac qui lui fut volé à Paris, cela veut simplement dire que le couple Aziz n’a plus assez de place pour garder « son » argent revendiqué par les Mauritaniens dépouillés de leur bien.
Qu’Aziz soit riche ou non, là n’est pas la question. La seule qui compte vraiment et à laquelle personne n’a encore trouvé de réponse – ni les journalistes mauritaniens, ni ceux de RFI et de France 24, ni les policiers qui enquêtent, ni les magistrats qui instruisent le dossier – c’est celle-ci : d’où vient la colossale fortune de la famille Ould Abdel Aziz ?Si les avocats de l’ex-Président peuvent répondre à cette question, qu’ils s’y emploient, au lieu de jouer aux « Vergès »,et qu’ils remettent à César ce qui appartient à César !À défaut, qu’ils cessent de nous intoxiquer avec des réclamations injustifiées !Aucun d’entre vous n’aura su expliquer à Ould Abdel Aziz soumis à un contrôle judiciaire qu’il n’était pas dans son intérêt de se soustraire à l’émargement exigé par la justice. Alors, de grâce, arrêtez de nous « embouteiller » avec des conférences de presse qui n’apportent strictement rien aux fondements juridiques de vos revendications !
Laissez Aziz où il est ! Il peut réciter le Saint Coran dans sa cellule où le maintiennent des preuves flagrantes qui s’accumulent chaque jour. Pourrait-il la quitter libre ? En ce Saint Texte que je lui conseille de réciter, il y a un verset célèbre qui met en garde les croyants contre toute tentative de s’en prendre à l’argent des orphelins. Qu’Ould Abdel Aziz, Ould Ichidou, Taleb Kh’yar, les autres défenseurs de l’accusé et ses proches apportent donc la preuve qu’il n’y a pas un sou, dans l’immense fortune suspectée, provenant du Trésor public ; pas un sou de la Banque Centrale ; pas un sou appartenant aux orphelins mauritaniens dont les parents sont morts de faim dans l’anonymat et l’indifférence totale d’un clan qui ne sait plus où cacher l’argent… volé, très certainement.
Mohamed Chighali
Encadré
Un oubli qui ne contribue pas à alléger les charges retenues contre l’ex-Président
La brigade de gendarmerie royale de Bouznika a mis hors d’état de nuire sept personnes impliquées dans le vol de 2,7 millions de dirhams à l’épouse de Mohamed ould Abdel Aziz. La victime avait retrouvé sa voiture, garée dans sa résidence estivale de Bouznika, complètement fracturée et cambriolée. D’après les sources du quotidien Assabah qui rapporte l’information dans son édition du jeudi 2 Septembre, la dite somme était déposée… dans le coffre du véhicule !
Alertés par la victime, les gendarmes ont rapidement débarqué sur les lieux pour effectuer le constat d’usage et ouvrir une enquête sous la supervision du Parquet. Interpelés en moins d’une semaine, les sept suspects ont été déférés mercredi pour « constitution de bande criminelle et vols qualifiés », indiquent les sources du quotidien. Et de préciser que leur identité a été confirmée par les empreintes digitales laissées sur les lieux du vol à la roulotte. Mais, ajoutent les mêmes sources, les gendarmes n’avaient pas attendu les résultats de la police scientifique, recourant aux caméras de surveillance implantées chez les voisins et donnant sur le boulevard et les ruelles de la zone. Elles permettaient d’identifier un individu lourd d’antécédents judiciaires. Son interrogatoire conduisait les enquêteurs à ses complices. Le procès de la bande devrait s’ouvrir dans les prochains jours.